Un atlas partagé pour dénoncer la disparition des terres agricoles dans les Bouches-du-Rhône
Protéger les terres agricoles est un objectif partagé par les associations, les services de l’État et les collectivités. La réalité des politiques publiques est plus gourmande en sols agraires. C'est ce qu'entendent prouver une vingtaine d'associations en publiant un "répertoire des terres agricoles en danger".
Photo : Clémentine Vaysse.
“Métropole des villes, métropole des champs”, ainsi aime se présenter Aix Marseille Métropole, pour exposer ses actions en faveur de l’agriculture. Mais au rythme où ils disparaissent, les champs pourraient vite devenir de l’histoire ancienne. Ambitieuse sur le papier, la collectivité prépare, conjointement avec le pays d’Arles, un projet alimentaire territorial (PAT) dont le cœur est la “sanctuarisation des terres agricoles”. Cet objectif répond à un constat très préoccupant.
Les Bouches-du-Rhône sont le département de Provence Alpes Côtes d’Azur qui consomme le plus de terres agricoles, détournées pour d’autres usages. Selon l’observatoire régionale de la biodiversité, 18,7% des sols du département sont artificialisés, contre 8,8% pour la moyenne régionale.
Depuis 1988, le béton a figé 22 000 hectares, soit l’équivalent de la superficie de Marseille (relire notre enquête sur la disparition des terres arables). Des chiffres repris en préambule d’un “répertoire des terres agricoles en danger”, dont Marsactu a eu la primeur. Dans ce document rendu public ce mercredi 25 septembre, une vingtaine d’associations environnementales (France nature environnement 13, Les amis de la terre 13, agir pour la Crau…) et en faveur de l’agriculture paysanne (filière paysanne, terres fertiles, action terres citoyennes…), détaillent “1919 hectares menacés”.
Elles veulent interpeller les pouvoirs publics tout en invitant d’autres citoyens à l’action. “Nous ne somme qu’au début de la campagne. Le répertoire sera actualisé en ligne“, précise Alain Goléa, l’un des coordonnateurs, actif dans le Collectif 3A (Auriol Adrechs agriculture) à Auriol, pour la préservation de sept hectares menacés par l’étalement urbain. Par le web, ou les contacts donnés dans le document, tout un chacun peut à son tour signaler des terres jugées menacées.
Le détail de 1900 hectares menacés
Fiche par fiche, commune par commune, le document présente les espaces menacés et propose des solutions de préservation. Là, ce sont des projets routiers qui sont pointés, comme le contournement autoroutier d’Arles sur 900 hectares de foin de Crau, de grandes cultures et de maraîchage ; ou encore la rocade Linea qui supprimerait sept hectares d’agriculture périurbaine et de jardins sur Allauch, Plan-de-Cuques et Marseille.
Ailleurs, des zones artisanales, commerciales, industrielles ou résidentielles, pourraient s’étendre sur de bonnes terres. Ce qui est le cas dans la plaine agricole d’Aubagne et Gémenos où la pression des zones d’activités est forte. Autre exemple : à Salon-de-Provence, la ZAC Bel Air est en projet d’extension de 60 hectares sur des parcelles de foin de Crau. Parfois l’artificialisation est imminente. Sur la commune métropolitaine de Saint-Zacharie (Var), “la plaine agricole est malheureusement déjà sous le coup des pelleteuses”, déplore Alain Goléa.
Le document est loin d’être exhaustif, de part la difficulté de la mise en réseau. “On manque d’informations entre Aix et l’Étang de Berre“, affirme par exemple Alain Goléa. “D’autres personnes contactées ont refusé de témoigner publiquement par crainte de représailles. Cette action touche le cœur de la machine clientéliste”, nous dit le responsable associatif.
De l’échelon intercommunal à la commune, les associations observent une contradiction. “Tous les documents d’orientation stratégiques, tous les schémas de cohérence, tous les autres plans locaux d’urbanisme (PLU et PLUi), Plan Climat Air-Énergie Territorial (PCAET) et plans alimentaires territoriaux… affirment désormais le besoin de privilégier les circuits courts, de produire local (bio si possible), donc de préserver le patrimoine agricole”, écrit en introduction Stéphane Coppey, président de France Nature Environnement 13. Et, “pourtant, les associations […] continuent à recenser des menaces persistantes sur les terres agricoles de notre département, au profit d’infrastructures de transport, de zones d’activités ou d’habitat, quand ce n’est banalement pour garantir des ressources à une mairie ou à des particuliers (élu, agriculteur…)”, poursuit Stéphane Coppey.
