L'incinérateur de Fos-sur-Mer remue les bordilles dans la plaie
L'incinérateur de Fos-sur-Mer remue les bordilles dans la plaie
Un nouvel épisode douloureux pour un dossier symptomatique. Complètement mis en service depuis moins d’un an, l’incinérateur de Fos-sur-Mer replonge dans la polémique avec l’enquête publique menée jusqu’au 8 décembre. Objet : augmenter sa capacité de 60 000 tonnes par an, pour “remplir pleinement notre mission qui est d’accueillir en totalité les déchets de Marseille Provence Métropole” (soit 459 000 tonnes), justifie le dircom de l’exploitant Evéré. Et au passage éviter d’avoir à mettre en décharge à ses frais des dizaines de milliers de tonnes de bordilles…
On ne s’étendra pas sur la controverse sanitaire, l’utilisation du port autonome de Marseille pour imposer l’emplacement contre la volonté des élus locaux, les multiples revirements – les fervents opposants à un incinérateur à Marseille (Gaudin et Assante) devenant ses promoteurs à Fos, face à la levée de bouclier des élus du golfe, notamment de Bernard Granié, qui défendait pourtant un projet avec le conseil général – , et les surprenantes découvertes dans le cadre de l’affaire Guérini. “Aujourd’hui, l’incinérateur de Fos est devenu un cas d’école de controverse, sujet d’examen à un des concours de la fonction publique territoriale !”, souligne un excellent travail universitaire sur l’intercommunalité, qui parmi ses exemples analyse longuement le cas de l’installation.
Réunion publique houleuse
Toujours est-il que lundi soir, à la Maison de la mer de Fos-sur-Mer, la réunion publique a “remué des blessures profondes”, selon l’expression d’un habitant. C’est peu dire que les représentants d’Evéré, filiale du groupe Urbaser et exploitant de l’incinérateur, ont été chahutés, peinant à mener à terme leur belle présentation initiale du fonctionnement du “centre de traitement multifilières” (CTM) – “passez tout de suite à ce qui nous amène ici, tout cela on en a soupé depuis des années”, a coupé le maire PS de Fos René Raimondi – puis du “réajustement de capacité”, avant de faire face à un déluge de questions d’élus, d’associations et d’habitants. Et aussi faire office de punching ball…
Le bilan, le commissaire enquêteur Georges Viotti n’aura aucun de mal à le dresser, tient en ces mots scandés plusieurs fois : “On n’en veut pas !” Il n’y a qu’à voir cette diatribe du maire de Grans, saisie par Maritima, pour juger du rejet que le CTM suscite : déjà malades que l’incinérateur se soit construit contre leur gré, que les Marseillais viennent “jeter leurs pots de yaourt chez le voisin”, selon l’analogie d’un habitant, voilà qu’ils devraient accepter d’en recevoir davantage. Surtout “pour faire du fric”. Un aspect curieusement absent des présentation, s’amuse le maire de Port-Saint-Louis du Rhône Jean-Marc Charrier. L’audit réalisé à la demande de la communauté urbaine est moins pudique, estimant la recette supplémentaire à 1,6 million d’euros par an.
Les grands absents marseillais dans le viseur
Autant dire que MPM et ses habitants ne sont pas portés en haute estime dans la salle : “l’incinération, c’est la capitulation des pouvoirs publics locaux face à l’incivisme de leur population”, a lancé Frédéric Serres, de feu le collectif santé environnement de Port-Saint-Louis du Rhône. “Ils ne trient pas”, “ils ne font aucun effort” : voilà ce qu’on pouvait entendre dans les rangs. Et aussi : “la métropole ils peuvent se la mettre là”. Forcément ça n’aide pas à se faire des amis…
Et de fait, même si les chiffres se sont quelque peu améliorés ces dernières, les deux indicateurs clés restent dans le rouge : 431 kg d’ordures ménagères collectés par habitant en 2010 (contre 451 en 2007 mais 299 en moyenne nationale, même si la densité et les aspects touristiques et commerciaux sont des facteurs pénalisants) et 27% de valorisation (recyclage ou organique) (en stagnation, et loin des objectifs du Grenelle de 35% en 2012 et 45% en 2015).
Bref, comme l’a déploré le président de la Ligue des droits de l’homme Ouest Provence, “nous n’avons pas les bons interlocuteurs en face de nous, il devrait y avoir monsieur Gaudin et monsieur Caselli (président de MPM, ndlr)”. “Personne de MPM n’est là, je les ai appelés, je suis désolé”, a glissé tout penaud le commissaire enquêteur. D’ailleurs, la préfecture (que nous n’avons pas réussi à joindre), n’a pas jugé bon de mener l’enquête publique sur le territoire de MPM, dont les déchets sont pourtant la source de la demande d’augmentation de capacité.
