La métropole va-t-elle manger nos enfants ?
La métropole va-t-elle manger nos enfants ?
Le débat sur la métropole est passionné, personne ne le contestera. Les adversaires du projet gouvernemental, par pages de pub ou sur les sites de leur collectivité, ne lésinent pas sur les grands mots pour alerter les citoyens de ce qui les attend. Un peu moins dans leurs courriers et le projet alternatif qu'ils ont remis à la ministre, ceci dit. S'ils ne poussent pas de hauts cris accompagnés d'une menace de démission, les partisans d'une unification des six intercommunalités du département forcent parfois tout autant le trait sur les bienfaits du projet et ses justifications. Qui dit vrai, qui dit faux ? Un peu des deux mon préfet !
C'est un mastodonte qui englobera un territoire aussi grand que Los Angeles et Mexico réunis
La métropole envisagée (grosso modo Marseille, Aix, Aubagne, Martigues, Istres, Fos, Vitrolles, Salon et leurs agglomérations) serait donc plus grande que les capitales californienne et mexicaine ? Oui, mais pas celles à laquelle vous pensez, qui comptent 10 et 26 millions d’habitants. Comme le montre notre infographie, la superficie de la métropole ne dépasse L.A. et Mexico que si l’on ne se borne qu’aux limites strictement communales de ces villes. Si ce territoire notoirement sujet à l'étalement urbain est moins peuplé que les deux autres futures métropoles, Lyon et Lille, combinées, il les dépasse en superficie avec plus de 3000 km2. Du jamais vu au niveau français.
La métropole va augmenter les impôts
Dans la fameuse pub du pays d’Aix, cette affirmation est appuyée par des graphiques comparant les impôts locaux aixois et marseillais et leur évolution depuis 2005. Très parlant, mais biaisé : deux des trois taxes présentées sont prélevées par les communes. Or, la métropole n’imposera évidemment pas à Aix de se mettre au même niveau que Marseille. Au sein de Marseille Provence métropole (MPM), une ville comme Gémenos peut ainsi afficher un taux de taxe d’habitation de 0,01%. En revanche, et cela ne figure pas sur le graphique, MPM prélève une taxe additionnelle qui n’existe pas à Aix, à Martigues ainsi qu'au San Ouest Provence et est plus faible ailleurs. Pour les contribuables, sont montant est cependant bien moins important que les impôts des communes.
Reste la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, qui sert à financer la collecte et le traitement des déchets. MPM, notamment à cause du lourd investissement de son incinérateur, est effectivement la championne en la matière. Mais il ne s'agit pas de fusionner qu'avec elle, et les autres intercommunalités affichent des taux quasi identiques à Aix. Sauf à Martigues, où il est de… 0%. Même chose pour le versement transports, taxe qui pèse cette fois-ci sur les entreprises, mais on en reparlera.
Marseille ne veut prendre l'argent de personne
Mais non, mais non, qu’est-ce que vous allez chercher là ? Ce n’est pas parce que Marseille est pauvre, enserrée dans son “corset montagneux” et que “toute la richesse est à l’extérieur” que la métropole est destinée à être une pompe à finances (publiques). Le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin a beau le répéter sur tous les tons, la suspicion demeure. Et lorsque l'on parle d'impôts qui augmenteraient (voir plus haut), on pense certainement aussi à ça : la situation financière difficile des collectivités marseillaises, mairie et MPM. Car s'il y a un élément que les six intercommunalités – si elles devaient fusionner – devraient partager, c'est bien leur dette. Sur environ 1,8 milliard cumulés, MPM serait “responsable” de 1,5. Pour un habitant de Salon-de-Provence par exemple, la dette qu’il doit “supporter” via son intercommunalité passerait de 55 euros à 1000 euros. Plus généralement, quel que soit l'évolution des impôts, au moment de mettre au pot commun les recettes, celles-ci viendraient plutôt de l'extérieur du corset montagneux. Ce qui n'interdit pas d'affirmer que ce n'est que justice, ni de négocier une redistribution qui ne serait pas trop inégalitaire.
Marseille a toutes les charges de centralité
Qu'elles soient petites, moyennes ou grandes, c'est un mal dont se plaignent toutes les villes : les charges de centralité non compensées. Avant de se pencher sur celles de Marseille, voici une définition de cet élément récurrent du discours du maire Jean-Claude Gaudin, mais aussi du président de MPM Eugène Caselli, fournie par une des études sur le sujet : c'est "l'intégralité du déficit de fonctionnement généré par un équipement ou un service de la grande ville-centre [s'il] présente : soit un caractère exceptionnel, ou unique, à l'échelle de l'agglomération ou du département (exemple : un stade de 20 000 places), soit un mode de fonctionnement spécifique dans les grandes villes (exemple : une bibliothèque centrale)."
