Terres agricoles : "Les élus sont soumis à des pressions électorales et fiscales"
Terres agricoles : "Les élus sont soumis à des pressions électorales et fiscales"
Un potager toutes les secondes. Par cette équivalence, Filière paysanne a réussi à rendre très palpable le rythme actuel de disparition des terres agricoles en France : 78 000 hectares par an. L'association basée à Marseille a lancé le 9 avril un appel national sur ce sujet, fédérant une large palette d'associations, personnalités et élus. Celle qu'on connaissait notamment pour son soutien aux épiceries paysannes de quartiers à Marseille, s'adresse avant tout aux parlementaires, qui étudient actuellement une "loi d'avenir agricole". L'objectif prioritaire est de donner des pouvoirs contraignants aux commissions de préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers, chargées de se prononcer sur les documents et projets d'urbanisme.
Mais en définitive, ce sont surtout les élus locaux qui ont les leviers en main, via les documents d'urbanisme. Or, "on est une des régions les plus affectées par l'artificialisation", eu égard à la "forte pression urbaine" qu'elle connaît, rappelle Jean-Christophe Robert. Interrogé sur les maires, qui se présentent souvent comme des remparts contre la bétonisation, d'où l'importance qu'ils conservent la maîtrise des sols, il répond que "malheureusement ça n'est pas souvent vrai. Il y a des discours assez volontaristes et c'est déjà positif car cela témoigne d'une prise de conscience", reconnaît-il. Mais "face aux pressions auxquelles ils sont soumis électorales ou fiscales", les actes ne suivent pas toujours. "Un certain nombre d'élus nous disent qu'un avis décisionnel de ces fameuses commissions seraient pour eux un rempart efficace", reprend-il.
La remontée de la décision à l'échelon plus élevé, ne lui paraît pas assurer à coup sûr une politique de préservation. Certes, elle pourrait permettre d'articuler les schémas de cohérence territoriaux qui existe déjà, de "consolider ces acquis et d'aller plus loin". Mais elle "éloigne les centres de décision des citoyens", rappelle le responsable associatif qui se dit partisan du maintien d'une "forte concertation". Et de conclure : "Quel que soit l'échelon décisionnel, en proximité au niveau de la commune, au niveau de l'intercommunalité ou de la future métropole, il est nécessaire d'avoir un avis extérieur, une commission indépendante qui puisse veiller au grain car toutes ces échelles sont sujettes à des dérives."
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
La decentralisation dans le domaine de la planification urbaine est un echec total. Les maires sont trop lies aux propietaires fonciers et donc incites au clientelisme voire a la corruption. Il faut transferer cette competence a la metropole ou la ramener dans le giron des prefectures.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Transférer aux maires les permis de construire a été une erreur dramatique, qu’on n’a pas fini de payer.
Même le maire le plus honnête est vulnérable face aux intérêts privés qui vont à l’encontre de l’intérêt public.
Le pouvoir national, plus éloigné, était moins fragile.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Il faudrait d’abord distinguer entre, d’une part, extension urbaine, si possible dense, sous forme de petit collectif bien conçu, avec une composante jardins et terrasses, présentant une alternative au rêve de la maison individuelle, et d’autre part, mitage de l’espace périurbain.
La densification de la périphérie proche des villes, où des réseaux aux caractéristiques modernes existent, est préférable au mitage du territoire dont nous héritons dans les Bouches-du-Rhône. Cet urbanisme du n’importe quoi, dont les maires sont responsables, contribue à inciter ceux qui en ont les moyens (mais c’est en même temps moins cher que dans les Bouches-du-Rhône), à passer la frontière du Gard et de l’Hérault (lorsqu’on occupe un emploi dans une entreprise de Fos), ou celle du Var lorsqu’on occupe un emploi à Aix ou Marseille (plutôt des cadres).
Le recours à l’espace agricole lorsqu’il n’existe pas d’autre solution ne doit pas être abusif. Concomitamment, les agriculteurs achètent du foncier plus loin avec le produit de la vente de leurs terrains. Dans des cas que je connais, l’agriculteur se trouve ensuite en situation de réinvestir dans son exploitation ou de financer sur son foncier une résidence pour l’un ou l’autre de ses enfants.
