Les Baumettes dans la ligne de mire du rapport Delarue
Les Baumettes dans la ligne de mire du rapport Delarue
A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation des libertés publie ce matin au Journal Officiel ses recommandations sur l'état déplorable du centre pénitentiaire marseillais. Ses observations, établies à la suite d'une immersion aux Baumettes durant quinze jours au mois d'octobre, ont été remises à Christiane Taubira, garde des Sceaux et à Marisol Touraine, ministre de la Santé, trois semaines plus tôt. Cette procédure d'urgence, appliquée face au constat de "violation grave des droits fondamentaux des personnes privées de liberté", est appliquée pour la deuxième fois par le contrôleur général.
Le rapport est accablant. Il y est question en premier lieu de "l'état matériel très dégradé du centre pénitentiaire", ce qui n'est pas une nouveauté pour cette prison déjà épinglée en 1991 par le Comité européen de prévention de la torture, faisant état de cellules "d'une vétusté avancée". Ce comité concluait à l'époque que "soumettre des détenus à un tel ensemble de conditions de détention équiv[alait] […] à un traitement inhumain et dégradant", tandis qu'en 2005, le commissaire européen aux droits de l'homme se disait "choqué des conditions de vie observées…aux Baumettes […] A la limite de l'acceptable et à la limite de la dignité humaine".
Lors de la visite en mars du ministre de la Justice Michel Mercier, le directeur de la prison ne niait pas les problèmes, mettant en avant les travaux en cours et à venir. Mais, même si le garde des Sceaux avait lancé un inquiétant "il y a bien plus vétuste que les Baumettes", le parcours avait été soigneusement conçu pour passer par les parties les plus neuves, loin des photos publiées ce jeudi par Le Monde…
Insalubrité
En 2012, Jean-Marie Delarue estime qu'aucune amélioration substantielle n'a été apportée, prenant pour exemple les témoignages de deux personnes détenues. Celles-ci ont énuméré "une absence de la partie supérieure de la fenêtre" et l'inexistence de cloison d'intimité, des ampoules manquantes, "des réfrigérateurs sales et infestés de cafards tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, des murs sales, dégradés et presque couverts d'inscriptions en tous genre", des détritus jonchant le sol, une privation d'eau chaude et bien d'autres constats du même acabit. "C'est fait pour nous rendre fous", a déploré une personne détenue. Il s'agit en particulier des bâtiments A et B des Baumettes, où il est fait état de "douches crasseuses" dont trois ou cinq sur dix fonctionnent, "où depuis deux ans les rats pullulent […]. En bref, l'insalubrité et l'absence d'hygiène sont consubstantielles à la plus grande partie de l'établissement […] Ce n'est pas tout : la sous-commission départementale pour la sécurité (incendies) a demandé, le 29 avril 2011, la fermeture des locaux."
Autre point souligné, la sur-occupation carcérale avec un taux d'occupation à 145,80 % pour la seule maison d'arrêt des hommes. Sur 1190 places officielles, 1769 sont occupées par des détenus, alors que le personnel est en sous-effectif (avec parfois un surveillant pour un étage) et le taux d'absentéisme élevé. Comble de l'ironie, la prison accueille des détenus provenant des maisons d'arrêt alentours, en application de mesures de "désencombrement" de celles-ci. Jean-Marie Delarue rappelle toutefois que ces difficultés sont en partie liées à des restrictions budgétaires importantes, et notamment en matière de maintenance, dont les crédits sont insuffisants. Et en dépit d'efforts considérables relevés du côté des directions successives de l'établissement, malgré l'existence d'activités culturelles permanentes, les failles persistent.
Conditions dégradantes
Dans un tel contexte, la violence est quasi-permanente, notamment lors des promenades, à l'encontre des surveillants, mais surtout entre les détenus. "Les médecins ont recensé depuis le début de l'année de la visite quatorze contusions multiples, huit plaies profondes, sept fractures diverses et plaies, trois trauma crâniens, un viol. Tous ces effets connus des soignants ne sont pas nécessairement portés à la connaissance du parquet." Les cours de promenade favorisent également les trafics en tout genre.
Le contrôleur conclut qu'une telle situation "est génératrice pour les personnes détenues, et aussi pour le personnel, de conditions sans doute inhumaines, sûrement dégradantes. Sa persistance, en dépit d'alertes répétées depuis vingt ans, appelle des solutions énergiques". L'une d'elles consisterait à rénover entièrement les bâtiments désignés comme étant les plus vétustes. Jean-Marie Delarue rédige ensuite une série de recommandations à adopter dans l'urgence en matière d'hébergement, de pénuries d'activités et de violence, comme celles, entre autres, de diminuer la population carcérale, de mettre en oeuvre des travaux en matière d'étanchéité, de pérenniser les activités culturelles ou encore d'inciter le personnel à réinvestir les cours de promenade. Aux Baumettes, l'urgence dure depuis trop longtemps.
