Dans la rue, on se débat sans bain ni douche
Dans la rue, on se débat sans bain ni douche
Ils sont plusieurs dizaines à se presser chaque matin à la porte de la boutique solidarité, dite "Bou'Sol", de la fondation Abbé Pierre. Dans cet accueil de jour, ils trouvent un café chaud, une écoute et le minimum nécessaire pour restaurer leur image. À commencer par une douche. En compagnie d'autres sans abri, Sahabi Ghribi est assis à l'une des nombreuses tables, autour d'un café.
Ce matin-là, les douches sont réservées aux femmes. Les hommes doivent patienter jusque dans l'après-midi. Et souvent, ils passent leur tour. "La majorité des gens ici ne se lave pas tous les jours. On ne peut pas, on est trop à vouloir y aller. Il faut prendre rendez-vous mais c'est long," explique-t-il dans un français hésitant. Assise à sa gauche, Bensaid opine : "Il y en a qui restent 45 minutes, alors, même avec un rendez-vous, on attend parfois trois heures. Ceux qui passent à la fin n’ont plus d’eau chaude. Je me lave ici de temps en temps mais le problème c’est qu’il n’y a pas assez de douches." Ce constat – comme pour l'accès à l'eau potable – peut être étendu à l'ensemble de la ville.
Les rares douches accessibles, sont celles mises à disposition par les structures associatives ou l'unité d'hébergement d'urgence (UHU). Or, ces centres ont de plus en plus de mal à faire face à une demande croissante, liée au contexte économique et social difficile. "Dans ces lieux d’accueil, il y a peu de douches, une dizaine dans toute la ville. Certains doivent patienter une semaine avant de pouvoir se laver", souligne Fathi Bouaroua, directeur de l'antenne régionale de la fondation Abbé-Pierre. Les douches publiques, gratuites ou peu chères, ont fermé il y a plus d’une trentaine d’années. Un seul bain-douche privé subsiste, rue de la Fare, à Belsunce.
Historiquement, celui-ci est destiné aux migrants, souvent âgés, qui vivent dans le quartier. "Ils viennent chez moi parce que leur hôtel n'est pas toujours équipé de douches", explique la propriétaire qui a repris le flambeau de ses parents et tient son établissement à bout de bras malgré son grand âge. Pour une douche, il faut compter 6 euros à condition d’avoir son savon et sa serviette. Dans le cas contraire, le prix est de 7,50 euros, un luxe qu’une majorité de sans-abris ne peut pas s'offrir. Selon la propriétaire, "c’est très rare qu’un SDF vienne se laver ici. Il y a des années que j’en ai pas vu."
"Ils ne peuvent pas sortir de la rue s'ils sont pourris"
Dans son 19e rapport sur le mal-logement, la fondation Abbé Pierre met en lumière cette bataille quotidienne pour accéder à l’hygiène. "Si à Paris on compte 18 bains-douches publiques, à Marseille il n'y en a aucun", s’indigne Fathi Bouaroua. L’absence d'accès à l'hygiène constitue un obstacle supplémentaire sur le chemin de la réinsertion.
L'adjoint au maire (qui ne se réprésente pas) en charge de la lutte contre l'exclusion, Michel Bourgat, est conscient de l'utilité d'un tel équipement mais une douche seule ne suffit pas. "C'est un minimum que l'on doit aux SDF, ils ne peuvent pas sortir de la rue s'ils sont pourris. Mais les douches n’auront un intérêt que s’il y a un vestiaire, une bagagerie, un endroit pour laver les vêtements. S’ils remettent leurs habits sales, on ne les aura aidés qu’à moitié."
La fondation Abbé Pierre projette d’ouvrir un local de 100m², près de leur boutique solidarité rue Loubon. Elle vise à mettre 20 douches à la disposition des sans-abris ainsi que des machines à laver destinée à de petites charges. Une autre structure marseillaise a initié les premières consignes pour sans-abris comme il en existe déjà dans d'autres grandes villes. "Mais elles sont déjà toutes pleines", reprend Fathi Bouaroua qui plaide pour la mise en place de structures publiques.
Médecins Du Monde, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale et la Fondation se mobiliseront devant l'hôtel de ville, le 27 février pour réclamer la mise en place de bains-douches, mais aussi la création de kiosques-sanitaires avec cabinets, lavabo et accès à l’eau potable. Les trois associations veulent profiter du porte-voix des élections municipales pour pousser leurs revendications. Mais les populations sans-abris votent rarement. Contrairement aux riverains des structures qui les accueillent. Vantez les bains-douches, vous êtes déjà sur une pente électorale savonneuse.
Commentaires
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Sinon, aux USA, ils se sont rendus compte que cela coûtait moins cher à la société de reloger les sans-abris plutôt que les laisser dans la rue.
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Le logement serait-il moins cher là-bas qu’ici ?
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7,50 euros pour prendre une douche quelle honte et en plus pour des personnes qui ont des petits revenus voir pas de revenus
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“Pallier l’absence” et pas “à” l’absence…un p’tit effort pour la langue française, et merci pour elle.
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Je me souviens avoir pris une douche en gare de Lyon Part-Dieu en 1988. Evidemment, c’était avant le premier déploiement de Vigipirate qui a considérablement compliqué le quotidien des usagers. Mais c’était une solution abordable.
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Pas de douches publiques, peu de fontaines publiques (http://www.marsactu.fr/societe/fontaines-de-marseille-je-boirai-difficilement-de-votre-eau-28582.html), peu de bancs publics, quasiment aucun WC public (http://www.marsactu.fr/archi-et-urbanisme/penurie-de-wc-publics-a-marseille-la-mairie-fait-un-geste-28467.html)… Tout est fait pour que l’espace public soit un milieu hostile : encore un exemple de l’indifférence de la municipalité aux besoins élémentaires, même quand il s’agit d’un droit, comme l’accès à l’eau.
A lire, ce point de vue selon lequel “les municipales ne doivent pas oublier ceux qui vivent dans la rue” :
http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/02/14/les-municipales-ne-doivent-pas-oublier-ceux-qui-vivent-dans-la-rue_4366149_3232.html
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Pallier est un verbe transitif. Pour pallier certaines insuffisances en français, il y a du boulot.
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