Le système en usage dans les Bouches-du-Rhône, autour de l’Union des Maires et du Champ qui accorde ces permis de construire aux agriculteurs, hangars agricoles et maisons pour les enfants, est assez pervers, parce que la destination de ces biens peut changer ensuite, ce qui alimente le mitage.
Il se trouve aussi que beaucoup d’enfants d’agriculteurs préféreront le statut d’héritier à celui d’agriculteur. Là aussi, la connivence avec les maires, parfois agriculteurs d’ailleurs, fait son œuvre.
Il y a parmi les agriculteurs de sincères défenseurs de l’espace agricole, mais le fonctionnement de la profession est complètement ambigu : il faut disposer d’une domaine qui permet une activité rentable, mais aussi d’opportunités de foncier susceptibles d’être lâchées en cas d’aléas d’exploitation, ou de besoin de s’établir pour un enfant d’agriculteur. Qui y renoncerait dès lors que des lois et usages locaux le permettent ?
La vraie garantie de la préservation de l’espace agricole est de disposer d’exploitations viables dans un secteur non menacé de surproduction, ou peu menacé par les productions espagnoles ou d’origine plus éloignée de la grande distribution. Les supermarchés préfèrent toujours vendre des fraises espagnoles éventuellement jolies, mais dont le goût n’a rien à voir avec les productions françaises de qualité. La ceinture maraîchère marseillaise ne fonctionne pas dans les conditions optimales qui permettraient de dégager les profits qui la préserveraient. La mise en marché de circuit court ne concernerait que 2 à 3% de la consommation des habitants. Pour faire mieux il faudrait davantage de points de vente « paysans » en milieu urbain, une organisation efficace de la ramasse, et surtout, un travail sur la qualité. Lorsqu’un fruit est bon, on en consomme des quantités quatre fois supérieures. Il existe aussi plusieurs systèmes de « paniers paysans », mais la variété et la qualité ne sont pas toujours au rendez-vous.
Tout cela est assez paradoxal, l’agriculture étant un secteur où tutelles et structures de conseil nourrissent plus d’effectifs qu’il ne reste d’agriculteurs !
Se connecter pour écrire un commentaire.
Quelle vision caricaturale du système… Sérieusement, vous méconnaissez le système paysan et j’ai peur que les fraises françaises que vous trouvez savoureuses viennent de Bretagne et sont cultivées hors sol…
Le problème vient du système qui asphyxie les petits paysans. C’est politique ! Pourquoi sur tous les marchés marseillais on ne trouve pratiquement AUCUN producteur local(exceptés les marchés paysans du cours ju, de la gavotte et de la friche de la belle de mai)?
Le problème de la spéculation foncière des terres agricoles démontre l’incapacité des élus à se projeter dans un modèle équilibré où les terres nourricières seraient préservées en cohérence avec le développement de l’urbanisation. Cette spéculation crée du clientélisme et favorise les intérêts particuliers des propriétaires fonciers qui préfèrent laisser leur terre en friche plutôt que de la louer.
Vous dites qu’il existe plusieurs paniers paysans c’est donc que vous n’avez pas tout à fait compris.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Qui ne souscrirait au vœu de « Filière Paysanne », qu’une commission indépendante puisse statuer sur le déclassement d’une terre agricole, surtout si elle est de bonne qualité, plane (les promoteurs immobiliers et les grandes surfaces aiment les surfaces planes) et bien exposée ? Ces terres convoitées sont forcément proches du tissu urbain et de ses besoins d’extension, proches d’une zone d’activité qu’on aimerait étendre, ou d’une zone commerciale que les jardineries réussissent à étendre au motif que leur activité est également agricole. Parfois des communes comme Aubagne proposent des échanges de foncier et des aides aux agriculteurs pour parvenir à leurs fins et tenir un discours du maintien des terres agricoles.
Il y a un antagonisme entre les besoins urbains et la préservation des espaces agricoles, au moins du mitage. Parce qu’on observe que les espaces agricoles eux aussi se reproduisent, plus loin des villes. Mais les agriculteurs aiment la contigüité avec le milieu urbain, qu’il s’agisse de l’argument du marché qu’il offre, ou de la possibilité de vendre en cas de besoin : aléas d’exploitation, besoins d’investissement, financement de l’habitat de ses enfants. Ce double jeu, dans le meilleur sens du mot, fait partie du système économique de l’agriculteur. Sauf peut-être de ceux de « Filière Paysanne » ?
