Guerre épistolaire à la fédération PS des Bouches-du-Rhône

Guerre épistolaire à la fédération PS des Bouches-du-Rhône

"Je suis ravi de vous accueillir ici dans ma commune des Pennes-Mirabeau, dans ce complexe sportif. D'ailleurs il y a un ring de boxe à côté, pour ceux que ça intéresse. Non je plaisante." C'est avec ces quelques mots de bienvenue que le pince-sans-rire Michel Amiel, maire des Pennes-Mirabeau et vice-président du conseil général des Bouches-du-Rhône a salué samedi matin la centaine de militants venus au congrès de la fédération départementale afin de "voter pour les instances du parti".

Les Ciotistes "ultra majos"

Pour ceux qui ne parlent pas le solférinien couramment, le pitch de ce congrès est d'élire les nouveaux délégués et membres des conseils et bureaux fédéraux, en gros les instances dirigeantes pour la fédé locale du parti du président. Avec pour la faire courte, 2 camps qui s'affrontent.

D'un côté du ring, les légistimistes, emmenés par Jean-David Ciot, député et maire du Puy-Sainte-Réparade, le candidat sortant et de nouveau candidat au fauteuil de premier fédéral (le big boss) de la fédé, et de l'autre les rénovateurs soutenus par quelques fortes personnalités locales, comme la ministre Marie-Arlette Carlotti ou le député maire du 1/7 Patrick Mennucci.

Mais ils ont laissé partir des seconds couteaux au combat pour la candidature au poste de premier fédéral. Nathalie Pigamo jeune conseillère municipale marseillaise, fille d'un ex haut dignitaire defferiste,  Joël Canicave, ex tapiste et bernardiniste aujourd'hui carlottiste, et Annick Boët , ex joséboveiste et mandataire d'Arnaud Montebourg. Des CV qui  déclenchent quelques sarcasmes dans le camp d'en face.

L'élection officielle du premier secrétaire de la 3e fédération de France aura lieu en réalité le 15 novembre prochain, mais le vote de samedi matin est déterminant puisqu'il donne les rapports de force entre les différents courants. Et là il n'y a pas photo. Les Ciotistes sont "ultra majos", à la fois dans le parti puisqu'ils ont soutenu la motion 1, celle d'Harlem Désir qui pèse 75% des voix, mais aussi à l'intérieur de cette même motion où les Carlottistes et les Mennuccistes ont un poids inversement proportionnel à leur part de voix médiatique. C'est à dire pas grand chose.

Car même, si le rapport Richard est passé par là ( un peu, pas du tout pour les rénovateurs et beaucoup, à la folie pour les autres) , les forces en présence n'ont pas beaucoup bougé. Et si leur ex lider maximo est redevenu "un simple militant", les Guérinistes sont toujours très présents au sein du PS 13. Aucune chance donc pour Mennucci ou Carlotti de passer. Ce qu'à bien compris Eugène Caselli, qui après avoir longtemps soutenu les "rénos", histoire de faire moderne, s'est vite rangé derrière Jean-David Ciot. Real politik.

Un putsch est possible

Du coup, les "rénos" savent que s'ils veulent renverser la table, il leur faut monter un putsh. Depuis plusieurs semaines, monsieur le député-maire du 1/7 et madame le ministre font donc le siège de Solférino pour expliquer que la rénovation entreprise par Jean-David Ciot n'est en réalité qu'une rénovation de façade et que rien n'a vraiment changé. Que Guérini a toujours un bureau rue Montgrand.

L'objectif des putchistes est que la fédé des Bouches-du-Rhône soit placée sous tutelle par Paris, comme cela a été le cas aux législatives où c'est Paris, et non pas les militants locaux qui a choisi les candidats. Au plus grand bénéfice de Marie-Arlette et de Patrick. Mais chez le nouvellement élu Harlem Déisir on avait un peu la tête ailleurs en fin de semaine dernière, et pas forcément envie de démarrer par une nouvelle guerre.

Malgré tout, nos putschistes ont quand même réussi sous la pression à arracher une belle lettre signée d'un dénommé Alain Fontanel, secrétaire aux fédérations et un des bras droits de Harlem Désir qui expliquait en gros que Paris aurait son mot à dire sur la composition des futures instances du PS des Bouches-du-Rhône. Un courrier envoyé vendredi dans l'après-midi par mail par Paris à Jean-David Ciot, à quelques heures d'une réunion prévue rue Montgrand vendredi soir, une réunion préparatoire au congrès du lendemain, afin que les différents chefs socialistes se mettent d'accord avant le vote des Pennes-Mirabeau, sur leur nombre de délégués et de membres des instances dirigeantes.

