Quand la justice tance la Ville sur la mise en sécurité des immeubles de la rue d’Aubagne
Le tribunal administratif a autorisé la poursuite des travaux de démolition des deux immeubles voisins de ceux qui s'étaient effondrés en novembre 2018, rue d'Aubagne. La décision municipale fait suite à un courrier corsé signé par la procureur et le juge que Marsactu a pu consulter. Depuis le choix de la démolition bute toujours sur la persistance d'un risque d'instabilité.
Les pouvoirs publics souhaitent racheter les immeubles du haut de la rue pour prendre en main la rénovation. (Photo JV)
Depuis des mois, ils doivent tomber. Le tribunal administratif a levé, le 4 juin dernier, l’obstacle juridique qui pouvait suspendre cette démolition comme le demandaient des propriétaires des 69 et 71, rue d’Aubagne et certains de leurs voisins, soucieux de voir émerger un autre scénario. L’arrêté de déconstruction en extrême urgence, pris par le maire, le 4 avril, en plein confinement peut être mis en œuvre sans délai. Et pourtant rien ne bouge sur les hauteurs de la rue d’Aubagne. La dent creuse témoigne toujours de son vide éclatant.
Si Jean-Claude Gaudin a agi avec tant de célérité, en avril dernier, c’est qu’il avait en main un courrier de la procureure, Dominique Laurens, particulièrement alarmée. En reprenant le dossier de la rue d’Aubagne, la nouvelle procureure est tombée sur un précédent échange, datant de mars 2019 et dont Marsactu avait dévoilé la teneur. Deux experts s’inquiétaient de la persistance d’un risque après les effondrements du 5 novembre 2018. Dominique Laurens rappelle donc au maire sa dernière réponse : “Vous concluiez en nous indiquant nous tenir informé des mesures qui seront prises. Sauf erreur de notre part nous n’avons pas été destinataire de telles informations”. Voulant vérifier la situation elle-même, la procureure s’est donc rendue rue d’Aubagne “lors d’un transport informel”. Elle a donc découvert que les piétons pouvaient déambuler par un étroit passage d’un côté de la rue, lequel était toujours habité depuis la réintégration de ses occupants.
“Surveillance plus qu’imparfaite”
Or, Dominique Laurens venait d’être saisie par le juge Matthieu Grand d’une note émanant d’autres experts sur la stabilité des immeubles du site et alertant sur “le risque potentiel encouru”. Dans le courrier qu’il transmet à la procureure et que Marsactu a pu consulter, le juge d’instruction ne prend aucun gant dans ses formulations :
“Nous estimons que les éléments fournis aux experts par les services de la ville de Marseille et les différents bureaux d’étude font état d’une surveillance plus qu’imparfaite du bâti environnant, notamment des immeubles des 69 et 71. Nous estimons que les mesures de nature à permettre la prévention des mouvements ou de remédier à de tels mouvements qui sont avérés, n’ont pas été prises.(..) Il convient également de noter que les gens se rendant sur le site, même sans être missionnées par la Justice, courent un danger réel”.
Prenant acte de l’impossibilité de poursuivre les investigations prévues, le juge les a déchargés de leur mission d’expertise des tréfonds des immeubles démolis (lire notre article sur les freins opposés à l’enquête judiciaire). Il prend soin tout de même de transmettre leur note à la procureure qui, elle-même la transmet au maire.
On est incapable à ce jour de dire si les seuils retenus sont proches ou non de la limite de rupture des structures actuelles.”
Rapport de deux géotechniciens
Cette note que nous avons également pu consulter est d’une teneur plus technique que les différents courriers. Mais elle témoigne d’une grande difficulté des différents acteurs à trouver un point de consensus sur la surveillance de ces immeubles et la manière de les conforter. Depuis le sinistre, la Ville a mis en place un système de surveillance dit CYCLOPS qui permet de mesurer de manière quasi-permanente les mouvements des différents bâtiments grâce à des capteurs.
Or, ce dispositif permet de constater des mouvement réguliers “qui dépasse[nt] les seuils d’alerte fixés par les intervenants”. “On nous précise que ces seuils ont été fixés pour un suivi provisoire. On constate que ce suivi provisoire perdure dans le temps”, écrivent les deux experts. Le seuil d’alerte fixé par le collège d’experts est d’un centimètre. Or, cette valeur est très régulièrement dépassée quelle que soit la direction : vers la dent creuse, vers la rue ou sur eux-mêmes.
Pas d’analyse structurelle des immeubles
C’est le risque d’un effet cascade qui bloque le projet de démolition pourtant arrêté en extrême urgence
“Concernant ces seuils, il ne nous a pas été précisé comment ils ont été retenus par le collège d’experts, écrivent encore les deux géotechniciens. Néanmoins une chose est certaine, ces seuils n’ont pas fait l’objet d’une analyse structurelle des bâtiments dans l’état où ils se trouvent actuellement après le sinistre. De telle sorte que l’on est incapable à ce jour de dire si les seuils retenus sont proches ou non de la limite de rupture des structures actuelles.”
Les deux géotechniciens plaident donc soit pour un confortement global des bâtiments 69 et 71 soit d’une démolition de ces derniers. Mais les experts préviennent d’emblée que si ce dernier scénario est privilégié, il présente un risque, celui “de générer la même problématique plus en amont”. En clair, une fois les deux bâtiments démolis, les mêmes mouvements d’instabilité pourraient se retrouver plus haut, au niveau des immeubles des 73, 75… Repoussant inlassablement la même problématique.
Selon nos informations, c’est ce risque d’un effet cascade qui bloque le projet de démolition pourtant arrêté en extrême urgence. Plusieurs réunions ont eu lieu avec les services de l’État pour arrêter une stratégie de sécurisation globale de l’îlot, sans déboucher pour l’heure sur un scénario validé par tous. Quant aux habitants des côtés pairs et impairs, ils continuent d’espérer une rue enfin débarrassée de tout risque d’écroulement.
Commentaires
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En conclusion on fait évacuer tous ceux au dessus et on démolit tout ? En partant du haut ? Moi qui prenait ce passage à pieds, je ferai le détour par la rue Estelle ou Lieutaud.
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Des seuils de 1 cm “valeur est très régulièrement dépassée”: ça fait peur!!!
Effectivement vaut mieux faire un détour! Un camion un peu plus lourd que les autres qui passe sur Lieutaud, et tout peut descendre.
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Il faut reconnaitre que ces échanges incessants d’experts ne permettent pas d’aider à la décision a prendre ! Détruire ? Consolider ? Pendant ce temps le temps passe.
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Si j’ai bien compris, si les deux immeubles en cause doivent être démolis, le risque immédiat et épouvantable est “l’effet domino”… On voit déjà mieux de quoi il retourne…
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Bon il est clair la rue d’aubagne ce nest pas notre dame de Paris la 2eme a droit à toutes les attentions
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