Traverse Saint-Bazile, les locataires sont invités à réintégrer un immeuble en vrac
Depuis quelques jours, l'immeuble situé au 1 rue Saint-Bazile a vu lever son arrêté de péril. En entrant dans les lieux, les locataires ont découvert des appartements en chantier, envahi de nuisibles, dans lesquels il est impossible d'habiter. Un symbole du lent retour à la normale des immeubles en état de péril.
Traverse Saint-Bazile, les locataires sont invités à réintégrer un immeuble en vrac
Après la vague, vient le reflux. Depuis le 5 novembre 2018, Marseille a connu un nombre sans précédent d’arrêtés de péril, condamnant des immeubles, barrant des rues et poussant dehors des milliers de personnes, hébergées à l’hôtel. Et puis, vint le reflux, beaucoup plus lent. Selon notre dernier pointage 351 arrêtés de péril ou d’interdiction d’occuper, 37 ont fait l’objet d’une main levée partielle et 51 ont été totalement levés. Et la vague des périls se poursuit avec 34 arrêtés pris en juillet et août.
N.B. : un arrêté de péril peut concerner plusieurs immeubles.
Si la vague de péril était dramatique, le retour des délogés est tout aussi problématique. Depuis le début de la semaine, les locataires du 1 traverse Saint-Bazile, entre autres, en font la douloureuse expérience. En effet, fin juillet, l’arrêté de péril pris le 19 décembre dernier a été levé. Une fois bouclé le tour administratif des différents services, dont ceux de l’État, le document signé de la main de Julien Ruas, l’adjoint en charge de la sécurité, a atterri sur le bureau de Jérémie Escoffier, syndic pour le compte du cabinet Laugier Fine. “J’ai alors fait un mail pour indiquer au propriétaire que les appartements étaient réintégrables”, convient l’intéressé.
Une information que certains propriétaires ont immédiatement traduite comme le retour possible des locataires dans leurs anciens appartements. Accompagnés du syndic, certains locataires ont pu pénétrer dans l’immeuble, ce mercredi. Et le spectacle qu’ils ont découvert les a laissés sans voix.
La boulangerie jonchée de crottes de rats
Marcial Rodrigues n’en revient toujours pas. L’énergique boulanger tient commerce à l’angle de la rue de la Grande-Armée. Jusqu’en décembre dernier, il avait sa boulangerie au rez-de-chaussée. Avec, au-dessus, un studio aménagé pour son fils et, encore au-dessus, son appartement. Ils ont été relogés à l’hôtel six mois durant avant de se voir proposer un appartement provisoire par la Ville.
Le local qu’il a découvert en début de semaine est très loin d’être réintégrable comme l’a formulé le syndic qui reconnaît une maladresse dans l’expression. Dans les parties communes comme dans les appartements, le sol est jonché de crottes de rats parsemées jusqu’au moindre recoin de l’ancien fournil.
Cloisons défoncées
Mais c’est dans l’ancien studio que le boulanger ne peut retenir sa colère. Sur chacune des parois, des tirants d’acier longent les murs. Ils sont reliés à des poutres qui permettent de sécuriser la structure de l’immeuble. Ce faisant, les ouvriers ont défoncé les parois en plaques de plâtre que Marcial Rodrigues avait apposé sur chacun des murs pour donner un air propret au studio. L’écran plat est parti dans un cambriolage. “Ils ont profité de l’échafaudage“, grince-t-il.
Les meubles encore présents sont couverts de la poussière des travaux. “Ils n’ont même pas pris le temps de les protéger, s’emporte-t-il. Quant à mes travaux, ils sont à refaire. Tout est détruit. Nous, cela fait 20 ans qu’on est là. On a bien fait les choses et voilà comment on les découvre”. Dans son appartement, c’est le même spectacle désolant d’une maison à l’abandon. Il entend au plus vite appeler son avocate et faire intervenir les services d’hygiène de la Ville, quitte à se retourner ensuite vers son propriétaire.
Un autre locataire également délogé, Olivier Cauet a vécu la même situation en découvrant son appartement. “Mon propriétaire m’a appelé pour me dire que les travaux étaient finis et que je lui devais le loyer d’août puisque la main levée date de fin juillet”. Une demande qu’il met sur le compte de la méconnaissance du droit français, son propriétaire étant en Allemagne et l’arrêté de main levée notifié à la mi-août.