>>Actualisation à 11 h : nous publions les recommandations du contrôleur général suivies de la réponse de Christiane Taubira. Celle-ci annonce un projet de restructuration de l'ensemble du bâtiment des Baumettes, qui devrait s'achever en 2017. "Il permettra de répondre aux problèmes de vétusté […] mais n'augmentera pas la capacité d'accueil de l'établissement." La garde des sceaux évoque, dans les années à venir, l'éventualité de la construction d'un nouveau centre de détention sur la zone actuelle occupée par la maison d'arrêt des hommes.
Christiane Taubira revient sur l'ensemble des points énoncés par Jean-Marie Delarue, énumérant, notamment "dans les prochaines années, des travaux [pour] mettre en oeuvre des cloisons d'intimité dans les 161 cellules", une augmentation des mesures annuelles de dératisation ainsi que le recrutement de trente personnes supplémentaires pour améliorer des conditions d'hygiène. Concernant la violence, "j'ai conscience des tensions qui peuvent régner au sein des Baumettes et je connais les problèmes qui peuvent exister dans les cours de promenade" assure la ministre, mentionnant la mise en place d'une formation contre la violence destinée aux personnels. Tandis que la garde des sceaux se dit "préoccupée" face à la gravité de la situation, les détenus devront prendre leur mal en patience.
Commentaires
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et pouquoi ne pas se servir des prisonniers eux même pour assurer les travaux pour une economie d argent et une responsabilisation des detenus ( tu veux vivre dans un lieu salubre et bien tu bosses) il faut pas oublier que les detenus sont egalement responsables de l etat des cellules
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C’est très bien.
Il ne faut jamais oublier que la prison ne doit être qu’un lieu de privation de liberté et non pas un lieu d’humiliation et de inhumanité.
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Pour y avoir passé quelques temps je peux vous dire que ce n était pas la privation de liberté le pire,le pire c était tout le reste.
La liberté est même très chère,on s en rend compte quand on en est privé,on est libre de quoi dehors?A quel prix?
Par contre le reste,tout le reste,ce n est pas normal.
combien d innocents enfermés en préventives?
10 à 15 % qui font partis des dommages collatéraux,des caprices des juges d instruction et de la faiblesse de la chambre d instruction en appel ou encore de assouvissement du juge des libertés sans force et caractère.
Je ne garde pas de mauvais souvenir des surveillants,des pauvres jeunes souvent ,peu payés et avec 80 cellules à surveiller,des nuits et de we de travail en enfilade.
Je garde un mauvais souvenir de la médecin chef,qui n a pas sa place dans ce service public,froide,sans regard,sans état d âme.
Je garde un bon souvenir de compagnons de détentions malgré le tort fait à des victimes malheureuses,c est bizarre de copiner avec un démon,mais en prison c était un copain.
Le plus gros scandales c est les soins,les rats,les cafards,les wc,la douche trois par semaine comme des animaux,pas de coiffeur ,un cour de promenade de 1500 m² en sable et poussières,pour 180 personnes,pas d ombre du tout,des ordures à même le sol.
Je passe sur la violence ,pas la violence des stades ou de l école,non des combats de tueurs ou le vainqueur n est pas le plus fort mais le mieux entouré.
Les parloirs familles c est l enfer pour les parents qui viennent vous voir et eux ils sont innocents.
Très de détenus profite d ordinateurs,de livres,de cours,de sport,de travail,de musique,cela doit être 20 % au mieux.
Pas de retraite pour le travailleur en prison à sa sortie.
Il faudrait que dans chaque cursus de magistrats,avocats compris,il y ait 3 semaines tous les 5 ans en détention.
Passez un we ,un seul dans votre chambre enfermés,en ne sortant que 2 heures dans le jardin,sans douche et vous avez un aperçu de la prison (5 étoiles).
Les deux syndicats majoritaires ne font que nuire au système car peu crédible et recherchant l effort minima et la complaisance avec leurs adhérents.
Une pensée pour toutes les victimes pour finir,souvent elles aussi malheureuses en silence et sans tribune.
Il faudrait que les victimes puissent parler aux coupables dans certains cas pour soigner les deux,même si la protection de l intérêt général intéresse aussi la Société et est un élément central.
Ricou 24.
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Est-ce que l’état de nos prisons, ne reflète pas l’état de notre socièté?
D’ailleurs n’existe t-il pas en prison des cellules VIP.
Plus elle fait peur aux citoyens, et plus elle est dissuasive.
L’Etat, les Etats ne s’en servent-ils pas dans ce sens?
Que serait une société ou la prison ne ferait pas peur?
Car aujourd’hui, il y a tellement d’interdits, qu’on peut très facilement s’y retrouver, sans que l’on soit un délinquant.
Un des principaux symboles de la Révolution a été la destruction de la Bastille.
De tout temps la prison a toujours été perçue par les citoyens comme un lieu représentatif du pouvoir absolu.
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