Le suspense jusqu’au bout pour l’élection du maire de Marseille
Le maire de Marseille doit être élu ce samedi matin, alors qu'aucune force politique n'est dotée de la majorité absolue. Samia Ghali et ses désormais 9 voix sont convoitées par la gauche, mais aussi la droite. Vendredi soir, aucun accord n'avait été annoncé.
Samia Ghali en conseil municipal. Crédit photo : Esther Griffe.
À 9 h 30 ce samedi, le nouveau conseil municipal marseillais se réunit dans l’hémicycle Bargemon. Dernier rendez-vous crucial de cette campagne hors-norme, la matinée ne devrait pas s’ouvrir sans suspense, puisque vendredi soir, la position de Samia Ghali continuait de faire l’objet de toutes les spéculations. À la tête d’un groupe de neuf conseillers municipaux après avoir remporté le 8e secteur et obtenu le ralliement de Lisette Narducci – précédemment alliée à Bruno Gilles – la sénatrice aura fait monter les enchères toute la journée de vendredi sans affirmer de choix clair dans le candidat qu’elle soutiendra au perchoir lors de l’élection du ou de la maire.
Après une rencontre la veille sans débouché net, Michèle Rubirola et Samia Ghali ont ainsi poursuivi le dialogue vendredi matin puis par communiqués interposés. La seconde a fait un premier pas clair dans la matinée indiquant sa “volonté sincère et loyale d’être à ses côtés afin de participer au rassemblement aujourd’hui indispensable pour permettre le changement à Marseille”. Avant de lever le voile sur ses demandes, assumant d’avoir demandé “d’être sa première adjointe”, au nom de “toutes celles et ceux qui [lui] font confiance dans [son] secteur mais aussi au-delà, dans tous les quartiers populaires”. Une demande qu’elle avait effectivement déjà formulée auprès du Printemps marseillais. “Au-delà des valeurs que nous partageons, je suis celle qui peut lui permettre samedi d’être effectivement maire de Marseille. Ensuite et surtout parce que la volonté du rééquilibrage de notre ville et la prise en compte des quartiers populaires ne peuvent plus être de simples mots”, a-t-elle expliqué.
Le Printemps marseillais a choisi de répondre fermement et de bomber le torse, dans le sillage d’Olivia Fortin qui avait affirmé jeudi que Samia Ghali première adjointe, “ce n’est pas pensable”. Un peu avant 14 heures Michèle Rubirola envoyait une déclaration à la presse. Même ton à double tranchant. Si la candidate arrivée en tête du second tour affirme à Samia Ghali sa “volonté totale ainsi que celle de l’ensemble du Printemps marseillais de les voir, elle et ses colistiers, prendre part à l’exécutif”, elle la renvoie dans les cordes concernant sa demande d’être première adjointe. “Je ne serais l’otage d’aucun chantage, je réfute ces pratiques bien éloignées des enjeux et j’invite Samia Ghali à faire de même”, écrit-elle.
Dernier coup de théâtre à minuit, Samia Ghali a publié un communiqué dans lequel elle dit “prendre acte du refus de Michèle Rubirola avec tristesse et consternation” et explique se sentir “désormais libre” de faire “le meilleur choix pour défendre les quartiers”…sans préciser vers qui se porteront les neuf votes de son groupe.
Je prends acte du refus de @MicheleRubirola avec tristesse et consternation. Je sens donc libre, avec mes colistiers, de faire le meilleur choix pour défendre nos quartiers et répondre aux attentes légitimes de leurs habitants. #MunicipalesMarseille pic.twitter.com/RFkky9edbf
— SAMIA GHALI (@SamiaGhali) July 3, 2020
Désaccords au sein du Printemps marseillais
En étalant nos dissensions depuis cinq jours, on a créé des scénarios qui ne devaient pas exister.
Un conseiller municipal
La réunion des conseillers municipaux du Printemps marseillais, vendredi après-midi, a vu deux tendances s’affronter. En son sein, et notamment au niveau des cadres qui ont porté le mouvement, l’idée de devoir donner une place prépondérante à Samia Ghali ne soulève pas l’enthousiasme. Une partie d’entre eux, et notamment Benoît Payan et Olivia Fortin, tente de tenir jusqu’au bout une ligne puriste qui compromettrait le moins possible le projet et l’équipe initiaux en jouant le passage en force et en misant sur “le sens des responsabilités” de l’élue des 15/16. Chez les écologistes qui ont rejoint le mouvement dans l’entre-deux tours, notamment, on pousse à céder aux demandes de la sénatrice pour s’assurer la victoire. “En étalant nos dissensions depuis cinq jours, on a créé des scénarios de la droite qui ne devaient pas exister et mis Samia Ghali sur un piédestal avec des médias nationaux qui ne parlent que d’elle. Il faut lui offrir ce qu’elle demande”, appuie un conseiller municipal. “C’était du grand n’importe quoi et puis, Rubirola a tranché et a dit qu’elle ne voulait pas qu’elle soit sa première adjointe”, témoigne une autre participante à cette réunion.
