Après Aubagne, Picasso monte à Paris

Un grand vide envahira la chapelle des pénitents noirs d'Aubagne le 13 octobre prochain, date de la clôture de l'exposition Picasso céramiste et la Méditerranée. Les commissaires Joséphine Matamoros et Bruno Gaudichon peuvent s'enorgueillir de l'engouement créé par la rétrospective, matérialisé par 37 000 visiteurs désireux de découvrir cette facette méconnue de l'artiste Pablo Picasso : quelques 150 céramiques réalisées après la Seconde Guerre mondiale dans son atelier de Vallauris et provenant de collections privées, inédites pour la plupart. 

Or, l'exposition s'apprête à bénéficier d'une prolongation au coeur de la Cité de la céramique de Sèvres. Le musée national va l'accueillir dans sa quasi intégralité du 20 novembre au 19 mai 2014. Seules deux ou trois pièces appartenant à des particuliers leur seront restituées sans être acheminées à Sèvres. Des matrices en plâtres, des moules originaux qui ont servi à la conception des oeuvres jusque-là conservés à l'ombre de la fabrique Madoura – l'atelier de Pablo Picasso à Vallauris – compléteront la collection, témoignage du procédé de fabrication original de l'artiste. A côté de ses oeuvres, des objets anciens grecs, espagnols, chypriotes et provençaux conservés par la Cité de la céramique permettront de rendre compte des sources d'inspiration de l'homme aux mains d'argile.

Un enthousiasme partagé

Si Joséphine Matamoros et Bruno Gaudichon restent les commissaires attitrés de l'exposition, ils seront associés avec Eric Moinet et Frédéric Bodet, qui ont notamment adapté la scénographie au nouveau lieu d'accueil. Cette nouvelle inattendue constitue la preuve que cette partie encore méconnue de l'oeuvre du maître acquiert ses lettres de noblesse  : "Pendant longtemps, la céramique est restée en retrait des expositions car elle était considérée comme une oeuvre mineure. Avec Bruno Godichon, nous sommes très heureux que cette exposition puisse perdurer d'autant que cela a été très lourd à organiser et qu'il a fallu beaucoup de temps pour la monter."

Du côté des organisateurs Marseille-Provence 2013 et la Communauté du pays d'Aubagne et de l'Etoile, cette réussite donne du baume au coeur dans un contexte de déficit pour l'association et de bilan mitigé. La présidente de la communauté d'agglo d'Aubagne Magali Giovannangeli se rappelle avec une délectation évidente : "Je me souviens, au détour d'une vitrine, d'avoir croisé le regard de Dominique Sassi [artisan galeriste et ancien compagnon de l'artiste- ndlr] tout ému. Il devait se remémorer tout son parcours avec Picasso. Aujourd'hui nous partageons tous cet enthousiasme".

Après Sèvres, la diffusion de ce volet de l'oeuvre de Pablo Picasso pourrait s'étendre au-delà de la Méditerranée. En témoigne la visite début septembre du scénographe français Adrien Gardère, concepteur de la muséographie du Louvre-Lens. Certains se prennent à rêver à une notoriété Outre-atlantique, avec la venue récente au même moment d'Alicia Adams et de Gilda Almeida, respectivement vice-présidente et directrice de la programmation internationale du John F.Kennedy Center for the Performing Arts de Washington. Le présage d'une mise en lumière internationale de la céramique de Picasso, trop longtemps restée confidentielle dans un coin de l'atelier Madoura.