Un courrier que l'entourage de la Ministre déléguée aux personnes handicapées a fait immédiatement fuiter au site internet de Libération. "A peine élu Harlem Désir repart à l'assaut de Guérini", titrait Liberation.fr en fin d'après-midi avec la publication "en exclusivité" de la fameuse lettre. Au même moment, le téléphone sonnait dans toutes les rédactions pour expliquer que, cette fois c'était plié, c'était sûr, ç'en était terminé de Ciot et de sa clique. Paris prenait la main. Fin de la partie. Bien joué. Même plus la peine de voter, puisque c'est Solfé qui allait décider, Michel Amiel n'avait plus qu'à accueillir une partie de boule dans sa salle des sports des Pennes-Mirabeau. Mennucci/ Carlotti 1 – Ciot 0.

Après la lettre de Fontanel, le mail de Fontanel

Mais Ciot, une fois le coup de massue passé, est reparti au combat. Malgré la pression, il a décidé de maintenir le congrès, et sa réunion préparatoire. Toute ministre qu'elle est, Marie-Arlette Carlotti s'est faite bouger par l'assistance vendredi soir :

Eh Marie-Arlette, tu vois écrit où mise sous tutelle dans la lettre de Fontanel ? Nous on lit félicitations !

Une Mac isolée, ses porte-flingues n'auraient pas reçu vendredi leur bristol d'invitation. Sentant  néanmoins la menace, Ciot a bien essayé de dealer avec les putschistes, leur promettant quelques places en plus, mais les autres n'ont pas bougé. C'est donc dans cette joyeuse ambiance que tous ces camarades se sont retrouvés samedi matin au complexe sportif Jean-Roure, avec quelques journalistes attirés par l'odeur du sang. Et là, coup de trafalgar.

La ministre absente pour cause de déplacement présidentiel à Nice – elle a eu le nez creux -, c'est Patrick Mennucci qui chauffait la presse : "C'est Paris de toute façon qui aura le dernier mot", lâchait-il pendant que les notables socialistes se succédaient à la tribune, Jean-David Ciot observant ça du fond de la salle, le visage faussement inquiet. Car JDC n'est pas venu les mains vides aux Pennes-Mirabeau. Il a sa silver bullet dans la poche. Une copie d'un beau mail envoyé au petit matin par le fameux bras droit de Désir où il est écrit noir sur blanc que "ni la fédération, ni les instances fédérales ne sont bien évidemment mises sous tutelle" :

Un mail obtenu de haute lutte après une courte nuit passée au téléphone auprès de ce pauvre Fontanel, qui a fini par se dédire. C'est donc en marchant sur l'eau que JDC est monté à son tour à la tribune, poser quelques banderilles, et faire 2, 3 véroniques :

Certains camarades, parce qu'ils n'arrivent pas à se faire élire ou parce qu'ils se sentent lésés, préfèrent rejouer la partie sur tapis vert en allant expliquer à l'extérieur que la fédération était sous tutelle. J'ai donc demandé à Alain Fontanel de m'expliquer, il m'a répondu par écrit que ce n'était absolument pas le cas. […] La prochaine fois je demande à l'ensemble des militants plutôt que de se répandre dans la presse, de penser que l'intérêt général du parti vaut plus que celui de ses ambitions personnelles…

Standing ovation. Fin du match retour. Humiliation pour les rénovateurs. Ciot 3 – Carlotti/Mennucci 0. Et Ciot dans son élan de mettre au vote la liste des futurs délégués et futurs membres du conseil fédéral, sans la liste des "opposants", "qui n'ont pas voulu trouver un accord". Qui est contre ? Qui s'abstient ? Personne ne moufte. Qui vote pour : toute la salle lève la main. "Eh bien notre liste est donc élue à l'unanimité." Du grand art.

Tout sourire, Jean-Pierre Mignard, à qui Ciot a proposé de prendre la présidence d'une future commission d'éthique (il y a du boulot, on y reviendra dans la semaine avec le principal intéressé), salue le vainqueur du jour par un ambigü "heureusement que j'étais là pour contrôler tout ça". Et boudant le buffet, ne décolérant pas, Patrick Mennucci de regagner son centre-ville marseillais : "Je m'en fiche, tout ça se réglera mardi soir à Paris au bureau national du PS et, de toute façon, la seule chose qui compte, ce sont les primaires pour 2014 et Ciot a dit qu'il était pour, c'est l'essentiel." Croisés un peu plus tard à la Fiesta des sud, les spin-doctors de Marie-Arlette y croyaient eux aussi encore : "Ca va se jouer mardi." Motivé-e-s, motivé-e-s. Comme a chanté Zebda ce soir là.