LA CRISE DU COMMERCE AU CENTRE DE MARSEILLE (2)

Billet de blog
le 7 Nov 2025
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Nous nous proposons de poursuivre la chronique engagée il y a deux semaines sur le commerce au centre, en évoquant l’économie urbaine du centre de Marseille.

Le rôle du commerce dans la ville

On ne peut pas dissocier une étude sur la situation des activités commerciales au centre de Marseille d’une réflexion générale sur la place de l’activité commerciale dans la ville – en particulier, bien sûr, à Marseille. C’est toujours le commerce qui a fondé les villes. Dans tous les pays, les villes sont nées de la nécessité de vendre et d’acheter les biens produits, pour commencer par l’agriculture. Les activités commerciales ont fait naître les villes, d’abord en suscitant les métiers de la vente et l’installation des marchés et des boutiques, puis en rendant nécessaires les activités de l’artisanat et celles de la régulation du commerce, notamment les activités des juges, et, enfin, en faisant naître l’industrie pour faciliter le commerce et les autres activités de la vie urbaine. Le commerce joue ainsi un rôle important dans tous les domaines de la vie urbaine. Mais, au-delà, c’est le commerce qui a donné leur configuration aux villes en dessinant leurs plans et l’installation de ses activités dans l’espace urbain. À Marseille, le commerce a façonné les anciens quartiers de la ville (le deuxième arrondissement actuel, puis, plus tard, des quartiers comme la Plaine) à en y installant les marchés. Mais le commerce a aussi contribué à l’élaboration de la géographie de la ville en traçant ses rues selon les itinéraires des marchands et en situant les habitations en fonction de leurs activités.

 

Les centres urbains et le commerce

Si l’on peut dire que le commerce a donné leur géographie aux centres, c’est parce que les activités qui lui sont liées ont imposé ses formes à l’espace des centres en y implantant ses activités et ses acteurs. À Marseille, comme dans toutes les villes, le commerce a fondé la géographie de la ville, car il a donné naissance à cette sorte de noyau urbain que constitue le centre. Au fil de l’histoire, les activités commerciales ont donné naissance aux places, comme la place de la Bourse ou la place Castellane, et aux rues qui dessinent les parcours des usagers du commerce, comme les clients, les livreurs ou les marchands eux-mêmes. Surtout, à Marseille, le port, espace commercial d’origine, a fondé le tracé des rues structurées à partir de lui. C’est, d’ailleurs, la raison pour laquelle les activités commerciales contemporaines ont tenté de donner l’illusion qu’elles étaient des centres en donnant naissance aux « centres commerciaux », qui ne sont pas des centres, mais des sortes de « faux centres », des « jeux de centres ».

 

À quoi peut tenir le déclin commercial des centres ?

La situation des activités commerciales dans les centres urbains ne peut être dissociée de la globalité de leur évolution. Ce ne sont pas les activités commerciales des centres qui sont en question, mais c’est leur aménagement et le devenir de l’espace qu’ils instituent dans le centre des villes. À Marseille, comme dans les autres villes, on peut expliquer ainsi le déclin du centre de trois façons. D’abord, les espaces  que l’on appelle les « centres commerciaux » ont tué les petits commerces. Je donne toujours le même exemple : quand j’ai voulu acheter des disques à l’occasion des dernières fêtes de Noël, eh bien, je n’ai trouvé que la FNAC. Mais en concentrant ainsi les activités commerciales dans les centres commerciaux, le libéralisme a tué les centres en en faisant disparaître l’expertise et la connaissance des marchands dans leur domaine, ainsi que leur activité essentielle de relation et de communication. Par ailleurs, le déclin commercial du centre de Marseille s’explique par la dégradation du centre ville : comment peut-on avoir envie de fréquenter les commerces dans un centre  aussi mal entretenu, qui a aussi mal vieilli que celui de Marseille ? Enfin, la mauvaise organisation des transports et de la circulation a achevé le déclin du centre : il n’y a pas assez de rues piétonnes qui sont les seules à permettre la fréquentation des activités commerciales, et celles qui restent, comme la rue Saint-Ferréol sont habitées par des boutiques qui sentent le déclin, en proposant des biens de mauvaise qualité dans des magasins et des espaces trop mal entretenus pour attirer des clients qui, eux-mêmes, ne vivent plus dans le centre, et ne vivent plus que dans les périphéries.

Le commerce dans la ville et dans la métropole

Cette question de la relation du centre de Marseille et des périphéries de la ville oblige à poser la question du commerce à la fois dans une réflexion sur le centre et dans un questionnement de la relation entre le centre de la ville et ses périphéries. La disparition annoncée des Galeries Lafayette ne se contente pas d’annoncer la crise du centre Bourse : elle est un symptôme de plus de la disparition des activités commerciales du centre-ville, et, au-delà, de son déclin. Il s’agit, d’abord, d’une sorte de concurrence entre le centre et la périphérie (quartiers périphériques et banlieues) qui ne peut se comprendre, elle-même, qu’en se situant dans la concurrence – avivée par les prochaines élections municipales – entre la gouvernance de gauche de la municipalité de Marseille dirigée par Benoît Payan et la gouvernance de droite de la métropole dirigée par Martine Vassal. La confrontation entre le centre et ses périphéries s’inscrit aussi dans le déclin de l’habitation du centre, à la fois en raison de l’augmentation des loyers et des prix de vente et en raison de l’absence d’une véritable politique de vie quotidienne tenant, notamment, à l’absence de rationalité dans la desserte du centre par les transports en commun et à l’absence d’entretien et de véritable configuration esthétique de l’architecture et de l’aménagement du centre : le commerce paie, ainsi, l’absence d’une véritable politique d’urbanisme au cours de la municipalité de J.-C. Gaudin. Enfin, même s’il faut la relativiser, la crise du commerce à l’échelle de la métropole comme à celle du centre de la ville, tient à l’absence de politique d’entretien de l’espace urbain. On a le sentiment que seul le huitième arrondissement (et encore…) est convenablement entretenu et nettoyé. Comment peut-on avoir envie de parcourir les lieux de commerce, de vagabonder dans les magasins, dans un espace aussi mal entretenu que le centre de Marseille. Or, dans la ville et l’espace urbain, seul le plaisir de la promenade et de l’errance au hasard de la « musardance » peut donner un sens au commerce.

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