Une expertise judiciaire confirme la pollution des sols de l’école des Aygalades-Oasis
Depuis 2017, la concierge de l'école Aygalades-Oasis, construite sur un ancien site industriel, tente de faire reconnaître son cancer et sa dépression comme maladie professionnelle. Marsactu révèle le résultat de l'expertise demandée par le tribunal administratif. Elle confirme la contamination chimique des jardins de l'établissement, notamment de celui fréquenté par les élèves.
Ecole élémentaire des Aygalades. Photo : Boris Barraud.
“Plomb : dépassement de 403 % de la valeur seuil. Mercure : dépassement de 240 %. Pyrène : dépassement de 510 %”. La liste est non exhaustive mais les taux pour les autres substances ne sont pas plus rassurants dans la liste complète. L’école des Aygalades-Oasis (15e), maternelle et élémentaire, est bel et bien polluée. Et cette fois, c’est une expertise judiciaire, que Marsactu a pu consulter, qui vient le confirmer.
Métaux lourds et pyrène – classé dans la catégorie des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) – ne font pas bon ménage avec la santé. Ces substances, dont certaines sont même suspectées d’être cancérigènes, ont été retrouvées, indique ce rapport, en quantité importantes dans le jardin pédagogique de cette école. Les enfants étaient jusqu’à il y a peu amenés à y cultiver des légumes.
On retrouve également ces substances, en quantités encore supérieures, dans le jardin d’une employée de cette école. “La Ville était au courant et n’a jamais rien fait ! C’est cela qui est grave. J’ai été trompée”, regrette, la voix étranglée, Michèle Rosa Sentinella. Difficile de retenir les émotions pour celle qui, durant près de 30 ans, a été la concierge de cette école maternelle et élémentaire construite sur un ancien site industriel. Elle a dû quitter ses fonctions, atteinte d’un cancer de la peau et d’une dépression. En 2017, Michèle Rosa Sentinella a décidé d’attaquer la Ville en justice pour tenter de faire reconnaître sa maladie comme professionnelle et démontrer l’inaction de la Ville. C’est dans le cadre de cette procédure que le rapport d’expertise judiciaire cité plus haut a été effectué.
Pollution “parfaitement identifiée”
“Une contamination chimique des sols en place dans les jardins privés de la conciergerie, ainsi que dans les jardins pédagogiques de l’école, est parfaitement identifiée”, assure Pierre Boudouresque, l’expert du tribunal administratif chargé du rapport. De quoi balayer les arguments de la mairie qui précédemment pointait “le manque de preuves scientifiques” et “le respect des normes” comme l’avait déclaré en 2018 à Marsactu l’élu à la santé Patrick Padovani. La Ville refusait alors formellement de reconnaître la maladie de Michèle Rosa Sentinella comme professionnelle. Mais le rapport de Pierre Boudouresque l’accable. “La contamination chimique des sols confirme les mises en garde effectuées en 2011 par le BRGM [bureau de recherches géologiques et minières, ndlr]”, note-t-il.
Car si la Ville n’a pris aucune mesure durant des années, ce n’est pas faute d’avoir été alertée. En 2011, le BRGM, établissement public de référence dans le domaine des risques des sols, avait déjà pointé du doigt l’école de Michèle Rosa Sentinella. Lors d’une étude nationale sur la pollution dans les écoles, le bureau d’étude avait attribué des notes et des recommandations aux établissements. Sur tout le territoire, seules deux écoles avaient écopé de la note C, soit la moins bonne. Celle des Aygalades-Oasis en faisait partie. Ainsi, le BRGM avait mis au jour des teneurs en plomb élevées au niveau du gymnase, préconisé de restreindre certains accès du groupe scolaire, de recouvrir les sols végétalisés et de remplacer les terres en place sur 30 centimètres. Mais il aura fallu attendre 2017 pour que la collectivité passe à l’action.
“La Ville a attendu le recours pour bouger”
Cette année-là, une partie du terrain de l’école maternelle a finalement été condamné, des bâches en géotextile posées et le pourtour des arbres cimenté. Et un an plus tard , le jardin de la conciergerie a été grillagé. “La Ville a attendu le recours de ma cliente pour bouger, attaque Pascal Luongo, avocat de Michèle Rosa Sentinella. Avant, elle a mis ses agents et les usagers du service public, dont des enfants qui ont ramassé des tomates dans ce jardin, dans une situation dangereuse alors qu’elle se doit de les protéger. Elle les a exposés à la pollution alors qu’elle était au courant depuis 2011 au moins”. Contactée par Marsactu, la Ville de Marseille explique “ne pas communiquer sur les procédures en cours”. L’avocat de la collectivité dans cette affaire ne souhaite pas non plus faire de commentaires. Pourquoi la Ville n’a-t-elle pas agi plus tôt ? Jean-Jacques Campana attend la décision de justice pour s’exprimer. La mairie s’en tient toujours à sa position concernant l’état de santé de son agent.
