Dro Kilndjian : "Marseille ne va pas s'improviser ville de nuit de si tôt"

Dro Kilndjian : "Marseille ne va pas s'improviser ville de nuit de si tôt"

Marsactu : Quel est le titre qui représente le plus Jean-Claude Gaudin ?
Dro Kilndjian : Je dirais Rock the Casbah, du groupe The Clash parce que Marseille c'est un peu une casbah et Jean-Claude Gaudin est le prince du rock… Sinon, dans la programmation de l'édition Marsatac 2013, il y a Systema Solar avec le titre Quien es el patron ? …

Et au fait, quelles sont vos relations avec la Ville aujourd'hui ? L'année dernière, Daniel Hermann, adjoint à la culture avait dit qu'il "adorait Marsatac". C'est toujours le cas ?
Les relations sont très apaisées même si la Ville a mis un peu de temps à comprendre l'intérêt de ce type de projet désormais incontournable. Bon, disons que l'on a appris à mieux se connaître !

Pour sa quinzième édition, Marsatac est toujours nomade, sans lieu fixe. Vous êtes résigné, c'est entré dans l'ADN du festival ?
Si on trouvait un lieu pérenne pour nous implanter ça serait l'idéal, même si ce n'est plus une bataille absolue. L'important pour nous est de faire en sorte que le festival perdure.

Quel est le titre qui vous procure une décharge éléctrique ?
Le titre Dreams du groupe The Residents.

Quel est le groupe qui illustre le mieux le slogan de cette année "Que votre volonté soit fête" ?
JC Satan, un groupe de rock bordelais-turinois, d'après moi, la révélation de l'année en termes de rock. Le nom est amusant, c'est un peu le mélange de la glace et du feu.

Pour vous qui dirigez un festival de musique, Marseille est-elle une ville de fête, de nuit ?
Marseille n'est pas réputée pour ça, on ne parle pas très souvent de la nuit marseillaise… Paradoxalement, on organise de belles fêtes à Marseille. Marseille-Provence 2013 en avait fait l'un de ses points importants, ou du moins elle avait soulevé le problème mais le sujet a finalement été assez mal traité. Le monde de la nuit reste tenu par des personnes peu fréquentables. On se heurte encore à un certain conservatisme de la population et au fait que l'on soit de plus en plus individualiste dans nos sociétés. Quoique dès que l'on propose des manifestations le soir, le public est au rendez-vous, la fréquentation l'atteste. Mais on ne s'improvise pas ville de la nuit du jour au lendemain. Barcelone n'est pas devenue Barcelone en une nuit, Berlin idem, il faut une réelle volonté de valoriser les artistes, les scènes. Marseille mériterait pourtant une activité de nuit.

Les Aufgang et Carl Graig se produisent à l'église Saint-Cannat. C'est un mélange des genres ?
Je n'ai pas d'a priori là-dessus. Dans les églises américaines, on chante du gospel et du rock. A Londres un lieu de culte a été transformé en club connu, "The Church", sans que cela choque grand monde. Une église n'est pas forcément un endroit où l'on s'adresse à Dieu en chuchotant, on peut aussi lui adresser la parole autrement. Bon mais je ne suis pas spécialement mystique alors je ne sais pas trop… En tout cas le lieu n'a pas été choisi dans un esprit de blasphème ou de provocation. On est pas obligé de jouer seulement du classique dans une église, si ?

Le titre que vous mettriez dans votre iPad ?
Peut-être le titre Getting Nowhere du groupe Magnetic Man.

Celui qui pourrait devenir le générique de l'année capitale de la culture ? Et au fait, vous en pensez quoi de cette capitale ?
L'album de Sexy Sushi Vous n'allez pas repartir les mains vides ? Le bilan de l'année capitale est mitigé. J'ai entendu dire que le déficit se creuse, les comptes sont en train d'être faits. J'ai une inquiétude par rapport aux opérateurs locaux qui pourraient se retrouver victimes de la situation. Qu'on ne nous fasse pas le coup de "Il va falloir supprimer ci et ça en 2014". En revanche, l'année capitale aura laissé des traces, des belles choses comme le Mucem, des expos intéressantes. Après, concernant l'événementiel, le bilan me paraît assez faible, sauf pour les manifestations qui existaient déjà, qui ont pu être renforcées. L'apport de MP2013 a pu être important pour des opérations comme pour Marsatac, justement. L'association est à la base de l'extension du festival. Ils ont notamment contribué à créer Mixatac [créations internationales -ndlr] , ce qui, pour nous, est un apport considérable.
Après, que l'on défende des choix ardus, un peu gonflés, pas toujours populaires ne me choque pas. Mais certains choix sont difficilement compréhensibles. L'exemple le plus probant reste l'absence du hip hop. Certes, la musique actuelle a toujours été le parent pauvre de la culture, mais enfin quand même, Marseille est la ville du rap ! Après, il ne faut pas tomber dans des travers français qui consistent à catégoriser les choses avec une "petite" culture, populaire opposée à la "grande" culture, élitiste. Il faut attendre la fin de l'année capitale pour établir un bilan précis et voir si l'on va retomber sur nos pas en 2014.

Un album que vous proposeriez pour illustrer les primaires socialistes ? Pensez-vous comme la ministre Marie-Arlette Carlotti qu'il faille organiser la movida à Marseille ?
Je choisirai, pour le nom du groupe, Dissonant Nation. Concernant la movida, le nom est un peu vieillot mais l'idée n'est pas si mal. En tous cas cela montre que la culture pourrait enfin devenir l'une des préoccupations des hommes et des femmes politiques.

Il y a un an, sur notre plateau, vous aviez exprimé vos doléances sur le fait que la culture était malmenée à Marseille. Vous aviez l'impression que la culture était un domaine périphérique qui n'était pas au centre des préoccupations des politiques. C'est toujours votre sentiment ? Jean-Claude Gaudin a déclaré que le tourisme et la culture était une priorité, que la culture allait tirer l'économie vers le haut…
C'est parfait que les politiques se rendent enfin compte que la culture et l'économie peuvent fonctionner ensemble. Certaines villes comme Nantes, Lyon, Bilbao, se sont rendues compte plus tôt que la culture pouvait porter l'économie. On cultive toujours un peu ce tabou du théâtre privé opposé au théâtre subventionné en France. Jusqu'à cette année capitale, la culture n'était pas un sujet. C'est une bonne chose si l'année capitale de la culture a ouvert les yeux aux décideurs et infléchi leur position. Ils ont pu constater qu'une manifestation attirait du monde dans les hôtels, les commerces… Les acteurs culturels seront peut-être davantage pris au sérieux à l'avenir !

Avec Mixatac, vous avez décidé de valoriser les créations musicales entre musiciens locaux et étrangers. Mais Marseille est-elle vraiment une ville tournée vers l'international ?
Au fond, même si elle accueille des gens, Marseille reste assez nombriliste et ne porte pas forcément son regard vers l'extérieur. Il est indéniable qu'elle est une porte vers l'Orient, mais une fois que les gens arrivent, ils sont absorbés, ils se sentent Marseillais. L'identité marseillaise devient forte et les gens restent entre eux, le monde de la ville n'a pas besoin d'aller voir ailleurs. Enfin je me trompe peut-être. Marseille devrait être une grosse ville internationale, une "ville monde", mais c'est une ville bizarre…

La programmation complète en ligne.