Un an après le drame de la rue d’Aubagne, la colère s’enracine et veut se transformer
Un an après le drame de la rue d'Aubagne, plusieurs milliers de manifestants, 6700 selon la police, deux fois plus pour les organisateurs, ont défilé contre le logement indigne.
Un an après le drame de la rue d’Aubagne, la colère s’enracine et veut se transformer
L'enjeu
Un an après la marche blanche en hommage aux morts de la rue d'Aubagne, les Marseillais sont toujours présents par milliers pour demander des logements décents pour tous.
Le contexte
Le sujet du mal-logement continue de mobiliser les foules à quelques mois d'élections municipales, censées permettre de tourner la page de l'ère Gaudin.
La colère née de la rue d’Aubagne est toujours là. Un an après les effondrements de trois immeubles de Noailles, des milliers de Marseillais (6700 selon la police, plus du double pour les organisateurs), ont encore une fois défilé de Notre-Dame-du-Mont à la mairie en passant par la rue où s’est produit le drame, le 5 novembre 2018. Les slogans, de “ni oubli, ni pardon” à “Gaudin assassin” en passant par “des logements pour qui ? Pour tous !” ont eux aussi rempilés. En première ligne, on distingue les proches des victimes, dont la mère de Julien Lalande.
Dans cette foule qui s’effiloche au fil d’un parcours tortueux, la colère est intacte. “Pour moi, c’est d’abord pour ne pas oublier les victimes, témoigne Valérie Manteau, écrivaine et membre du collectif du 5-novembre. On n’oublie pas, on ne pardonne pas et on est toujours là un an après. Car la crise est toujours là, avant-hier, on évacuait encore des gens à la Plaine, hier à la rue de Lodi.” La militante rappelle ainsi la vague d’évacuations sans précédent qui a mis hors de chez eux plus de 3000 personnes les mois qui ont suivi l’événement tragique, et qui est loin d’être finie.
Cette nécessité de faire vivre la mémoire des victimes, c’est aussi le principal moteur de Muriel Carlon, une Arlésienne qui a fait le déplacement pour défiler : “C’est humain d’être là, on pense aux victimes et aussi à cette petite mémé qui est morte à cause d’une grenade lacrymogène [Zineb Redouane, habitante de Noailles, est décédée à l’hôpital après avoir été touchée par une grenade lancée par la police à la fin d’une manifestation contre l’habitat indigne, ndlr] Ce n’est pas vraiment par rapport à la politique. Je crois que je préfèrerais encore une manifestation silencieuse que des slogans dans lesquels parfois je ne me reconnais pas.”
“En mars, il y a une élection”
Mais quelques phrases plus loin, cette ancienne habitante de Marseille qui y vote encore veut aussi y voir le balbutiement d’autre chose : “En mars, il y a une élection, on s’exprimera et on se souviendra de tout cela. Cette marche, on peut aussi y voir la première étape d’un vote”. Dans le cortège, Grégory, père de famille, s’est déplacé dans le même esprit : “On vient parce qu’on sent qu’il se passe beaucoup de choses en ce moment, qu’il y a un contexte”.
Ce contexte des élections municipales affleure dans beaucoup de prises de parole. Ainsi, planté à l’arrière du camion du syndicat Solidaires qui assure la sono, Dominique Carpentier, habitant délogé de Noailles et membre du collectif du 5-novembre, égraine les noms des “élus marchands de sommeil qui n’ont pas abandonné leur charge élective“. Il cite “pour ne pas les oublier” André Malrait, Thierry Santelli, Xavier Cachard et Bernard Jacquier qui, à des degrés divers, ont été épinglés pour la location de biens insalubres.
Au même micro, Fathi Bouaroua, président d’Emmaüs Pointe-Rouge et militant du Pacte démocratique, insiste : “En un an, ils n’ont rien fait ! Comment avec 36000 logements vacants, ils n’arrivent pas à reloger les Marseillais ? Cette manif ne devrait pas s’appeler de la colère mais de la honte !” Aïcha Mansouri, du collectif des Bourrélys et militante de la France insoumise, se fait même plus directe : “Allez voter les 15 et 22 mars pour soutenir ceux qui luttent et qui sont ici !”, enjoint-elle.
Plus généralement, beaucoup espèrent une prise de conscience pérenne telle Soraya Gendouz-Arab du Syndicat des quartiers populaires : “Nous les gueux, nous les peu, nous les riens, nous avons fait front face à cette oppression. Nous ne voulons plus de vos miettes, c’est terminé”, exhorte-t-elle. Face à elle, derrière la banderole “ni oubli, ni pardon”, un homme d’âge mûr n’en finit plus d’appeler à la révolution. Abdellah Naamoun fait parti du collectif des oubliés de la Belle-de-mai, “qui était en sommeil et se réveille un peu”, une des nombreuses associations de quartier présentes dans ce rassemblement. “À la Belle-de-mai, on est oublié sur le logement mais aussi sur la voirie, sur les écoles. il y a un ras-le-bol général. Faut nous rénover, il y a de l’argent ! Et maintenant, les gens doivent prendre leur lutte en main !”
Après la manifestation, les échaufouréesAlors que la manifestation s’est achevée devant l’hôtel de ville, plusieurs centaines de militants ont poursuivi leur marche sur la Canebière et vers la Plaine aux cris de “Marseille debout, soulève-toi”. Sur leur passage de nombreux équipements et vitrines ont été tagués ou détériorés comme l’hôtel-brasserie des Capucins, situé à l’entrée du quartier de Noailles.