En 2017 pourtant, une première décision de justice a fait un pas dans le sens de la requérante. Dans une décision en urgence, la juge des référés du même tribunal constatait que la “reconnaissance de maladie professionnelle a eu pour effet de placer la requérante en position de ne percevoir que la moitié de son traitement”. Elle poursuivait en ces termes : “la situation financière de l’intéressée est substantiellement fragilisée par cette réduction de revenus ; cette situation est un facteur aggravant [de la pathologie dont elle souffre]”. Tandis que la mairie plaidait “l’absence de lien de causalité entre la décision municipale et la perte des revenus de madame Rosa-Sentinella, puisque son arrêt maladie concerne une dépression et non un cancer”, la justice indiquait qu’il convenait de qualifier cette dépression de “réactionnelle”.
“Je veux que cette école soit détruite”
“De 2012 à 2018, j’ai eu des complications. Aujourd’hui ça va mieux, mais ça perturbe quand même et le moral est atteint. De ce côté-là, c’est toujours difficile. […] On dit que ma maladie, ce n’est rien ! Pourquoi ? Mon mari me dit d’arrêter de me rabaisser, mais est-ce parce que je ne suis que concierge ?”, éclate en sanglots Michèle Rosa Sentinella au téléphone. Cette dernière a subi plusieurs opérations pour retirer des cellules cancéreuses, dont une relativement importante. Une nouvelle expertise, médicale cette fois-ci, doit prochainement être versée au dossier.
“Il y a deux choses, le cancer de la peau et la dépression à la suite des révélations [de la pollution], commente son avocat. Ma cliente n’est pas morte, on ne lui a pas amputé une jambe, mais son cancer a probablement été contracté du fait de la pollution. La justice a réagi sur l’imputabilité. Mais quand bien même elle n’aurait pas contracté de maladie, la Ville l’a mise dans une position d’insécurité, de danger.” L’avocat a bon espoir que l’affaire avance vite et le sentiment que la mairie a “pris la mesure de l’intérêt public” de l’affaire.
Maintenant que la pollution est avérée, aussi bien dans le jardin de la concierge que dans celui pédagogique utilisé par les enfants, difficile de dire que la concierge est la seule concernée. “Les résultats de l’expertise ne m’ont pas étonnée car j’avais déjà fait faire une étude [dans le jardin de la conciergerie] qui allait en ce sens. Mais cela m’inquiète et m’embête pour les enfants. Je veux que cette école soit détruite et qu’il n’y ait plus d’accès à ce lieu contaminé, que l’on reconnaisse ma maladie comme professionnelle, conclut Michèle Rosa Sentinella. J’ai aimé mon travail. En presque 40 ans, je n’ai pas manqué un jour, j’ai aimé le contact avec les enfants et les enseignants, mais là, c’est trop.” Dans trois ans, Michèle Rosa Sentinella, qui s’est éloignée de Marseille, sera à la retraite. Désormais, se pose aussi la question de la santé de celles et ceux qui ont fréquenté cette école.
Commentaires
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Une plainte est déposée, une expertise est demandée , le tribunal administratif statue en confirmant la pollution.
Je me pose deux questions : qu’on dit les études de sol au moment de la construction ou de la rénovation de cette école à l’époque. Que va faire le Parquet face à cette situation de mise en danger de la vie d’autrui ?.
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Un scandale de plus pour la municipalité sortante, qui a mis gravement en danger la santé de milliers de personnes. Mais il parait que le véritable danger pour cette ville, c’est le “péril rouge” !
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Plusieurs années pour réagir après que la ville ait été informée de la pollution des sols autour de cette école. Plusieurs années pour réagir après que la ville ait été informée d’une grave pollution des eaux dans un quartier voisin : https://marsactu.fr/pollution-au-chrome-vi-a-saint-louis-un-rapport-pointe-le-retard-de-la-ville-pour-informer/
La ville de Marseille voudrait donner l’impression qu’à ses yeux, la santé des habitants des quartiers nord n’a aucune importance, elle s’y prendrait exactement de cette façon.
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Depuis plus de 30 ans on dénonce les pollutions cadmium, Chrome 6 etc… de la maternelle à la Cm2 8ans de présence et certainement des problèmes de santé liés à cette pollution et on continue avec le collège et lycée aux environs.
On s’inquiète on ne comprend pas quand on voit son enfant toujours malade quand il va à l’école.
Quant au personnel, je sais qu’une personne est malade, il y avait une pétition que beaucoup de parents d’élèves ont signé.
Non-assistance à personnes en danger.
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Scolarisé là. Cancer auto immun 40 ans plus tard.
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