Un certain nombre de chiffres sont donnés sur la réduction des terres agricoles, mais sont-ils fiables, dans la mesure où une partie de l’activité agricole se déroule sur des terres qui ne sont pas ou plus classées agricoles ? Il y a aussi les terres agricoles laissées en friche autour des villes et très mal comptabilisées. Il faudrait également détailler les réductions de surface par type de culture. Je crois que le subventionnement abusif des céréaliers, au détriment des petits producteurs, comme ceux défendus par « Filière Paysanne », a diminué, ce qui a pu conduire à une réduction des terres affectées aux céréales. Enfin, les énormes espaces de serres affectées aux cultures hors-sol des agriculteurs, peut-on encore les considérer comme des terres agricoles ? Il est certainement plus facile de défricher d’anciennes terrasses de culture, « loin » des villes, que de réhabiliter le sol stérile des cultures hors-sol.
Si une terre agricole est perdue, n’est-ce pas parce qu’un agriculteur l’a vendue ? Et qui est partenaire des communes, des intercommunalités et des Scot, pour définir ce qui doit rester agricole ? N’est-ce pas la Chambre d’Agriculture ? On sait quand même aussi que certain président de Chambre d’Agriculture ont été des champions dans l’obtention du déclassement de leurs propres terres agricoles.
Il y a actuellement davantage de monde qui vit sur le dos des agriculteurs, tutelles, organismes subventionnés, bureaux d’études, qu’il ne reste d’agriculteurs. N’y a-t-il pas des choses à réformer, avant de créer une commissions de plus ? Lorsque vous êtes bureau d’études, ce qui peut garantir une certaine indépendance d’approche, il faut que vous soyez adoubé par la Chambre d’Agriculture ou que vous répondiez avec elle à l’appel d’offres.
Enfin, lorsque les terres agricoles se réduisent et on sait pourquoi et comment les choses se passent ainsi, il y a moins d’agriculteurs, et pourtant on est en situation de surproduction. Il y a trop de choses qui ne sont pas dites dans cette interview. Le sujet est quand même un peu plus complexe.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Bonjour Jean-Christophe Robert. Je comprends votre démarche et la sincérité qui anime les responsables de votre mouvement. C’est pour cela que je suis intervenu et que j’ai dit franchement les choses. Sinon c’est la grande omerta sur la réalité des problèmes et leur résolution toujours repoussée, lorsqu’on y croit encore !
Pour moi, c’est simple, il faut soutenir l’agriculture de ceinture maraîchère en accroissant ses débouchés urbains, en rendant les productions désirables par un effort sur la qualité. S’il fait bien, le circuit court s’en sortira toujours mieux que le circuit marchand de la grande distribution qui privilégie les produits à la belle présentation qui peuvent rester longtemps en rayon sans s’abimer (comme les fraises espagnoles à 2€50 le kg, alors que la délicieuse ciflorette produite à Salon et vendue 14€ ne tient pas une semaine), pas chers à l’achat et médiocres au niveau du goût.
La collectivité peut donner un coup de pouce à l’ouverture de points de vente « paysans » et aider à organiser la ramasse, dont j’ai connaissance de plusieurs échecs. Il faut aussi trouver le truc sur les marchés pour éviter les « vendeurs » qui ne produisent rien, tout en acceptant un élargissement de la gamme.
Je ne crois pas à la protection juridique des documents d’urbanisme, elle ne peut d’ailleurs pas s’exercer sur des terres cultivées près des villes (en attente d’une belle vente) mais non classées agricoles. Ce sont de bons résultats économiques qui protégeront les producteurs et les inciteront à rester et à transmettre à leurs enfants. C’est la seule façon de limiter le mitage périurbain et de conserver un maximum de terres agricoles. L’agriculteur devient aussi le « jardinier du paysage » et le conservateur du foncier périurbain. Cela peut justifier des aides, comme celles qui sont intervenues pour la réhabilitation des terrasses de culture.
Se connecter pour écrire un commentaire.