"Tout le monde littéraire est passé par Marseille"
"Tout le monde littéraire est passé par Marseille"
Il y a dans le mot anthologie une connotation pompidolienne qui encourage le plus zélé des littéraires à reposer l'ouvrage à peine pris en main. Voilà une mésaventure qui n'arrive pas au lecteur qui se saisit de Marseille en toutes lettres de Michéa Jacobi. Si l'ouvrage paru aux éditions Parenthèses est effectivement sous-titré "une anthologie littéraire", l'auteur a réussi le tour de force d'en faire une formidable balade à travers la ville et les lettres.
Michéa Jacobi est un écrivain marcheur. Depuis 13 ans, il tient une rubrique intitulé le Piéton de Marseille dans Marseille L'Hebdo. Chaque semaine, on y trouve associé une image, le plus souvent linogravée, et une chose vue "comme disait Victor Hugo" dans le courant de ses balades qui le mène d'un bout à l'autre de la ville. Au fil des semaines, des choses lues se sont mêlées aux choses vues au fur et à mesure de l'avancée de sa quête littéraire.
Celle-ci est née il y a plus de dix ans "d'une commande d'un éditeur, comme souvent viennent les bonnes idées. Il m'avait demandé une anthologie subjective sur Marseille. Il savait que je m'intéressais à la ville". Cet éditeur a disparu depuis mais l'idée est restée sous la forme dans laquelle elle paraît aujourd'hui. Michéa Jacobi lie ses mots à la foule des auteurs qui ont écrit sur la ville. L'éditeur a pris soin de jouer avec la couleur des typographies pour passer des mots bleus de l'anthologiste à ceux noirs des auteurs qu'il entremêle aux siens. On y trouve également des photos d'Henryk Vierny passées au même bleu de Chine.
De la puissance de l'Internet
L'auteur n'a pas passé dix ans dans les étagères empoussiérés des réserves des bibliothèques locales. "La puissance de l'Internet m'a beaucoup aidé et, au fil des ans, j'ai vu cette puissance progresser. Le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France est passé d'une centaine de réponses quand vous tapez Marseille à plus de mille aujourd'hui". Il a donc commencé par une flânerie virtuelle avant de passer au réel et aux tréfonds des bibliothèques pour avoir accès aux livres en vrai.
"J'ai rencontré aucune difficulté avec Marseille car le monde entier est passé par Marseille. Jean Echenoz dit qu'au XIXe siècle, on aurait pu tomber en même temps sur Rimbaud, Conrad, Joyce, même si ça ne colle pas forcément au niveau des dates. A cette époque, les Américains font le grand tour. Ils font le pèlerinage en Palestine et font le tour de l'Europe où ils arrivent par Marseille. Son regard sur la ville n'est pas anonyme. Il s'intéresse à un éléphant du jardin zoologique. Il va à l'hôtel et s'étonne de ne pas y trouver de savon !"
Maupassant dans les bordels
Un comble dans une ville qui s'enorgueillit d'avoir offert au monde un savon qui porte son nom. Mais comme le pain de savon au fond de la baignoire, Marseille reste insaisissable. Vertueuse jusqu'à la raideur aux temps antiques, elle se fait fille facile sous la plume des écrivains voyageurs de tous poils. "On pourrait dire Marseille la putassière, au vrai sens du terme. Un de nos plus grands écrivains n'est pas le plus brillant sur ce sujet. Maupassant donne une description des quartiers des bordels d'un naturalisme éculé".
Mais Michéa Jacobi prend bien garde à ne pas faire verser son anthologie dans l'ornière des textes déjà entrés au panthéon littéraire de la ville. "J'ai toujours essayer de chercher des choses plus curieuses, plus justes, mieux notées. Par exemple, Jean Genet décrit le quartier où il faisait le tapin. Il décrit une très belle histoire d'amour avec un flic de la police secrète".
Il a aussi redécouvert quelques perles littéraires comme ce texte de l'abbé de l'église des Accoules, Jean Gaufridy. "Il a été accusé d'avoir séduit une jeune fille par la sorcellerie et on lui a extorqué des aveux sous la torture et ceux-ci ont été publiés. Mais le texte est formidable. Un très beau texte sur le désir même si on ne sait s'il est le fait des tortionnaires ou du torturé". C'est ce genre de délicieuse découverte qui font le miel de cette balade littéraire.
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Citer Maupassant demande davantage de correction à tous les sens et pas les sans du terme
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