Qui a les clés de l’incinérateur ?
Pas très responsabilisant, mais en même temps MPM n’a plus la main sur le dossier, à partir du moment où elle a confié l’intégralité de ses déchets à Evéré via la délégation de service public (DSP). Ce que la filiale du groupe espagnol Urbaser en fait, ça la regarde. Le seul à avoir son mot à dire est le préfet au sujet du maximum de déchets qu’il peut brûler.
Ça n’a pas empêché les élus marseillais d’Europe Ecologie-Les Verts de tenir vendredi une conférence de presse pour expliquer qu’ils préféraient “une augmentation temporaire des volumes mis en décharge” pour peu que MPM se bouge côté réduction à la source et recyclage, avec enfin un plan départemental d’élimination des déchets. Contactée, MPM assure avoir mis en place “une politique ambitieuse de prévention des déchets (réduction à la source et tri sélectif), en signant notamment un contrat avec l’ADEME dont l’objectif est de réduire de 7% la production de déchets ménagers sur 5 ans”. A voir, Olivier Agullo (EELV) estimant qu’“on est très loin de mettre les moyens qu’il faut” en la matière.
Autre question : que se passera-t-il si les efforts sont couronnés de succès ? Le contrat “n’impose pas de garantie tonnage à l’institution” répond MPM, qui appelle donc “à la citoyenneté des habi
tants” et insiste sur l’intérêt d’“opérations comme le compostage en pieds d’immeuble” mis en place récemment au Corbusier ou à Marignane. Car “plus on triera (en point d’apport volontaires ou en collecte en porte à porte) et valorisera les déchets en amont de la filière de traitement, moins MPM apportera de déchets à Evéré”.
Mais Evéré peut-elle aller chercher des déchets ailleurs, comme le craignent les maires du pourtour de l’Etang de Berre ? “Dans certaines conditions et après discussion avec MPM”, assure Béranger Saltel-Pongy, dircom d’Evéré. Pourtant, le second volet de l’enquête public montre que la quête commence déjà : dans les 60 000 tonnes supplémentaires qu’il demande à pouvoir traiter, l’exploitant espère pouvoir caser 10 000 tonnes de déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI), autrement dit des seringues, compresses etc. Une activité lucrative chiffrée en moyenne à 350 euros par tonne, contre environ 60 facturée à MPM, remboursement de l’investissement compris…
Voilà pour les enjeux et les protagonistes, mais en réalité le scénario était écrit depuis longtemps : on vous raconte ça demain
L’avis d’enquête publique avec toutes les dates et lieux
Le résumé non technique de l’enquête
Tous les chiffres dans le (plus complet que les années précédentes) rapport annuel 2010 de MPM sur les déchets, et au niveau départemental, régional et national sur le site Sinoe.org
Commentaires
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Bonjour.
Votre lien vers “l’excellent travail universitaire sur l’intercommunalité” ne fonctionne pas (erreur 414).
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Je suis atterrée que les élus marseillais d’Europe Ecologie-Les Verts préconisent l’enfouissement (même temporaire) des déchets !! En quoi enterrer nos déchets et polluer nos terres serait une meilleure solution que le CTM ?
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Je pense que dans ce domaine comme dans bien d’autres, la metropole marseillaise, au dela de ses EPCI a la con, prend les problemes a l’envers.
Fos devait etre uniquement une zone industrialo portuaire mais les elus n’ont pas voulu s’en contenter et ont developpe des populations autour des usines. On ne peut maintenant critiquer les usines qui polluent, alors que les habitants de ces logements travaillaient a l’origine sans celles-ci.
M. Le Maire de Fos s’oppose a l’incinerateur et a son augmentation d’exploitation apres avoir soutenu le projet Guerini d’incinerateur. Sacree constance dans la logique !!! Le fait que M. Frere soit dans les decharges n’est sans doute pas etranger a cette volte face….
L’incinerateur ne pollue pas plus, bien au contraire, que bien des usines autour. On n’entend pas le maire de Fos les critiquer.
La reduction a la source, le tri selectif, les decharges, le compostage sont absolumment a developper mais l’incinerateur ou la decharge resteront indispensables.
Quand le president du CG 13 a valide son plan departemental d’elimination des dechets, il etait prevu une multiplication des decharges. Tous les ricerains s’y sont violemment opposes. Depuis, on n’entend plus parler de ce plan.
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