La capitale de la culture fait doucement sa mue vers 2015

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le 8 Juil 2014
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Battre le fer pendant qu'il est encore chaud, voilà l'objectif que Marseille-Provence 2013 s'était donné avant sa liquidation. Tandis qu'un rapport est en cours d'écriture afin de mesurer les impacts de la capitale sur les pratiques culturelles et l'attractivité du territoire, un projet de suite encore balbutiant se dessine en pointillés, Perle après Perle (Pour ne pas en rester là). Derrière l'acronyme précieux se cache un think thank culturel lancé à l'initiative de la chambre de commerce et d'industrie, avec des acteurs du monde culturel et économique. Au-delà des belles idées que le groupe de réflexion égraine, il manque un pied au tripode initié par la capitale culturelle : le monde politique.

Dès l'acte de candidature, la capitale avait sonné une forme de paix des braves entre les grands élus et maires du territoire qui avaient uni leur force pour le grand oral face au jury. Cette belle entente s'est ensuite concrétisée avec la création de l'association MP2013. La capitale passée, la naissance au forceps de la métropole et les élections municipales ont rendu infiniment plus complexe une démarche de partenariat politique autour de la culture. Surtout si s'y ajoute un pot financier commun. Si chacun veut bien capitaliser sur l'effet capitale, c'est dans son coin. Pour réamorcer le dialogue, l'élue à la culture de Marseille Anne-Marie d'Estienne d'Orves s'est proposée d'effectuer cet été la tournée des différentes collectivités embarquées dans l'année capitale.

Tournée des popotes

Le but de cette expédition ? Convaincre les collectivités de repartir comme en 40, ou plutôt en 2013, de se regrouper sous forme d'une entité collective et de déterminer combien chacun serait prêt à remettre au pot pour lancer des projets culturels communs. La mission est d'autant plus délicate que l'Etat est absent de ce tour de table après avoir promis de l'argent à la fois pour Marseille et pour le projet métropolitain. Sur une proposition du président de la chambre de commerce et d'industrie Jacques Pfister, l'élue devrait être accompagnée de l'ancien directeur de l'association Marseille-Provence 2013 Jean-François Chougnet et de Corinne Brenet, ancienne présidente des Mécènes du sud.

Malgré ce contexte tendu, certaines communes se montrent enthousiastes à l'idée d'assembler leurs forces, à l'instar d'Istres : "Toutes les municipalités attendent 2015 pour s'orienter vers des projets communs, des collaborations appuyées sur des structures préexistantes", affirme Nicole Joulia, adjointe à la culture d'Istres. "Pour l'année capitale, nous sommes allés jusqu'à la Seyne-sur-mer, on a déjà une bonne base pour envisager 2015 !" poursuit l'élue, faisant allusion en particulier à l'événement Cirque en capitale auquel sa commune était associée. La municipalité d'Aix-en-Provence, plus réservée sur l'idée d'une suite, était absente lors de la dernière réunion du Perle. Anne-Marie D'Estienne d'Orves aura donc la difficile charge de convaincre les villes hésitantes comme Aix, mais aussi de faire adhérer les nouvelles municipalités comme celle d'Aubagne qui a la lourde tâche de gérer une ville financièrement exsangue et de poursuivre un élan amorcé par l'équipe précédente.

"Beaucoup d'opérateurs marseillais"

Si c'est l'élue à la culture marseillaise qui porte de ville en ville le flambeau de l'après 2013, il lui reviendra toutefois la mission de convaincre ses homologues que le projet ne sera pas exclusivement centré sur Marseille mais qu'il aura bien l'ambition de s'étendre sur tout le territoire, avec une vraie gouvernance partagée. Une tâche peu aisée car tout comme durant l'année capitale, une majorité de propositions en cours d'élaboration concernent d'abord Marseille. Pour Jean-François Chougnet, c'est assez logique dans la mesure où il y a "beaucoup d'opérateurs marseillais", notamment en ce qui concerne l'art contemporain, envisagé pour l'après 2013 à travers la coordination des principaux opérateurs publics et privés (Frac, Mac, Cartel-Friche la Belle de mai, Mucem, etc).

Cependant, le directeur de MP 2013 souligne le spectre territorial plus large visé par le Perle : "Ce sont des projets ambitieux, certains avec un rayonnement départemental, notamment avec la compagnie Karwan". Celle-ci pourrait ainsi, le temps d'un week-end de mai ou de juin 2015, proposer par le biais de la Folle Histoire, un événement sur les arts de la rue, en lien avec quatre villes et huit villages du département. Concernant les villes concernées, il est seulement indiqué dans un document du Perle récapitulant de manière non définitive les propositions artistiques et culturelles que "les discussions sont lancées avec Istres, Vitrolles, Salon-de-Provence et éventuellement Aubagne. Aix-en-Provence et la Ciotat sont envisagées". Reste à savoir si le conseil général, principal financeur de Karwan pour la Folle histoire avant 2013, serait prêt à soutenir un tel projet, probablement coûteux par son ampleur. Or, la culture ne fait pas partie des compétences obligatoires du département qui est engagé, à court terme, dans une logique d'économie et, à moyen terme, dans une perspective de disparition.

Biennale des arts du cirque ?

Parmi les autres projets évoqués, apparaît l'idée de créer une Biennale des arts du cirque, entre le 22 janvier et le 22 février 2015. La manifestation serait implantée dans les quartiers Nord et sur l'initiative d'un "pôle cirque Méditerranée" qui s'appuierait sur le Merlan, la Cité des arts de la rue, la Gare franche et l'Alhambra, "un parcours de programmation" serait ainsi proposé. Autre exemple, mettre en place "le grand Bazar de Marseille" qui s'étendrait sur deux semaines au mois d'août, après la vague des festivals d'été. L'événement investirait les quartiers Nord, Est et Sud de la ville, puis les places du centre-ville.

