Après-midi de travaux manuels avec les anti-mariage pour tous

Après-midi de travaux manuels avec les anti-mariage pour tous

C'est au Florida Palace, une salle qui accueille des mariages, que Frigide Barjot viendra ce soir rencontrer ses partisans marseillais. La veille, dans une très jolie maison au bout d'une impasse du 14ème arrondissement, une petite dizaine de militants s'activent pour préparer la venue de la leader de la Manif pour tous. Des femmes et un homme.

L'explication ? "L'après-midi les hommes travaillent donc c'est normal qui n'y ait quasiment que des femmes", explique l'hôte, Christine Dubrule, coordinatrice du mouvement dans les Bouches du Rhône. A sa gauche, on ajoute : "Et puis bon le collage des affiches c'est plutôt l'affaire des femmes. Les hommes eux s'occupent de la location de la salle, de l'informatique…". C'est donc ça… "Allons discuter dans le salon", propose la maîtresse de salon. Quelques tuiles au gingembre plus tard, les langues se délient.

Banderole avec une tête de bébé

Comme au national, la comm' de la manif pour tous est soignée : couleurs identifiées, slogans tranchants et  images fortes. On se souvient de la manifestation du 17 novembre sur la Canebière dont la taille avait étonné tout le monde : 10 000 manifestants selon la police, 60 000 selon les organisateurs. Quelques mois après, le mouvement s'est structuré même s'il est loin d'avoir l'ampleur espérée. "Nous avons un noyau dur de vingt personnes, décrit Christine Dubrule, et j'ai 1 000 contacts mails dans les Bouches-du-Rhône". La manif pour tous 13 se veut apartisane, et serait "un mouvement qui s'est structuré spontanément par le biais des volontés individuelles" selon une autre de ses membres, Catherine Giner, par ailleurs conseillère municipale UMP. En attendant, la cellule-mère continue à imprimer et coller ses affichettes pour le grand événement. Tous portent le sweet shirt d'identification avec une famille "traditionnelle" sur la poitrine, se tenant par la main. Imprimé rose pour les filles, bleu pour l'homme.

Ils ont sorti l'équipe habituelle pour ce qu'ils nomment un "meeting" : le philosophe Jean-François Mattei (et non l'ancien ministre), un représentant d'une association musulmane Fils de France, deux adoptés… Autre fait intéressant, la manif pour tous 13 a pris comme porte-parole un homme, Hervé Jourdan. Celui-ci se définit comme "homo de coeur, et non pas homosexuel"  ainsi qu'il l'écrit dans un courrier adressé au journal La Provence. Symboliquement, il est mis en première ligne pour exprimer son opposition à la fois au mariage et à l'adoption pour les couples homosexuels.

"Comment on met le tampon?"

Le discours se libère peu à peu entre les protagonistes. Hervé Jourdan développe son argumentaire contre l'adoption pour les couples homosexuels : "Non mais vous imaginez : deux hommes adoptent. A 14 ans, la gamine a ses règles, comment on met le tampon?". ll poursuit en ajoutant "Je ne veux pas qu'une minorité altermondialiste manipule la cause", avant d'argumenter : "Qu'est ce qu'il y connaît Madame Taubira à l'homosexualité ? Je suis sûr qu'elle n'en connaît aucun. Et puis l'homophobie, c'est bien un truc de son pays". Les voisines d'Hervé, mères de famille bien sous tous rapports – de trente à cinquante ans – acquiescent. Elles renchérissent. La famille, c'est fait pour faire des enfants, elles sont toutes d'accord là dessus. L'une d'elle, Marianne Sirop, médecin, est mère adoptive de trois enfants. Elle a pris sa plume pour écrire un argumentaire de plus de trois pages au député PS d'Aix-en-Provence Jean-David Ciot.

Pour eux, la loi Taubira constituerait une étape irréversible. "Une rupture de civilisation, un tsunami qui aura des conséquences très graves sur la société", résume Christine Dubrule. 15h40 : deux militantes doivent partir pour aller chercher leurs enfants à l'école. Avant que tout le monde se disperse, Catherine Giner fait une démonstration de la manière dont le "lobby gay formate les esprits via les programmes de lutte contre l'homophobie à l'école. Il y a une vraie infiltration de ces idées perverses dans les programmes scolaires. On y retrouve des déviances très graves". Rappelons ici que Catherine Giner est conseillère municipale déléguée à l'enseignement supérieur. Des propos que ne renierait pas l'association intégriste Civitas même si les militants présents démentent être en contact avec eux.

Les préparatifs s'achèvent faute de participants. Bientôt "les jeunes" doivent arriver pour peaufiner la communication. Une autre réunion est prévue vendredi après-midi juste avant le meeting. Eux-mêmes ne savent pas combien ils seront. 1000? Comme la capacité de la salle? En tout cas, les plus militants seront à Paris pour la grande manif pour tous le 24 mars. Dernière chance avant le tsunami.