On l'a dit, le fait est documenté, mais le débat métropolitain ne s'est appuyé sur aucune étude spécifique sur Marseille. Sans nier la réalité de certaines charges, on peut déjà rayer les hôpitaux de la liste dressée par Jean-Claude Gaudin : la mairie et la communauté urbaine ne participent qu'à la marge au financement de ce qui reste une compétence régalienne. L'Etat qui au passage contribue aussi à l'économie de Marseille au travers des multiples services décentralisés d'une capitale régionale. Le Vélodrome et l'opéra viennent en général alourdir l'énumération de ces charges. Pour le second, la quasi absence d'aide de l'Etat fait en effet partie des anomalies régulièrement dénoncées à juste titre. Le premier est en revanche bénéficiaire pour la partie fonctionnement, tandis que pour les (lourds) investissements on ne peut pas dire que la mairie les supporte seule.
L'argument met surtout en lumière l'absence de transfert à la communauté urbaine, et donc à un financement plus large, d'équipements qui pourraient davantage être considérés comme d'intérêt communautaire que la piscine de Cassis. Pourquoi Jean-Claude Gaudin, fondateur et président pendant huit ans de MPM, n'a-t-il fait réaliser le palais omnisport Marseille grand est, qui se veut de dimension internationale, par cette collectivité au lieu de la mairie de Marseille ? Peut-être parce que les 17 autres maires goûtaient peu cet investissement jugé démesuré voire superflu… Et en parlant de sports, nombreux sont les maires qui vous diront que les Marseillais sont nombreux à utiliser leurs piscines, équipements qui présentent des lacunes dans la ville centre.
La métropole va améliorer les transports
Assez parlé d'argent, quid du contenu ? Et en premier lieu des transports, reconnu unanimement comme le premier domaine métropolitain vus les problèmes qu'il pose pour les habitants du territoire. A première vue, la métropole, en regroupant les intercommunalités, changerait radicalement un paysage aujourd'hui balkanisé entre plus de 10 autorités organisatrices de transports. Elle prendrait ainsi la succession du syndicat mixte des transports des Bouches-du-Rhône qui, malgré les efforts du conseil général, n'a jamais dépassé le stade de l'information et la coordination de la billettique.
A ceci, les opposants répondront qu'ils sont désormais tous disposés à confier leur compétence transport (et quelques autres) à une entité unique, tant qu'elle ne fusionne pas tout le reste. On ajoutera que Toulouse n'a pas eu besoin d'absorber près de 100 voisines dans une métropole pour disposer avec elles de deux outils, un pour l'exploitation du réseau un pour la construction de lignes. Et puisqu'il faut tout de même en revenir aux finances, force est de constater que dans ce domaine comme dans d'autres, la métropole ne suffira pas. Même si la hausse du versement transports (voir plus haut la partie impôts) porté à un taux maximum sur tout le territoire devrait rapporter plusieurs de dizaines de millions d'euros par an, ce chiffre est à mettre en regard avec les 400 millions d'euros par an nécessités par le seul plan de déplacements urbains de MPM.
La métropole, c'est la fin des transports gratuits à Aubagne
Liberté, égalité, gratuité : appuyé par ce slogan, la disparition des tickets de bus dans l’agglo d’Aubagne lui a valu de nombreux reportages, en faisant un territoire emblématique de cette politique alternative. Las : la métropole signifierait le retour aux guichets pour les Aubagnais. Pourtant, rien ne l’oblige à instaurer une tarification unique et uniforme. Certes, ce point faisait partie de ceux qui suscitaient le plus de blocage dans le cadre du syndicat mixte des transports des Bouches-du-Rhône, qui planchait sur une meilleure cohérence des tickets et tarifs. Mais un système de zones façon Navigo, dont celle d’Aubagne serait gratuite, pourrait être mis en place. Reste à faire accepter ce scénario dans le cadre d’une plus large répartition des charges pour le service de transports métropolitain…
La métropole, c'est la disparition de la commune
On l'entrevoit avec la question des transports, la métropole signifie pour beaucoup la perte d'une prise directe sur les politiques menées. Tout cela n’est pas encore arrêté, mais les communes perdraient forcément des compétences, car elles appartenaient jusqu'à présent à des intercommunalités moins centralisatrices. Exemple : dans la CPA, l’eau et l’assainissement sont encore gérées par les 34 mairies. En effet, ce service n’est pas obligatoirement transféré à une communauté d'agglomération alors que cela se fera d’office dans la métropole.
Mais que les Allaudiens et Plan-de-Cuquois se rassurent, leur mairie ne serait pas détruite, tout comme en 2000 au moment de l’intégration dans la communauté urbaine. Ces citoyens ont même pu voter aux municipales et ainsi réélire leur maire en 2001 et 2008. En revanche, d’un minimum de trois représentants par commune au conseil communautaire, les petites villes passeraient à un, leur maire. D’où la crainte d’être noyés dans la masse, et pour des plus grandes villes comme Aix ou Martigues, de perdre le rôle prépondérant qu’elles jouaient jusqu’à présent. Lequel ne serait on l’imagine pas vice-président, comme c’est systématiquement le cas aujourd’hui : il en faudrait 88… En revanche, un conseil des maires est évoqué, qui pourrait jouer un rôle consultatif.