En tout, une trentaine de lieux publics seraient scénographiées, avec huit scènes, le tout en s'inspirant des fêtes de Gracia à Barcelone, avec parades, concerts, activités artistiques et manuelles implantées dans les quartiers. Pour ce faire, un collectif pourrait être spécialement créé, réunissant diverses structures : le Merlan, Marsatac, Seconde nature, Zinc, etc. "Cette proposition mériterait d'être poussée", estime Jean-François Chougnet qui espère que la manifestation pourrait voir le jour à l'été 2015. "Mais elle est encore fragile car contraignante : il faut s'y prendre 9 mois avant et c'est coûteux." Une proposition de Lieux publics figure également sur le document, avec, étalées sur trois semaines, des interventions plastiques et des "grands projets participatifs" mêlés aux arts de la rue, sur plusieurs kilomètres. La période, mai ou septembre, n'est pas arrêtée.

"Côté festif"

L'avenir du J1 figure également en bonne place de l'annexe. Le Grand port maritime de Marseille tarde à faire son choix entre une vingtaine de propositions de reprise plutôt centrées autour de la plaisance de luxe. C'est dans ce contexte d'attente que l'association Marseille 3013héritier du Off, présente un projet même s'il ne figure pas dans la short list des candidats à la reprise… Le collectif propose ainsi de rouvrir le hangar au public en avril 2015, "en associant trois formes culturelles  : une grande exposition, locomotive de la programmation au fond du site, dans la 1ère partie, un ou deux projets innovants et participatifs, chaque vendredi soir, des soirées ouvertes au public pour renforcer le côté festif et qui pourraient être confiées à chaque fois à des organisateurs différents". Stéphane Sarpaux, directeur du Off, explique que "l'idée était surtout de remettre l'avenir du J1 sur la table, de faire un peu de lobbying. Nous n'avons pas les moyens financiers d'ouvrir le J1 pendant une heure. C'est aux gens qui sont aux responsabilités de le faire…" Si le port a joué le jeu de la capitale, il entend désormais mettre à profit ses installations dans une perspective plus conforme à des objectifs économiques maritimes.

Par ailleurs, d'autres projets MP 2013 devraient se poursuivre, le conseil d'administration de l'association ayant voté pour leur continuité en janvier 2014. Il s'agit en l'occurence des Chercheurs du midi, dont le Musée d'histoire de Marseille aurait la charge, les "Histoires vraies de la Méditerranée" de François Beaune, qui seraient poursuivies par le Mucem, ou encore les "ateliers de l'Euroméditeranée" avec les résidences d'artistes implantées dans des lieux non artistiques. La coordination de ces ateliers pourrait être confiée à la Friche Belle de mai, mais aucune certitude n'existe pour l'heure, le directeur de la Friche Alain Arnaudet n'ayant pas souhaité apporter plus de précisions. La chambre de commerce réfléchit avec des partenaires publics et privés aux moyens à mettre en place pour assurer la continuité du projet. Une réunion plénière du Perle 2014 est prévue pour le mois de septembre. Anne Marie d'Estienne d'Orves sera tout juste de retour de son pèlerinage avec son bâton et une sébille plus ou moins pleine de promesses. Et puis, si personne n'est prêt en 2015, tout cela peut attendre 2016.

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Commentaires

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  1. Marianne Marianne

    Formidable ! Mais si on s’intéressait d’abord à toutes les bonnes initiatives de Marseille, comme celle que je développe à la force du poignet sur l’association Marseille Autrement (voir notre site Internet) ? Et pourquoi la ville de Marseille n’a pas voulu participer à l’opération de promotion du tourisme régional Bienvenue Chez Vous (voir le site Internet) ?

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  2. Anonyme Anonyme

    Je suppose qu’AdamProdution a déja préparé les appels d’offres…

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  3. stoplanguedebois stoplanguedebois

    Il serat peut être temps de constater que la region PACA possède un réseau d’institutions d’art moderne et contemporain parmi les plus denses et les plus prestigieux du monde. Musées Matisse, Chagall, Picasso près de Nice, Fondation Maeght, Fondation Hartung, Musée cantini et Mac à Marseille, Collection Planque à Aix, Fondation Van Gogh à Arles, Fondation Lambert à Avignon….cet ensemble attire déjà plusieurs millions de visiteurs chaque année (plus de 600 000 à la seule Fondation Maeght). Tout çà dans l’indifférence des élus d’avantage préoccupés à satisfaire le “lobbying” du spectacle vivant et de la chasse au cachet des intermittents. Alors bien sur une oeuvre d’art ne vote pas, mais elle attire indéniablement d’avantage de visiteurs (de tous horizons sociaux) qu’un spectacle de cirque ou de marionnettes. Avec un peu d’intelligence et d’ambition il y a là, largement de quoi construire des projets d’audience internationale, sans forcément dépenser des sommes ahurissantes, et à la plus grande joie du public. Force est de constater d’ailleurs que dans la capitale européenne de la culture ce que la plupart des visiteurs ont plébiscité c’est……l’ouverture d’un musée.

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  4. José 2014 José 2014

    C’est drôle : avant même d’avoir rendu des comptes publiquement sur sa gestion castastrophique et déficitaire de MP 2013, JF Chougnet cherche ici et là (cf Rencontres photographiques d’Arles, par exemple…) un autre poste culturel où pouvoir pantoufler en étant grassement payé, comme ce fût le cas pour MP 2013… Drôle de machin non-démocratique, cette fumeuse association MP 2013 et ses ramifications nébuleuses non publiques !!!

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