“L’appartement est en vrac”
Si l’appartement d’Olivier Cauet n’est pas traversé par un tirant d’acier, il comprend un trou dans le plafond, des maçonneries à nu. “Sans compter les dégâts causés par le péril, explique le jeune homme aujourd’hui logé rue de la République. Il y a des fissures partout. L’appartement est en vrac”. Il n’entend absolument pas réintégrer son appartement dans cette situation et a refusé de récupérer ses clefs.
“J’ai effectivement dit que les appartements étaient réintégrables, reconnaît Jérémie Escoffier. Cela ne veut pas qu’ils sont habitables. Les travaux de mise en sécurité ont été réalisés mais cela ne veut pas dire qu’ils sont habitables immédiatement. Cela signifie que les propriétaires peuvent récupérer les clefs pour revenir dans leurs appartements“. Le syndic mentionne des travaux “d’embellissement” tout en reconnaissant que le terme est peu adéquat. “Aujourd’hui, l’immeuble est dynamité, formule-t-il sans ambages. De très gros travaux y ont été réalisés et, bien entendu, il reste beaucoup à faire pour que les appartements soient de nouveaux habitables“.
L’inconnue de l’hébergement
Reste la question de l’hébergement, le temps nécessaire à ces travaux. Le syndic se campe derrière sa position de syndic “en charge des parties communes” pour indiquer qu’il ne sait pas à qui en revient la responsabilité. En réalité, il assure la gestion locative d’une partie de l’immeuble pour le compte d’un propriétaire.
Du côté de la Ville, on rappelle la règle : la main levée valide les travaux de mise en sécurité, “le gros œuvre”, pour les travaux de second œuvre, “cela relève du droit privé” et le locataire peut alors se retourner contre son propriétaire en saisissant la justice. Voilà pour le droit commun. Mais la Ville de Marseille a signé une charte du relogement, justement pour éviter ce type de désagrément. Celle-ci prévoit un délai de dix jours entre la main levée et le retour des locataires, le temps de viser l’état du logement. Cela doit permettre notamment de faire vérifier la salubrité du bien par un agent du service d’hygiène.
Service d’hygiène en sous-nombre
Or, les agents du service d’hygiène de la Ville sont très loin d’être assez nombreux pour accompagner chacun des locataires concernés par ces dizaines de main levées prononcées en quelques mois. Des renforts sont arrivés pour étoffer la nouvelle direction de prévention et de gestion des risques mais le service d’hygiène en est encore le parent pauvre. Les locataires peuvent alors être accompagnés par l’association France Horizon s’ils sont hébergés à l’hôtel ou par l’association Soliha s’ils ont été relogés provisoirement.
Le syndic convient que la présence de nuisibles “ne fait plaisir à personne” et qu’il faudra faire procéder à une dératisation. “Mais c’est un moindre mal quand on voit d’où l’on vient“. En effet, l’arrêté de péril pris le 19 décembre était pour le moins inquiétant. La longue liste de désordres est ainsi conclue : “La fragilisation de cet immeuble fait craindre sa ruine qui impacterait et entraînerait un risque pour les bâtiments situés en face dans la traverse Sainte-Bazile“. Le syndic et les propriétaires avaient conscience de cet état préoccupant puisqu’un bureau d’études avait été missionné pour évaluer le risque.
“Désagrégation de la structure”
“Après les effondrements de la rue d’Aubagne, nous avons pris sur nous de faire l’avance pour réaliser l’étude avant la levée de fonds prévue plus tard, reconnaît Jérémie Escoffier. Quand ils sont ont commencé à regarder, ils se sont aperçus que l’état de l’immeuble était beaucoup plus préoccupant que prévu.” Façade, toit, escalier, tout l’immeuble présente des désordres structurels et l’humidité entraîne une “décohésion et une désagrégation de la structure“, diront les experts.
Jérémie Escoffier le résume brutalement : “Propriétaires, syndics, locataires et mairie, nous avons tous laissés pourrir notre patrimoine immobilier“. Et le temps de la guérison prendra des années.
Commentaires
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Un parfait exemple du manque d’articulation entre 2 services municipaux SPGR et SCHS. Et quid de Soliha qui fait une fiche de signalement PDLHI quand un locataire refuse de réintégrer. Qui enquête ? La charte du relogement est loin d’être respectée et d’avoir une déclinaison opérationnelle….
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Je pense avant tout aux habitants de l’immeuble et au cauchemar qu’ils endurent. Voilà l’exemple d’une gestion anarchique et totalement incompétente de la crise du logement à Marseille.
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Immeuble de nouveau condamné à ce jour….
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