Comment la mairie a (presque) censuré Michel Samson

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le 28 Juin 2012
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Comment la mairie a (presque) censuré Michel Samson
Comment la mairie a (presque) censuré Michel Samson

Comment la mairie a (presque) censuré Michel Samson

Les festivals Jazz à Beaupré (ce week-end), Charly Free Jazz à Vitrolles (du 6 au 8 juillet), Jazz de la Seyne-sur-mer (du 25 au 28 juillet) : tous, sans exception, invitent Michel Samson, co-auteur avec Gilles Suzanne de A fond de cale, un siècle de jazz à Marseille,1917-2011 paru en mars. Mais l'auteur du (trop ?) bien informé Gouverner Marseille (éditions La Découverte) ne devait pas être présent lors du prestigieux festival Jazz des cinq continents de la Ville de Marseille. Sans doute par hasard, la situation s'est débloquée pile au moment où, bons samaritains, on a commencé à s'inquiéter de cet oubli. Récit.

Un bouquin sur le jazz à Marseille, ça court pas les rues. Forcément, l'équipe de passionnés qui gère le festival des Cinq continents a dévoré le gros pavé, unique en son genre, des deux compères. Lors d'une réunion d'organisation, la question est venue sur la table : et si on accordait une large place à ce travail inédit ? La proposition fait tiquer la mairie, principale instigatrice de l'événement. Le CV de Samson, ancien correspondant de Libé puis du Monde, n'a rien d'un blanc-seing aux yeux de la mairie UMP et de Jean-Claude Gaudin.

Livre de "gauchiste"

"C'est Jean Pelle, l'un des héros du livre, (créateur du Pelle-Mêle, haut lieu du jazz à Marseille, ndlr) et l'un des animateurs du festival qui a proposé de mettre le livre de Samson en vedette, détaille Baptiste Lanaspèze, l'éditeur. Ensemble, on a fait du forcing. Il faut vraiment de l'énergie pour contrer la volonté de Jean Pelle." Et c'est pourtant ce que choisit la mairie : Samson est décidément trop "gauchiste" pour Marseille. Fermez le ban malgré les relances de Lanaspèze auprès du directeur artistique de la programmation, Bernard Souroque.

La question semblait réglée donc, sauf que l'histoire finit par revenir aux oreilles (forcément mal intentionnées) de Marsactu. Censurer Samson, c'est si sot. On passe quelques coups de fil ce mercredi qui n'aboutissent pas. Nous réussisons à joindre vers midi ce jeudi Sylvie Benarous qui cumule les casquettes d'attachée de presse du festival comme de la mairie. "Michel Samson est un ami du festival, invité permanent, lâche-t-elle d'emblée. Il n'y a tout simplement pas de séances de dédicaces prévues avec des auteurs. C'est juste une question d'organisation." Bon, bon, bon, ça correspond au programme diffusé en avril. Première version.

Le papier commence à prendre forme : avec ce démenti, on progresse. Mais c'est sans compter sur un nouveau coup de fil de Benarous un petit peu plus tard. Finalement, il y aura bien un rendez-vous avec les auteurs dans le cadre l'Alcajazz, la déclinaison en bibliothèque de l'événement. Jean Pelle aurait oublié, "vous savez, c'est un vieux monsieur". Petit problème, il n'y a pas que Jean Pelle qui l'a zappé. Ni Michel Samson ni l'Alcazar ne sont au courant. Il y a bien quelque chose de prévu mais en octobre pour Jazz sur la ville, un autre festival totalement indépendant du premier. Deuxième version.

Invitation en catastrophe

Finalement vers 18 heures, le téléphone sonne à nouveau. Cette fois-ci, c'est Michel Samson qui rappelle pour confier sa surprise : "Je viens de recevoir un coup de téléphone de Régis Guerbois, le président du festival. Celui-ci m'informe que mon livre est formidable, et qu'il nous propose, à moi et Gilles Suzanne, de le présenter en séance de dédicace le 19 juillet." Michel Samson se marre. "Pas de dédicaces" qu'ils disaient. Régis Guerbois réplique qu'il est bien "en conversation avec les auteurs." Et pourquoi ce soudain intérêt pour le livre? "Mais cela fait seulement quelques jours que nous avons reçu leur demande" nous réplique-t-on. Le livre quant à lui est sorti en mars, dommage qu'il n'ait pas lu Marsactu.

Troisième version qui est, à l'heure où nous publions du moins, la dernière. Et si finalement la mairie n'avait fait que souligner la pertinence du livre ? En mars, Samson et Suzanne écrivaient :

Le jazz est-il encore possible ? […] Certains actuellement convaincus de la fin du jazz, considèrent que c'est désormais une musique institutionnalisée et patrimoniale. Nous avons moins de certitudes. Non pas tant par prudence que par conviction qu'il est devenu impossible, en matière de jazz, d'en circonscrire l'étendue.

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Commentaires

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  1. Toni13 Toni13

    “Censurer Samson, c’est si sot.” #belle! #laprochainefoistenteletautogramme 😉

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  2. Anonyme Anonyme

    oui ce bouquin est formidable !! je l’ai acheté dès que marsactu en a parlé et j’y ai retrouvé beaucoup de souvenirs !! mais pas question de nostalgie car le jazz est vivant !!!!

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  3. de la marsiale de la marsiale

    Il faut sans doute être initié ou intelligent pour comprendre. Moi j’ai pas compris de quoi il s’agissait… L’auteur s’est-il relu ?

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  4. Mystic Punk Pinguin Mystic Punk Pinguin

    En même temps, de la part de la Mairie qui laisse interdire les concerts jazz à El Ache de Cuba, quoi d’étonnant ?

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  5. A bon entendeur, salut A bon entendeur, salut

    Certains considèrent que le jazz est seulement défini par le style qu’ils aiment, et ne considèrent pas le reste comme Jazz. Erreur qui leur permet d’être encore plus passeiste et agressifs. Le Jazz est né avant nous et survivra longtemps après, car il est simplement l’expression artistique de chaque interprête. En cela il est plus un mode de vie abouti qu’une musique classée différeùmment au gré des besoins de chacun. C’est vrai que les institutions aimeraient bien le garder sous contrôle, du moins ses manifestations, et qu’en cela à Marseille on s’y emploie bien.d’autant que la juteuse carotte 2013, déjà largement asséchée, attire les convoitises des “biens placès”.

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