Dans les 11/12, le ras-le-bol du béton au cœur de la campagne
À dix jours du premier tour des municipales, la candidate Martine Vassal a surpris son monde en tournant sa campagne sur le "Stop béton". La critique est particulièrement sensible dans les 11ème et 12ème arrondissements. Associations, collectifs et candidats concurrents des Républicains y dénoncent la responsabilité de la majorité sortante.
Vue sur le centre commercial des Caillols (à gauche) et une partie du 12e depuis le terrain encore vert de La Grognarde. Photo : PID
Et au milieu s’étire une étroite verte prairie. “C’est un espace de détente. Le dernier coin de végétation de notre quartier. Si vous revenez dans un mois ce sera tout fleuri, ce sera magnifique”, décrit Florence Verdier, habitante du quartier et artisane du collectif Évolution du plateau Grognarde Caillols, qui souhaite préserver l’endroit. En ce lieu du 11ème arrondissement, à la lisière du 12ème, au nord l’habitat se compose en majorité de maisons individuelles et au sud d’immeubles en copropriété, dont l’imposante barre de La Grognarde. Entre ces ensembles bâtis, la langue verte est marquée d’un sentier emprunté par les habitants. La mairie de secteur envisage de construire des logements assortis d’une nouvelle voie sur ces terrains.
Dans les 11ème et 12ème arrondissements, le thème de la “bétonisation” est devenu particulièrement sensible. Collectifs, comités d’intérêt de quartier (CIQ) et associations y dénoncent la cadence infernale des programmes immobiliers. Et tous les candidats l’ont mis en tête de leur communication. Y compris les sortants LR, Julien Ravier et Valérie Boyer, qui ont commencé à développer cet axe 10 jours avant le premier tour du scrutin municipal. D’un bout à l’autre de la ville, Martine Vassal et ses colistiers multiplient depuis les moments de campagne sous les slogans “Stop au béton” et “Stop au tout voiture” (lire notre article sur la promesse d’arrêt du projet immobilier de Legré Mante). Un positionnement neuf peu crédible du point de vue des associations et collectifs, comme des adversaires politiques. Dans les 11/12, ils tiennent la majorité sortante pour responsable. Car même si la mairie centrale accorde les permis de construire, la mairie de secteur a la capacité d’émettre des avis défavorables.
“Nous on préférerait des jardins partagés”
Un terrain de foot non entretenu jouxte La Grognarde. Ce mercredi 11 mars, des joggeurs courent tout autour. Puis, plus tard dans l’après-midi, une famille y tape dans le ballon. Il est impossible de circuler sur les trottoirs menant au terrain de foot, car remplis par les voitures des boulistes du club attenant. Le sentier descend vers les Caillols derrière le terrain de foot. Les anciens vergers “avaient été préemptés pour le tram”, explique Mathieu Latil, également membre du collectif. Le tram emprunte finalement un autre trajet. “Nous on préférerait y voir des jardins partagés, un agriculteur ou une forêt urbaine”, dit Mathieu Latil qui dénonce une “incohérence”. “Madame Vassal est celle qui présente le nombre de nouveaux arbres le plus élevé dans son programme. Mais c’est facile de compter ceux que l’on plante et pas ceux que l’on arrache”, cingle l’habitant.
Madame Vassal est celle qui présente le nombre de nouveaux arbres le plus élevé dans son programme. Mais c’est facile de compter ceux que l’on plante et pas ceux que l’on arrache.
Mathieu Latil, collectif Évolution du plateau Grognarde Caillols
Depuis au moins trois ans, Valérie Boyer, maire de secteur de 2014 à 2017 (avant qu’elle ne passe la main à Julien Ravier pour cause de non cumul avec son mandat de député) rejette régulièrement la responsabilité du bétonnage sur la loi promulguée en 2014 par la ministre du logement d’alors, l’écologiste Cécile Duflot. “La mairie de Marseille ne peut en aucun cas être tenue pour responsable de l’urbanisation excessive dans notre secteur. Cette situation est la conséquence négative de la loi Alur ou loi Duflot […]. Cette loi “scélérate” a permis une densification urbaine totalement inadaptée dans certains noyaux villageois de notre secteur en cassant les coefficients d’occupation des sols”, écrivent les candidats LR dans un courrier adressé aux électeurs du secteur, daté de fin janvier. Argument auquel l’ancienne ministre du logement EELV a répondu en les renvoyant à leurs responsabilités d’élus locaux. Contacté, Julien Ravier n’a pas souhaité répondre à nos questions portant sur les 11/12.
