Accès aux toilettes et aux douches pour les sans-abri : à Marseille c’est bouché

Le camion-douche du Samu social, cours Belsunce (2017). Photo : B.G.

Il y a, après deux semaines de confinement, toujours un nombre très important de personnes à la rue à Marseille. Les 300 chambres d’hôtel récupérées en urgence, les deux centres d’hébergements d’urgence avec 250 places chacun, et les quelques dizaines d’autres éparpillées à travers la ville ne peuvent subvenir aux besoins des 6 à 8000 SDF que compte la ville. Pour la plupart de ces personnes l’accès aux besoins vitaux, alimentaires notamment, mais aussi liés à l’hygiène, ne sont aujourd’hui pas garantis. Se doucher ou tout simplement, accéder à de vraies toilettes est actuellement quasiment impossible pour une personne vivant à la rue.

“La vérité, c’est que depuis le 16 mars, les gens à la rue à Marseille n’ont pas pu se doucher”, constate Dominique Haezebrouck, responsable de la Boutique solidarité, l’accueil de jour de la Fondation Abbé Pierre à la Belle-de-mai. Sur le terrain, ses équipes rencontrent toujours beaucoup de personnes sans aucune solution de logement, et dont les appels au 115 ne peuvent pas aboutir.  “C’est une des questions qui remonte le plus des maraudes, même avant les besoins alimentaires. Il y a une très forte demande sur les douches et l’hygiène”, confirme Tanina Ouadi, pour Médecins du monde.

Une désinfection problématique

La ville est d’ordinaire déjà sous-dotée et ne comporte pas de douches publiques comme ailleurs en France. Depuis longtemps, ce sont donc les accueils de jour, cinq structures gérées par des associations, qui offrent ce service. Mais depuis la mise en place du confinement, elles ont fermé leurs portes pour éviter les attroupements susceptibles de favoriser la contagion.

Pour ces équipements, comme pour le camion-douche de la Ville, lui aussi inutilisable actuellement, la question qui se pose est celle d’une nécessaire désinfection entre chaque utilisation. Le virus se transmettant particulièrement par des gouttelettes de salive, qu’une douche est très propice à diffuser.

Pour des raisons similaires, JC Decaux, qui a la gestion de la vingtaine de toilettes publiques du centre-ville, a fermé ses équipements à l’échelle nationale. “On regarde avec JC Decaux s’ils ne pourraient pas en garder ouvertes deux ou trois mais ce n’est pas simple”, indique Monique Cordier, vice-présidente de la métropole déléguée à la propreté. La métropole étudierait notamment la possibilité d’avoir recours à des prestataires supplémentaires pour le nettoyage.

Des équipements sportifs ouverts la semaine prochaine

En attendant, les associations alertent les autorités sur l’urgence et demandent à réfléchir à des solutions alternatives. “Aujourd’hui, les accueils de jour n’ont pas les locaux adaptés pour suivre les protocoles d’hygiène nécessaires, à part peut-être à la Boutique solidarité où nous avons récemment fait des travaux. Mais on pourrait ouvrir seulement deux douches, et pour tout Marseille, c’est ingérable”, déplore Dominique Haezebrouck.

Une première réponse pourrait être apportée dans les jours qui viennent par la Ville de Marseille, annonce à Marsactu l’adjoint à l’hygiène et à la santé publique Patrick Padovani. “D’ici à lundi ou mardi, on devrait pouvoir ouvrir quatre équipements sportifs avec douches et toilettes dans le centre-ville. Nous avons construit des procédures et identifié les lieux”. Une trentaine de douches devraient pouvoir être prises chaque jour dans chacun des sites, avec un nettoyage des équipements toutes les trois heures, “en conformité avec les règles en vigueur”, assure l’élu.

Les associations interrogées n’ont pour le moment pas encore été sollicitées par la Ville quant à l’encadrement de ces lieux. Se pose la question des sous-effectif actuel. La nouvelle est toutefois accueillie avec un certain soulagement.

Concernant les squats et campements, la Société des eaux de Marseille a démarré des visites de terrain depuis la semaine dernière pour permettre des raccordements en eau, mais dans plusieurs endroits identifiés, cela s’avérerait techniquement compliqué, indique-t-on du côté de Médecins du monde. La métropole réfléchirait par ailleurs à la possibilité de créer des fontaines dans les rues à partir des arrivées d’eau.

Pas de crise comparable à Paris

La crise actuelle jette un éclairage particulièrement cruel sur la situation marseillaise en terme d’accès à l’hygiène pour les personnes à la rue. Les engagements pris par Jean-Claude Gaudin lors de la campagne municipale de 2014 auprès de la Fondation Abbé Pierre n’ont pas du tout porté leurs fruits. Sans nier le constat, Patrick Padovani met en avant la gestion de crise en cours. “Ce n’est pas le moment de savoir ce qui aurait dû être fait, aujourd’hui le sujet c’est la solidarité et des solutions, aussi système D que nécessaires pour que tout le monde soit à égalité”, avance l’adjoint au maire.

Même si les échelles sont différentes, la comparaison avec la capitale est pourtant sans appel. “J’ai passé quelques appels à Paris pour savoir comment ils géraient la crise, témoigne Dominique Haezebrouck. Ils sont déjà équipés, les procédures de désinfection et d’aération sont celles qu’ils suivent déjà en temps normal. Et ils ont plusieurs centaines de cabines de douches à travers la ville qui permettent d’éviter les attroupements qu’on redoute ici”. À Marseille, pour aller aux toilettes ou se doucher en sécurité, les sans-abri vont devoir attendre encore quelques jours.