Ayrault nous impose une métropole mais chez lui il a fait un pôle métropolitain
Le premier ministre est tellement favorable à cette formule de coopération entre les territoires que Nantes, la ville dont il était maire, en a créé deux : les pôles métropolitains Nantes Saint-Nazaire et Loire Bretagne. Lorsqu’on se penche sur le second, l’argument souligne en fait l’ampleur des relations tissées par la capitale ligérienne avec ses voisins : ce pôle métropolitain issu de la réforme des collectivités de 2010 regroupe bien sûr Saint-Nazaire, mais aussi Angers, situé dans le département voisin du Maine-et-Loire, ainsi que deux ville bretonnes, Rennes et Brest. A Marseille, cela donnerait la fameuse alliance avec Avignon et Toulon.
Mais effectivement au niveau plus local, Nantes n’a pas suivi la voie de Nice, seule à s’être transformée en métropole. Elle a préféré pour elle et ses cinq intercommunalités voisines le pôle métropolitain. Deux précisions toutefois : il s’agissait de la métropole telle qu’elle avait été définie par le gouvernement précédent, alors que celui de Jean-Marc Ayrault concocte un nouveau statut, et les six intercommunalités avaient donné davantage de gages de coopération que dans les Bouches-du-Rhône. Le pôle métropolitain est en effet la transformation d’un syndicat au sein duquel les communes de l’estuaire de la Loire avaient élaboré un schéma de cohérence territorial (Scot). Autrement dit avaient voté un projet commun pour le territoire à horizon de 20 ans, tandis que Marseille, Aix, Aubagne élaboraient ce document chacune dans leur coin. Autre exemple : Metroceane, qui offre depuis plus de 10 ans aux habitants de Nantes et Saint-Nazaire une offre de transports unique avec un système de zones.
Commentaires
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Deux citations savoureuses (jusqu’où peut aller la mauvaise foi quand-même !) :
“Pour changer les arrosoirs dans le cimetière, il faudra demander l’autorisation du président de la métropole”, a dénoncé ainsi le maire PS de Saint-Rémy-de-Provence, Hervé Chérubini, au micro devant ses collègues [La Provence]
« L’eurométropole […] exercera l’ensemble des compétences « en lieu et place des communes » sauf l’état civil. » [17/12 portdebouc.fr]
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Entendu par un des hauts pontes de la CCI de Marseille: “Vivement la métropole qu’on puisse faire ce que l’on veut dans l’arrière pays”.
Rien que pour cette phrase, j’ai basculé dans les anti-métropoles.
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Pour les transports gratuits à Aubagne, je rappelle qu’un autre haut ponte, du PS13 cette fois-ci et député en exercice, a bel et bien déclaré il y a deux mois au micro de FB Provence que la “Taxe Transport serait au plus haut niveau pour toute la métropole” et que les transports gratuits, “cette utopie, seraient supprimés”.
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Si c’est pour empêcher toute évolution, on pourra évidemment encore longtemps discuter comme ça. Mais il s’agit juste de reconnaître le fait qu’il s’agit d’un seul et même espace économique et sociale, et qu’il faut absolument une représentation politique correspondante.
J’imagine que même les habitants d’Aubagne prennent de temps en temps l’avion,le TGV ou le bateau, qu’ils vont à la Timone s’il faut, à la fac ou à l’opéra. Qu’ils ne sont pas auto-suffisants en question d’énergie. Et que la zone de Paludes ne serait évidemment pas la même (en revenus et emplois), s’il y avait pas Marseille à côté. Bref, il serait sympa de revenir à l’essentiel et de comprendre que 80% des questions qui concernent cet espace dépassent largement les compétences d’un seul maire.
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Toujours payer, payer et encore payer.
Gaudin a surendetté la ville, nouveau vélodrome qui coûte des millions mais aucune infrastructure pour les transports en commun ou même les vélos! La L2 tjrs en travaux et qui verra peut être le jour en 2050!!!!
L’argent public est mal utilisé, les infrastructures comme les piscines sont plus que limite et ce serait à nous de payer!
Je veux bien être solidaire à partir du moment où il y a une cohérence et que tout le monde s’y retrouve, hors ce n’est Absoluement pas le cas!!!
Je ne veux pas payer pour que les footballeurs gagnent des millions ou pour ces sacrés politiciens!
Les impôts qui augmenteront alors même que ceux qui habitent au Roucas payent une taxe d’habitation dérisoire……..
Déjà, mettez de l’ordre et ensuite on en reparle!
Y en a marre et non la métropole ne rentre pas dans les choeurs et les esprits comme j’ai pu lire! Loin de là et le combat ne fait que commencer! A bon entendeur…. je vous salue messieurs dames!
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Article très intéressant, qui a le mérite de dépoussiérer les idées reçues et de démonter les mensonges des anti métropole.
Il oublie toutefois de dire que si les impôts et les déficits sont supérieurs à Marseille et MPM, c’est du à la ségrégation sociale que les EPCI à la con réalise à leur dépend (urbanisation pavillonnaire, faible social, foncier élevé,…..) et à une totale absence de politique de transports en commun en site propre.
Alors que d’autres EPCI français, moins riches et moins peuplés en ont réalisé.
Ce qui ne veut pas dire que j’approuve les politiques et les gestions de Marseille et de MPM.
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