“C’est la mairie qui est responsable des permis”
Les coefficients d’occupation des sols (COS) permettaient d’imposer une surface maximale à bâtir sur un terrain, empêchant que la construction ne puisse occuper tout l’espace de ce même terrain. “C’est vrai que la loi Alur a quelques défauts, sur quelques terrains où l’on pourrait construire trois villas plutôt qu’une”, convient Jean-Marc Signes, candidat de la liste écologiste Debout Marseille. “S’ils ne voulaient limiter les constructions, pourquoi avoir attendu six ans pour le faire ? C’est un mandat pour rien !”, tance-t-il. Et sur la route qui mène de la Valentine aux Camoins, à l’autre extrémité de l’arrondissement, il nous montre tout un tas de projets immobilier “construits avant 2014, qui n’ont donc rien avoir avec la loi Alur”.
Comme ses concurrents engagés au Printemps Marseillais, avec Bruno Gilles (DVD) ou avec Samia Ghali (DVG), l’écologiste souhaite des modifications de PLU pour offrir moins de zonage à urbaniser. Martine Vassal affiche elle aussi la même volonté.
“Un problème de santé publique”
Pour l’avocat François de Cambiaire, tête de liste pour Samia Ghali, “la fin du COS n’est pas un argument recevable. On n’est pas obligé de construire. La mairie peut s’opposer à un permis”. Il partage comme point commun avec les candidats de Debout Marseille de s’engager sur un ras-le-bol de la gestion des sortants.
Autour des accès de la L2, l’association Nos quartiers demain critique l’aggravation du trafic routier sur la zone de Saint-Barnabé/La Fourragère dans le 11ème arrondissement. “La L2 est un aspirateur à voitures. Les gens sont aussi attirés par les parkings relais du métro, sauf que la voirie n’a pas été pensée et n’est pas adaptée”, affirme André Poussier, membre de l’association Nos quartiers demain. Ils dénoncent le projet d’un grand hôpital privé sur la friche du collège Louis-Armand, qui a été déménagé. Devant les bâtiments désaffectés les opposants dénoncent un projet “surdimensionné, non adapté au lieu”.
Pour venir chercher leurs rejetons aux écoles ou au collège donnant sur la rue, “les parents se garent déjà en double, voire triple file. Vous imaginez la dangerosité pour les gosses si on ajoute les voitures des proches qui viendraient visiter les patients et les urgences”, juge Christian Creuset. Fin 2018, suivant les vives oppositions enregistrées lors de l’enquête publique, le commissaire enquêteur a rendu un avis très défavorable. Ce qui a conduit les porteurs du projet à en réduire la voilure lors du dépôt d’un nouveau permis de construire toujours à l’instruction.
Des candidats en lice, seule les candidats Les Républicains continuent de défendre l’installation de l’hopital privé à cet endroit. “Dès sa génèse, nous avons témoigné notre total soutien au projet et l’avons accompagné dans son déploiement. Nous avons par la suite tout mis en œuvre pour qu’il puisse aboutir et ce, malgré les nombreuses oppositions auxquelles nous avons dû répondre afin de rassurer les riverains”, ont écrit Julien Ravier et Valérie Boyer le 3 mars à la direction de la clinique Beauregard, appelée à fusionner avec la clinique Vert-Coteau dans le cadre de ce projet. Cécile Vignes, l’une des anciennes figures de proue de Nos quartiers demain, s’est mise en retrait de l’association pour être deuxième sur la liste de Robert Assante avec Bruno Gilles.
