Emmanuel Patris (Un centre-ville pour tous) : “La charte du relogement n’est pas respectée”

Interview
le 12 Août 2019
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Après l'expulsion de plusieurs immeubles du haut de la rue Curiol, l'association Un centre-ville pour tous pointe la difficile mise en place de ce nouveau document de référence.

Photo Myriam Léon.
Photo Myriam Léon.

Photo Myriam Léon.

Un centre-ville pour tous fait partie des associations qui ont participé aux négociations de la charte du relogement pour les personnes évacuées, finalement signée par la Ville de Marseille et pour laquelle l’État s’est porté garant (Lire notre article). Alors que les expulsions pour cause de péril se poursuivent en été, à la Plaine ou à Belsunce, son co-président Emmanuel Patris, par ailleurs ancien cadre de la société d’aménagement Soléam, regrette qu’elle ne soit pas appliquée.

Emmanuel Patris (Image BG)

Le 26 juillet, un arrêté municipal ordonnait l’évacuation de huit immeubles de la rue Curiol et d’un autre place Jean-Jaurès. Quel regard avez-vous sur la gestion de ce dossier ?

C’est une opération test depuis la signature de la charte du relogement car c’est la première grosse évacuation depuis un mois et demi. Quarante personnes sont concernées. C’est l’occasion d’observer si les pouvoirs publics tiennent leurs engagements.

Que constatez-vous ?

On se rend compte que ce n’est pas du tout le cas, que la charte du relogement n’est pas respectée. Nous avons rencontré à deux reprises les habitants délogés avec le collectif du 5 novembre. À l’issue de la première réunion, on a écrit un courrier qui liste un peu toutes les problématiques. Le problème principal, c’est l’absence de transparence de l’information, notamment les échanges entre l’administration, les experts et les propriétaires ; c’est-à-dire à la fois les arrêtés et les expertises complètes mais aussi la planification envisagée pour les travaux.

Vous dites avoir fait une liste. Quels autres points posent problème ?

Il y a la sécurisation des logements : les agents de sécurité sont restés quelques jours mais ils sont partis le mardi 30 juillet. La charte n’est pas précise sur ce point mais il était assez clair lors des négociations que le minimum était de prévoir des portes et des panneaux anti-effraction. Aujourd’hui, il n’y a qu’un cadenas et une chaîne et on sait qu’ailleurs il y a eu des cambriolages avec ce dispositif.

Il y a aussi la question d’un garde-meubles. La collectivité s’engageait à mettre à disposition des espaces de stockage sécurisés aux délogés à leur demande. Il y a eu des demandes, elles ont été refusées. Enfin, pour les immeubles hors péril imminent, la Ville a dit au début « vous vous débrouillez, c’est à vous de vous prendre en charge ». C’est totalement faux ! La charte s’applique clairement à l’ensemble des situations d’évacuation et notamment les évacuations sous arrêté de police générale lorsque que les gens font partie d’un périmètre.

Comment expliquez-vous cette situation ?

Il y a eu deux comités de suivi depuis la signature en présence de l’adjointe au maire Arlette Fructus et du préfet Pierre Dartout et il y en aura un autre en septembre. Mais on s’aperçoit qu’aujourd’hui, rien ne suit. On a l’impression qu’il n’y a eu aucun briefing auprès des techniciens et des opérateurs. Il a été dit à plusieurs reprises à des délogés que la charte n’avait pas de valeur juridique. Pour nous, la délibération du conseil municipal fait foi. Nous envisageons de déposer un recours au tribunal administratif pour vérifier que cette charte constitue bien un levier.


Contactée vendredi matin pour une réaction, la Ville de Marseille ne nous a pas répondu. La préfecture assure de son côté que “l’État reste vigilant” sur ce dossier. Elle assure avoir “contacté la Ville de Marseille qui a assuré que la charte était respectée”.

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Commentaires

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  1. Philippe Lamotte Philippe Lamotte

    Cette charte, signée aux forceps par les autorités locales et préfectorales, est un document considéré comme un hochet concédé au collectif du 5 novembre – Noailles en colère afin de calmer, de faire oublier et de procrastiner au moins jusqu’aux élections municipales de 2020. Lorsque les délogés s’y référent, les gens de la cellule d’aide aux populations évacuées leur opposent leur ignorance juridique. Et une preuve, une de plus, de leur incompétence !

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    • Alceste. Alceste.

      Cher Philippe LAMOTTE, franchement , vous vous attendiez à quoi, qu’ils respectent leur signature ?.

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  2. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Ah, ben si la Ville de Marseille “assure que la charte est respectée”, qu’importe la réalité vécue par les principaux intéressés : c’est sûrement vrai…

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  3. Félix WEYGAND Félix WEYGAND

    C’est une illustration de plus de l’effondrement de l’administration municipale. Même en admettant qu’elu-e-s et fonctionnaires soient de bonne foi, il est évident que ni les uns ni les autres ne sont plus à même d’exécuter quelque décision que ce soit, ils n’en n’ont plus les moyens techniques, ils ne savent même plus comment leur administration fonctionne ou devrait fonctionner.

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  4. Tyresias Tyresias

    Quelque chose en moi, est régulièrement perplexe face au scandale qui s’emboîte dans le scandale, petit, moyen, gros, énormes, comme s’il y avait une passion secrète à l’oeuvre.
    Serions quelques aoûtiens prêts à se mobiliser sur des choses très précises ?
    Antoine,

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  5. Alceste. Alceste.

    La mobilisation est déjà là ne serait ce qu’en diffusant les faits et méfaits de cette mairie autour de soi , car cela est dommage, mais beaucoup de gens ne sont pas encore abonnés au Gabian , et en sus si il faut compter sur la deuxième revue municipale , autrement dit “La Provence”, pour informer les gens nous ne sommes pas sortis de l’auberge.

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