De ce dernier point de vue, Christian Burle, vice-président métropolitain délégué à l’agriculture* controversé pour la politique menée sur sa commune (relire notre enquête sur ce vice-président bétonneur), ne paraît pas pertinent aux associations pour mener à bien les ambitions affichées par la métropole. Une fiche du “répertoire des terres en danger” concerne d’ailleurs les 15 hectares de La Treille, (relire notre enquête sur cette urbanisation controversée), prévus à l’urbanisation sans être directement rattaché au village de Peynier, dont Christian Burle est maire.
Objectif « zéro artificialisation nette »
Contacté par Marsactu, la préfecture y va aussi de son adresse aux collectivités. Elle fait état d’un rythme d’artificialisation de 643 hectares par an. En affichant un objectif de “zéro artificialisation nette” pour orienter les documents d’urbanisme, “l’État porte à la connaissance des collectivités les enjeux sur les territoires concernés”, et, “dénonce régulièrement une consommation manifestement excessive et non justifiée d’espaces agricoles, naturels ou forestiers”.
Pour cette raison, en juin 2018, la préfecture a retoqué le schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Pays d’Arles. Dans le cadre de la révision en cours du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) d’Aubagne et du pays de l’Étoile, la préfecture envisage dans une note de juin 2019 “un classement agricole pour toute parcelle cultivable […], notamment en requestionnant l’ouverture à l’urbanisation de certains secteurs […] présentant un potentiel agricole”.
A propos des zones agricoles et naturelles, l’État a conceptualisé le triptyque “éviter, réduire, compenser”. Soit dans l’ordre : éviter d’ouvrir à l’urbanisation, réduire l’emprise des espaces voués à s’artificialiser et proposer d’autres terrains pour l’agriculture ou à renaturer en guise de compensation. La qualité de ce triptyque est souvent remise en cause par les associations. Ainsi, concernant le projet de La Treille à Peynier, l’association Action terres citoyennes ne manque pas de critiquer l’absence des deux premiers objectifs. Et pour le dernier pilier, les bonnes terres de la vallée de l’Arc, permettant du maraîchage et une diversité d’activités, seraient compensées par des terrains en colline propice uniquement à la viticulture.
Avec l’aide de ce répertoire, les associations espèrent inverser la tendance de l’artificialisation au plus vite. Le plan alimentaire territorial tiendra-t-il ses promesses ? Il sera finalisé en 2020. D’ici là, combien de terres auront disparu sous le béton ? Voilà l’enjeu qui est posé dans un département qui importe 90% des produits agricoles qu’il consomme.
* Contactés par Marsactu, ni la métropole, ni Christian Burle, son vice-président à l’agriculture n’ont répondu à nos sollicitations dans le temps imparti à la rédaction de cet article.
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La langue de bois des autorités est toujours aussi condamnable au moment où toute l’agriculture française est en péril. En cette époque de multiplication des suicides et des faillites des petits exploitants agricoles et au lieu de tout faire pour arrêter l’hémorragie des terres arables, le béton demeure maître. En particulier, dans notre Provence aride et rocailleuse où il faudrait défendre chaque arpent cultivable. Les Bucco-rhodaniens comprennent bien que leur département est bien attirant et où il fait très bon vivre lorsqu’on en a les moyens, mais ils veulent tout de même pouvoir continuer à y habiter sans la main-mise des politiciens véreux ou incompétents et les promoteurs immobiliers cupides.
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à mimet il y avait une parcelle communale issue d’un legs sous condition dans les années 20, d’une terre de près de 20 000m² cultivée de blé dur, puis de lavandes jusqu’au naufrage local, située en zone NB ( à 4 000m² où les lotissements de toute nature étaient interdits) sans respecter la procédure d’erreur manifeste, l’équipe aux affaires à vendu 4 parcelles,de 4 000 m² puis une plus récemment de 4 000m². la motivation est la terreur irraisonnée et maladive que des logements se fassent sur cette parcelle communale – terreur jusqu’à déclarer qu’il y avait eu un projet de 200 logements; qu’est-ce qu’il disait machin: “plus un mensonge est gros …” cette zone n’existe donc plus mais on continue à dire qu’on augmente les zones de campagne (celle qui ont été construites) et les zones agricoles et ça passe
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