LE MAIRE OU LA MAIRE, FIGURE DU PÈRE

Billet de blog
le 31 Oct 2025
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Qu’implique sur la figure du maire ou de la maire la réforme de son élection à Paris, Lyon et Marseille ? Modifiées, comme à Paris et Lyon,  par une loi validée au creux de l’été, à un moment où l’attention du public et des médias s'étaient un peu relâchées en raison de la chaleur et des congés, les modalités de l’élection du maire de Marseille soulèvent des questions, à quelques mois des élections municipales.

La mairie de Marseille en mai 2025. (Photo : ML)
La mairie de Marseille en mai 2025. (Photo : ML)

La mairie de Marseille en mai 2025. (Photo : ML)

La municipalité est une dimension urbaine de l’État

L’État ne saurait se réduire à sa dimension nationale, comme on a trop souvent tendance à le faire. La ville et la municipalité sont, elles aussi, des organes de l’État. C’est pourquoi il importe de s’interroger sur le rôle du maire et sur le sens de sa figure : il n’est pas autre chose que le chef de l’État dans sa dimension urbaine. La réforme des modalités de l’élection du maire voulue par la « loi P.L.M. » dans sa version la plus récente est à questionner de ce point de vue. Validée par le Conseil constitutionnel le 7 août, la loi réformant, à Paris, Lyon et Marseille, l’élection des conseillers municipaux et celle des conseils de secteurs ou d’arrondissements, va entrer en vigueur dès les prochaines élections municipales. Il est donc important de la comprendre et de lui reconnaître une signification politique. Car il ne s’agit pas seulement de « technologie électorale », mais c’est la signification même de la figure du maire, élu par le conseil municipal, qui change, dans ces trois villes. Le maire n’est pas seulement un acteur politique disposant d’un pouvoir et d’une reconnaissance de ses électeurs, il est aussi une figure municipale de l’État.

 

L’élection du Conseil municipal et celle des conseils d’arrondissements

Jusque’à maintenant, les électeurs désignaient les conseillers de leur arrondissement, et, ensuite, les premiers élus composaient le Conseil municipal de la ville, qui, lui-même, à son tour, désignait le maire. Désormais, les électrices et les électeurs désigneront, au suffrage universel direct, les membres du conseil municipal de leur ville et ceux du conseil de secteur ou d’arrondissement dans lequel ils habitent. Il y aura, ainsi, deux suffrages en même temps. Le conseil municipal n’est plus composé des « premiers élus » de chaque liste d’élus d’arrondissement ou de secteur, mais il est issu d’une élection propre, distincte de celle des conseillers de secteur ou d’arrondissement. Le conseil municipal sera élu au suffrage universel direct et non, comme à présent, à l’issue d’un suffrage indirect. Quant au maire, il continuera d’être élu par le Conseil municipal, ce qui constituera une sorte de « troisième tour » de l’élection municipale.

 

L’élection du maire par un conseil municipal désigné au suffrage universel direct

La réforme va avoir deux conséquences majeures. La première est l’importance de l’image personnelle du maire. En effet, comme le conseil municipal est élu au suffrage universel direct, la personnalité individuelle du futur maire va représenter les listes candidates, les incarner, en quelque sorte, et la personne de la tête de liste, qui sera, en principe, candidate au siège de maire, aura une importance qu’elle n’avait pas jusqu’à présent, en-dehors, peut-être de maires de grandes villes ayant, personnellement, une image nationale en raison de leur rôle dans la politique du pays, par exemple quand ils avaient été chefs du gouvernement ou ministres. Je pense, par exemple, à Édouard Herriot à Lyon ou à Gaston Defferre à Marseille. Cette personnalisation de la place du maire dans l’espace politique de la ville va lui donner aussi une place plus importante dans l’espace politique national, en même temps qu’elle risque de favoriser le maintien conservateur au pouvoir de figures politiques locales caractérisées par leur passé plus que par leurs projets.

 

La figure du maire induite par la réforme

C’est cette nouvelle figure du maire qu’il importe de questionner, car elle va avoir des incidences sur la vie politique de la ville, notamment à Marseille puisque c’est de Marseille qu’il est surtout question dans Marsactu. D’abord cette légitimité nouvelle, un peu particulière, que lui donne ce fait qu’il incarne la liste dont il a la tête, va changer sa relation au parti ou à la formation politique dont il est issu. Il aura une autorité nouvelle sur cette formation politique, car il la représentera dans une place elle-même plus forte qu’actuellement. En effet, une fois élu, il ne sera plus seulement la tête de liste arrivée en tête lors de l’élection, il sera un représentant incarnant le parti de façon bien plus forte. Ce ne sera peut-être plus tant le candidat élu qui tirera sa légitimité de sa présence sur une liste majoritairement élus que la liste majoritaire qui tirera elle-même sa légitimité de la présence du maire élu parmi ses candidats. C’est sur sa propre formation politique que sa désignation lui donnera une autorité qu’il n’avait pas jusqu’à aujourd’hui. Par ailleurs, l’élection municipale va devenir, comme l’élection présidentielle, une affaire d’image autant que de projet. En effet, les électrices et les électeurs choisiront, bien sûr, la liste dont ils partagent les opinions, les orientations et les projets, mais, en désignant une liste dont ils choisiront la tête qui sera le futur maire, ils choisiront aussi la figure du maire ou de la maire auquel ou à laquelle ils s’identifieront symboliquement le plus. Les électrices et les électeurs chercheront à se reconnaître, ainsi, dans la figure de leur maire. L’élection du maire de la ville ne sera plus seulement une question proprement politique, mais elle deviendra aussi une question de personne. La figure du maire ou de la maire n’est plus seulement, ainsi, celle d’un dirigeant politique de la ville : il ou elle va se trouver placé, comme le président sur le plan national, dans une « figure de père ou de mère » (encore qu’à cette place, même une femme se verra reconnaître une place symbolique de père, car c’est une d’une question de pouvoir que nous parlons et non d’une question de famille). Et c’est ainsi que nous comprenons mieux la troisième incidence de cette réforme : les négociations entre les partis pour la constitution des listes et pour les accords constituant des listes d’union porteront aussi sur le choix de la candidate ou du candidat  la ou le mieux placé (e) pour devenir maire. L’élection du maire ou de la maire de Marseille l’année prochaine va inaugurer de nouveaux questionnements et de nouveaux débats, et aura de nouvelles significations, d’autant plus qu’à Marseille, l’élection du maire aura des incidences sur la composition de l’exécutif de la métropole.

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