Commentaires
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“plusieurs centaines de militants ont poursuivi leur marche sur la Canebière et vers la Plaine aux cris de « Marseille debout, soulève-toi ». Sur leur passage de nombreux équipements et vitrines ont été tagués ou détériorés comme l’hôtel-brasserie des Capucins, situé à l’entrée du quartier de Noailles.”
Militants ??? Pourquoi pas casseurs ?
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Vous chipotez. Les casseurs, on les avait déjà repéré à leur tenue, à leurs slogans qui n’avaient rien à voir comme d’habitude, à ce rassemblement. Certains criaient (tout de noir vêtus) “A-A-A-Anticapitaliste” et sur Belsunce qqs uns s’interpellaient par téléphone : “on reste tête découverte, on finit la ballade et on voit après”
Nous avons quitté la manif, quand un projectile nous a atteint car on passait devant un véhicule de police. Les auteurs ? 3 merdeux de 15 ans, 3 petits kékés qui se la pétaient….
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C’est étrange ces remarques sur les anticapitalistes.
Bien sûr que c’est un problème d’hyper capitalisme ce qui se passe à Marseille comme ailleurs.
Ils sont en train de nettoyer les quartiers Bougainville, Les Crottes, La Cabucelle (bientôt) pour y mettre quoi : des bureaux ? des appartements trop chers pour les smicards.
On enlève la pauvreté comme on ramasse les poubelles…
On laisse s’effondrer, on laisse pourrir, on délaisse.
Par contre, on vient chercher sa came à Campagne Levêque, ça, pas de problème.
C’est un affront ces hôtels de luxe qui se construisent à Noailles, sur la Corniche. Une insulte à tous ceux et celles qui n’ont presque rien dans cette ville scindée, fracturée.
Je ne vois pas de contradiction entre un slogan anticapitaliste et un slogan qui réclame des logements pour tous-toutes. C’est quoi des marchands de sommeil ? Ils sont pas au CAC 40, ok, mais bon.
Après, les casseurs… oui, des vitrines. Pas des balles qui éborgnent, pas des coups de matraque qui cassent les visages, pas des armes de guerre qui font perdre des mains. Des vitrines. Oui. En verre sécurit. Et des containers qui brûlent. Wouaouh ! Extrême violence.
Mais hier, moi, j’avais les boules parce que j’ai trouvé que nous n’étions pas nombreux-ses.
Pas un slogan pour nous rassembler, nous unifier, nous faire éphémèrement nous sentir UN, nous galvaniser.
Je vois des chantiers partout, des chantiers dont Marseille n’a pas besoin, et puis je vois mon quartier, pauvre, pauvre en tout. La pauvreté, ça tue bcp.
Pour le moment, je pense que ceux et celles qui ont des gros fauteuils joufflus de pouvoir, n’ont pas vraiment peur de nous.
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J’entends les arguments d’Alibi que je trouve plutôt recevables sur le fond. Sur la forme, j’aimerais toutefois que la “casse/tag/collage” soit mieux dirigée.
Il y a assez de choses privées mal gérées : magasins vides rue de la République, mobilier urbain envahissant siglé JC Decaux (sur lesquels les affiches anti-Gaudin sont très photogéniques et bine dirigées !)…. pour ne pas s’en prendre à des choses publiques et payées par tout le monde (poubelles et conteneurs de tri en particulier) – car ça aussi, payer la casse publique, ça nous appauvrit collectivement, même si c’est minime économiquement !
Quant à l’hotel de luxe, pardon mais c’est un hôtel Mercure… ce sont des hôtels qu’on trouve en face des gares en général, en standing c’est juste au dessus des premiers prix… à 125 balles la chambre double (je viens de vérifier) c’est pas DU TOUT un palace ! “Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur de ce monde”. Alors plutôt que se braquer contre lui, on peut donc aussi renverser la vapeur et le voir comme un immeuble rénové, un commerce qui rouvre, sans doute un jour une terrasse pour boire un café sur la Canebière (il y en avait au siècle dernier, et c’était bien, vous vous rappelez ?) etc. plutôt que se braquer sur le fantasme d’un hôtel de luxe aux portes d’un quartier pauvre.
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J ai vu beaucoup de monde à cette manif, depuis le cours Ju jusqu à Belsunce, mais une masse de personnes qui s est éparpillée, les uns remontant Lieutaud, les autres descendant direct vers les capucins, puis après avoir rejoint la Canebière et Belsunce à un rythme de promenade, nouvelle dispersion à Colbert, les uns s arretant la, les autres montant vers la porte d Aix, d autres descendant vers la bourse…
Il y avait vraiment du monde, mais comment se compter ? Et comment faire corps ?
Pourquoi et par qui cette manif a t elle été autant éclatée ?
C etait frustrant, mais on était nombreux, et la manif était calme, les slogans, les pancartes, les affiches, étaient pertinents.
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Je ne me suis pas braquée. En effet, hôtel Mercure, pas du luxe. Mais sur la Corniche : oui, du luxe.
Mais c’est pas tant le sujet.
Je ne vois pas se mettre en place des espaces de jeux pour les enfants, des mini stades citadins, des équipements culturels type maisons de quartier. Les centres sociaux sont en ruine. Fermeture de la piscine Nord, bibliothèque St André à l’abandon. Certes, nous avons changé de société avec l’image et les portables, mais nous avons besoin d’accueillir les jeunes mieux que ça.
De nous accueillir nous mêmes, en fait.
Oui, c’était une manif éclatée, je les ressentis comme ça également.
De cet éclatement social que nous n’arrivons pas encore à endiguer.
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