À Font-Vert, la maison des familles ferme à cause de l’insalubrité de ses locaux
À Font-Vert (14e), la maison des familles et des associations fait vivre le quartier. Mais des problèmes d'insalubrité dus à l'absence de rénovation ont forcé l'association à fermer ses locaux, à cause des risques pour les salariés et les usagers.
Rassemblement le 2 juin 2020 à la maison des familles de Font Vert (14e) pour demander la rénovation du bâtiment. Photo : Marie Allenou
Difficile de croire qu’au bout d’un chemin en terre mal entretenu, caché par de la végétation en friche, se trouve un lieu de vie si dynamique. Moteur de la vie du quartier, le local de la maison des familles et des associations de Font-Vert (14e) porte bien son nom. Elle réunit entre ses murs, depuis des dizaines d’années, parents, enfants et personnes âgées pour des activités socio-culturelles. Elle a pourtant fermé ses portes ce mardi 2 juin.
Cette décision a été prise par la structure qui s’occupe du lieu, l’association de gestion et d’animation de la maison des familles et des associations (AGAMFA), face à l’insalubrité du bâtiment. Elle a déjà alerté la mairie, depuis plusieurs années concernant cet état. La MFA est une maison pour tous, dont la ville de Marseille est propriétaire. C’est aussi elle qui transfère sa gestion à une association par une une délégation de service public (DSP).
Les salariés, le collectif des associations de Font-Vert et des habitants se sont rassemblés à la MFA ce mardi 2 juin au matin pour demander la rénovation de ces locaux. Derrière les rires et le bonheur de se retrouver après deux mois de confinement, c’est l’indignation qui se fait ressentir.
Un lieu de vie en piteux état
À l’entrée dans les locaux, c’est d’abord l’odeur qui saisit, même avec un masque. Celle de l’humidité et de la moisissure. En levant la tête, nous constatons l’ampleur des dégâts : faux-plafonds imprégnés d’humidité, dont certains se sont écroulés dans la salle commune, et gangrenés de moisissures dans les bureaux.
Ça en est arrivé à un point, où ce n’est plus une question de simple insalubrité, il y a des morceaux du plafond qui tombent.
Henri-José Deulofeu, président de l’association gestionnaire du lieu
Difficile de croire que des salariés, des personnes âgées ou des enfants puissent être accueillis dans ces conditions. “Quand il pleut c’est catastrophique. Les vacances précédentes, on a du mettre des cônes pour sécuriser car le plafond s’était effondré”, se désole Saïd, salarié et coordinateur jeunesse. “Je suis asthmatique et dès que j’entre dans les locaux j’ai du mal à respirer. On fait avec parce qu’on aime ce qu’on fait mais aujourd’hui ce n’est plus possible”, témoigne Sadia, une autre salariée. “Ça déshumanise les gens qui travaillent ici. Comment ils peuvent les laisser dans ces conditions !”, s’indigne Jasmine, 17 ans, qui a passé une partie de son enfance dans ces lieux.
Président de l’AGAMFA depuis 1995, Henri-José Deulofeu constate la dégradation du bâtiment depuis une dizaine d’années. Face à cette situation, le jeudi 28 mai, il a pris la décision avec son conseil d’administration de fermer le lieu dès le 2 juin. “Tant que vous pouvez mettre un seau lorsqu’il pleut, on se dit « ça peut attendre encore un an », mais il y a un moment où ce n’est pas possible. Ça en est arrivé à un point, où ce n’est plus une question de simple insalubrité, il y a des morceaux du plafond qui tombent”, s’indigne-t-il. “Ce n’est pas de gaieté de cœur que l’on prend cette décision là, mais on ne pouvait plus garantir la sécurité des salariés”, regrette Maurice Monnier, un des bénévoles et administrateurs de l’association.
Une maison emblématique à Font-Vert
Ces locaux on y travaille tous ensemble, si vous nous enlevez ça, on a plus rien, on en a vraiment besoin
Nora Braisa, présidente d’une association de locataires
Construite il y a plus de cinquante ans, la MFA de Font-Vert est un lieu historique du quartier. Mariage, baptême, souvenirs d’enfants au centre de loisirs, presque toutes les personnes présentes au rassemblement ont une anecdote à raconter. “C’est chez nous ici”, résume l’un des habitants, avec nostalgie.