“L’enjeu de demain ce n’est pas Samia Ghali, c’est la démocratie, c’est 13 000 voix d’avance et 4 secteurs gagnés par Michèle Rubirola”, a appuyé devant la presse Yannick Ohanessian, ex tête de liste dans les 11/12, tandis qu’il déposait un recours auprès du tribunal administratif au sujet de l’élection. “Nous allons lui proposer de participer à l’exécutif mais ce n’est pas une question de postes ou de places”, a-t-il ajouté. Vendredi en fin d’après-midi la plupart des têtes de liste du mouvement d’union de la gauche restaient injoignables. “Les négociations sont toujours en cours”, glissait-on tout juste à Marsactu dans l’entourage de Samia Ghali aux alentours de 18h. Selon nos informations, plusieurs postes d’adjoints pour ses colisiters et la présidence de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée auraient été proposés pour remplacer le poste de première adjointe refusé. Sans succès.
“Teissier est d’accord pour lui donner le poste de première adjointe”
La valeur des voix ghalistes n’est pas mesurée qu’à gauche, et c’est ce qui permet à la sénatrice d’assurer sa position. Alors que l’hypothèse d’une jonction avec le RN est rejetée des deux côtés, la droite se montrait confiante vendredi soir dans la possibilité d’emporter avec Samia Ghali une majorité relative autour de Guy Teissier, candidat déclaré au même titre que Lionel Royer-Perreaut, dont la candidature semble battre de l’aile. Tous deux se sont rencontrés dans la journée, assuraient plusieurs sources. “Guy Tessier, maintenant qu’il est à la manœuvre, est d’accord pour lui donner le poste de première adjointe. Ils ont travaillé ensemble à la métropole, à Euroméditerranée, ça s’est plutôt bien passé, il a été satisfait de son travail avec elle”, explique un conseiller municipal.
Un de ses collègues vante “une alliance qui transgresserait les clivages habituels et qui serait la seule configuration qui pourrait tenir la route sur la durée avec deux personnalités fortes et avoir sa cohérence. À l’inverse, je suis persuadé que le Printemps marseillais se désagrégera au fil du mandat. Et puis notez que celles qui se sont affrontées le plus durement, c’est Ghali et Rubirola, pas Ghali et Vassal”. Mais il s’interroge en revanche sur la solidité du groupe Ghali : “Combien des conseillers municipaux qui sont avec elle contrôle-t-elle réellement ? Je ne sais pas vraiment.”
Toute la semaine, le Printemps marseillais a tenté de faire vibrer la corde de gauche chez certains de ses colistiers en espérant dissocier leur choix de celui de l’imprévisible sénatrice. “Samia a besoin de discuter avec Vassal parce qu’elle a besoin de faire monter les enchères chez nous”, relativise un cadre du Printemps marseillais. “Si elle choisit Teissier, je ne sais pas comment elle peut affronter qu’une foule la traite de renégat, qui lui parle d’Ibrahim Ali et de sa piscine“, prophétise la même source.
Avec Narducci, Ghali peut offrir la majorité absolue à la gauche
Le choix de Lisette Narducci qui a renoncé à son alliance avec Bruno Gilles pour rejoindre Samia Ghali rebat les cartes. Battue, la maire sortante des 2e et 3e arrondissements n’a pas explicité son ralliement au-delà de l’aspect symbolique de leur lutte commune “contre toute les formes d’inégalités et d’injustices dans les quartiers populaires”. Seule certitude : le groupe formé par les conseillers municipaux soutiens de Samia Ghali passe ainsi à 9 sièges, exactement ce qu’il manque au Printemps marseillais pour s’assurer une majorité absolue au conseil.
Olivia Fortin, qui a remporté les 6/8 dimanche dernier, veut y voir un signe encourageant. “La droite avec ses 39 sièges comptait sur les trois de Bruno Gilles pour parvenir à 42 et être à égalité, maintenant ils sont à 41 et ne peuvent donc être élus qu’avec les voix du RN”, calcule-t-elle, jugeant “impensable” de voir Samia Ghali donner ses voix à la droite. Et dans le cas où celle-ci déciderait avec ses colistiers de s’abstenir, le risque est annulé : seuls les suffrages exprimés comptent pour constituer la majorité.
“Elle décidera samedi matin”, assure un de ses proches. Pour faire un peu plus monter la pression ? En attendant, l’appel à rassemblement devant le conseil municipal lancé par des citoyens intitulé “Ne nous laissons pas voler notre élection” a été suivi par le Printemps marseillais. Façon d’illustrer le rapport de force entre vote populaire et stratégies politiciennes mais signe aussi que le scénario d’une mairie de retour à droite est pris au sérieux.
À droite, on réfute le raisonnement avec force. Un conseiller municipal expérimenté a peaufiné la riposte : “Il y a une malhonnêteté intellectuelle à présenter les choses comme ça. Dans le monde entier, dans tous les scrutins à la proportionnelle, il faut dans l’hémicycle trouver la majorité absolue par des alliances. Ce n’est pas de notre faute si Rubirola n’arrive pas à sceller d’alliance !” Un argumentaire prêt à être dégainé pour espérer conserver une mairie acquise il y a 25 ans et ce, malgré une défaite historique dans les urnes.
Le suspens il y en a plus beaucoup. Allez Teyssier, tu es le meilleur !
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Bravo ! pour vos explications et l’article aui nous fait résoudre un cdertains nombre d’énigmes …
Ouf
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