Au-delà du fond des projets critiqués, la défiance porte sur le manque de concertation avec les habitants. “Ce n’est pas en réunissant deux fois les CIQ que l’on peut prétendre avoir fait de la concertation”, fustige André Poussier. Tous les candidats ont inscrit dans leurs propositions cette volonté de mieux consulter les habitants. L’avenir révèlera s’ils s’agissait de promesses en l’air ou de volontés enracinées.
Commentaires
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C’est vrai que le bétonnage du 11-12° s’est accéléré ces dernières années à la faveur du PLU et de la loi ALUR dont personne ne demande la modification. Mais le bétonnage ne dérange certains collectifs cités -et crées il y a moins de deux ans donc à l’approche des élections municipales-que lorsqu’un projet particulier -un hôpital par exemple- les gêne. Leurs membres ont-ils participé aux réunions publiques sur le PLUi qui ont précédé l’enquête publique et qui ont fait l’objet d’annonces ? C’était l’occasion de demander des modifications de zonage pour diminuer la densification à venir … Des CIQ les ont demandées et obtenues. Mais ce ne sont que des CIQ, le fait qu’ils soient consultés semble peu importer, c’est peut-être même illégitime !
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Les CIQ sont si légitimes et si indépendants du pouvoir municipal qu’en 2020, comme en 2014, on trouve une palanquée de leurs président•e•s sur les listes de la majorité gaudiniste. Et ils sont si représentatifs des préoccupations de la population qu’ils s’activent à saborder les timides tentatives de développement de l’usage du vélo dans cette ville particulièrement en retard sur ce plan : https://marsactu.fr/agora/les-ciq-de-marseille-luttent-contre-la-proliferation-du-velo/
Ce n’est pas par hasard que ces clubs du 3ème âge sont contestés par des collectifs beaucoup plus indépendants – Mme Vassal dirait “politisés”, comme si c’était une injure – et plus proches du terrain et de la population réelle.
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Deux remarques à vos propos .La première les CIQ sont inféodés à la mairie et l’on récompense ces gens là avec une breloque de temps en temps . Vous m’expliquerez d’ailleurs les hauts faits de la mère Cordier pour obtenir la Légion d’Honneur.
Deuxièmement, les gens sont mécontents, râlent sur le bétonnage et élisent sans coup férir l’équipe qui bétonne. Cherchez l’erreur ou plutôt la connerie du genre humain.
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Si les CIQ sont inféodés à la mairie, donc au politique; les collectifs qui ont fleuri à l’approche des élections municipales le sont aussi semble-t-il. Un exemple parmi d’autres : Nos quartiers demain dont la présidente, ex soutien de Said Ahmada, a rejoint une liste électorale de droite. .
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La campagne électorale de Gaudin en 2014 avait été mensongère de A à Z, avec un déluge de promesses dont aucune n’a été réalisée. On pensait cet exploit indépassable, mais on avait tort.
Voici maintenant les candidats de la majorité municipale sortante qui ont découvert, il y a dix jours, qu’en fait ils ne faisaient pas partie de la majorité municipale sortante. Et que les décisions de celle-ci ne sauraient faire partie de leur bilan puisque, en gros, “c’est la faute du gouvernement” et, éventuellement, “c’est la faute de Gaudin”.
Une telle hypocrisie politique force l’admiration, vraiment. Encore 45 minutes pour l’écrire : dégageons-les !
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Et en matière d’hypocrisie vous n’avez encore rien vu, cher 8e !
Lundi CHST exceptionnel ordonné par l’ingénieur Rué, ou comment acheter les voix des employés municipaux et non pas des travailleurs municipaux, la nuance est importante.
Prétexte le COD 19 et les parents d’enfants de moins de 16 ans. Vous allez voir l’ampleur du cadeau. Il faut bien rattraper les congés supprimés suite à la visite de la brigade financière.
Prétexte, la prevention. Mais à la mairie il y a prevention et prévention, ceux de la rue d’aubagne vous expliquerons la différence.
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