“C’est un lieu vivant, il y a énormément de monde qui passe ici. Pratiquement toute la semaine les locaux sont utilisés”, témoigne Drifa Douafia, de l’association Femmes familles Font Vert. La maison accueille des activités pour les enfants, les familles et les personnes âgées, et prête aussi ses locaux à d’autres associations, à de l’aide juridique et une permanence de la caisse d’allocations familiales. “Ces locaux on y travaille tous ensemble, si vous nous enlevez ça, on a plus rien, on en a vraiment besoin”, proteste Nora Braisa, présidente d’une association de locataires à Font-Vert. Le collectif des associations regrette de devoir une fois de plus se battre pour garder un pilier du lien social dans le quartier. “On se sent abandonnés. On doit toujours aller au combat et heureusement qu’il y a des petites associations”, s’indigne Drifa Douafia.
Des alertes restées lettres mortes
Depuis les premiers dégâts des eaux de 2014, aucun travaux n’ont été entrepris dans le bâtiment, comme le prouvent des documents que Marsactu a pu consultés. Pourtant les services de la mairie ont été alertés au moins huit fois, et plus particulièrement entre fin 2018 et mai 2020. Jean-Baptiste Benazet, directeur de la MFA, pointe un problème au niveau du toit. “Je veux que la Ville refasse l’étanchéité et qu’ensuite on pose la question de la rénovation des locaux, pour qu’on puisse avoir des conditions de salubrité acceptable” soutient-il.
Alors pourquoi le bâtiment n’a toujours pas fait l’objet d’une intervention depuis six ans ? Henri-José Deulofeu évoque un “renvoi de responsabilités” entre Ville et État, dans le cadre du projet de rénovation urbaine du quartier, qui aurait paralysé de possibles rénovations.
Des travaux de rénovation en vue ?
En avril 2019, une DSP a été de nouveau accordée par la Ville de Marseille à l’AGAMFA pour la MFA de Font-Vert sans confier à l’association la responsabilité d’entreprendre des travaux. “Compte tenu de leurs caractères spécifiques et techniques, [les travaux] seront réalisés non pas par le futur délégataire mais sous maîtrise d’ouvrage de la Ville de Marseille”, précise un rapport au conseil municipal. Mais depuis, toujours aucune trace de réparation dans le bâtiment.
Les choses bougent lentement mais des travaux de rénovation semblent se profiler. “En janvier 2020, le principe d’une opération programmée individuelle a été validé afin de réaliser des travaux importants (étanchéité, mises aux normes sécurité incendie et espace cuisine, menuiseries)”, nous renseigne la Ville de Marseille. Ces travaux auraient du être votés au prochain conseil municipal, mais la crise du Covid aurait retardé les choses. Le montant des réparations est estimé entre 500 000 et 1 million d’euros. “J’attends du pragmatisme, c’est à dire qu’on ait un plan précis, avec un calendrier des réparations et des travaux qui permettront à la maison des familles de retrouver son fonctionnement”, attend Henri-José Deulofeu.
La mairie et l’AGAMFA ont toutes deux évoqué la possibilité d’un déménagement du lieu dans le futur, “dans le cadre de la 2ème phase du Programme de Rénovation Urbaine”, mais pour l’instant aucune “programmation et aucune proposition d’implantation pour un futur équipement [n’a] pour l’instant été soumise [à la Ville de Marseille]” précise la mairie.
En attendant, la MFA s’organise pour poursuivre ses activités dans d’autres locaux, en espérant renaître là où elle a toujours été, au plus près des gens du quartier.
Commentaires
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Comment la mairie a-t-elle pu laisser ce lieu de rencontres et d’entr’aide devenir insalubre? Pourquoi les alertes lancées par l’AGAMFA ont -elles été si longues à être entendues? Un nouvel exemple de la gestion calamiteuse de l’équipe Gaudin-Vassal?
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C’est comme les écoles, l’entretien des bâtiments publics dans les quartiers Nord n’était pas la priorité de la Mairie Centrale.
Après on parle de violence alors qu’être reçu dans des locaux indignes est une violence pas assez dénoncé par nos médias
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Une confirmation de plus de la ligne politique de Gaudin et son gang, résumée par ces mots : “m’en fouti”. Et si, en plus, ça se passe dans les quartiers nord, c’est encore plus simple : ça n’existe pas.
Sortons-les le 28 juin.
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Marseille avec Gaudin et Vassal nous avons non pas Liberté, Égalité, Fraternité mais lâcheté, lnegalite et favoritisme
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Montant des réparations entre 500 000 et 1 million d’euros… C’est énorme… J’irai faire un tour pour voir de mes yeux ce bâtiment…
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