Une centrale solaire va-t-elle voir le jour au coeur de la Sainte-Baume ?
Une centrale solaire va-t-elle voir le jour au coeur de la Sainte-Baume ?
« Un projet énergétique, écologique et économique ». Mais aussi « un projet d’aménagement du territoire au service de l’intérêt général », car intégrant un aspect « paysager » et « pédagogique », « une absence de nuisance » et un caractère « réversible ». C’est l’argumentaire développé sur son site par Solaire Direct, l’un des principaux développeurs photovoltaïques en France, pour convaincre Monsieur le maire – que l’on aperçoit sur la gauche de la page avec son écharpe tricolore et la banane – d’implanter « un parc solaire sur [sa] commune ».
Après avoir reçu la visite d’un émissaire de la société, et « fait ensemble le tour de la commune » à la recherche d’un terrain favorable, l’édile de Cuges-les-Pins Gilles Aicardi a lui dit oui à un projet situé sur la plaine des Espèces, au Nord-Est du village, sur une étendue de 25 hectares de terrains privés, dont 13 seront couverts de panneaux. Puissance prévue : 7,5 mégawatts (MW). « Avec cela, on produira deux fois ce que l’on consomme », avance le maire.
La LPO monte au front
Sauf que, comme son nom l’indique – ou pas – la plaine des Espèces « est un milieu particulièrement riche présentant une spécificité quasiment unique des espèces des milieux ouverts dans le secteur de la Sainte-Baume », a souligné la Ligue de protection des oiseaux (LPO) Paca, dans un courrier à l’occasion de l’enquête publique qui s’est déroulée en juin, et dont on devrait connaître l’issue d’ici samedi. Estimant que c’est « un projet mal ficelé, sans cohérence environnementale et qui, s’il devait voir le jour, contribuerait encore un peu plus au mitage de l’espace de ce massif prestigieux encore préservé », l’association a clairement affirmé son opposition. « Le commissaire enquêteur va donner son avis, ensuite c’est le préfet qui tranchera. Et en fonction de sa décision, et de nos moyens financiers, on verra si on va plus loin, c’est-à-dire au tribunal administratif », commente Gilles Vicirel, le bénévole de la LPO Paca qui suit le secteur.
Contacté, Solaire Direct nous répond que « ce projet est en cours de développement actuellement et donnera lieu à une communication officielle en phase préalable à la formalisation du projet début 2012« . Bref, pas de commentaires d’ici là. Mais de son côté le maire ne cache pas son agacement face à cette opposition : « la DDTM (direction départementale des territoires et de la mer, antenne du ministère de l’écologie, ndlr) les a associés à la réflexion et Solaire Direct s’est pliée à toutes leur exigences », s’étonne-t-il.
Espèces en danger
A la LPO, on a une version légèrement différente de cette « concertation », confirmée par la DDTM : « j’ai assisté à une réunion publique il y a un an et demi et, connaissant bien le site, j’ai noté que l’étude d’impact était incomplète. On a fait une contre expertise transmise à la DDTM et je pense que c’est suite à notre intervention que le projet initial (de 12 MW au lieu de 7,5, ndlr) a été modifié », explique Gilles Vicirel. Dans sa contre-expertise, l’association compte notamment 23 espèces d’oiseaux protégées au niveau français, dont 5 par l’annexe I de la Directive Oiseaux, où l’Europe liste les espèces les plus en danger ou vulnérables qui doivent faire l’objet de mesures de conservation.
Et notamment trois types de pies grièche, une espèce pour qui un plan national d’action a été monté, et parmi elles la pie grièche à tête rousse, « dont il ne reste qu’une cinquantaine de couples en Paca », note Gilles Vicirel. « On travaille avec le ministère sur ce plan, et après on est confrontés à ce type de projets qui suppriment des habitats très intéressants. On pourrait trouver des sites avec moins d’enjeux », soupire Micaël Gendrot, responsable de programme Conservation de la biodiversité à la LPO Paca, qui a également suivi le dossier.
Surtout, modifié ou pas, le projet a tout de même été assez sèchement critiqué en octobre 2010 par l’Autorité environnementale, institution chargée à l’échelle nationale de donner un avis dès lors qu’un projet s’accompagne d’une étude d’impact. Elle note tout d’abord que le projet est situé dans une Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), avec, non loin de là, la zone Natura 2000 de la Sainte-Baume (d’ailleurs, Solaire Direct avait initialement oublié, contrairement à ce que prévoit la réglementation sur Natura 2000, d’en étudier les incidences).
Même si elle se félicite que le projet final « évite les espaces les plus sensibles de la zone d’étude ». Elle ajoute que « le massif de la Sainte-Baume est caractérisé par une faible fragmentation des espaces naturels, ce qui renforce son intérêt écologique » et confirme par ailleurs la présence d’« espèces protégées (insectes, reptiles, oiseaux, chiroptères) ». On pourrait ajouter la création projetée d’un parc naturel régional (PNR), la naissance du syndicat mixte étant en cours de finalisation.
Atteinte au paysage
La salve se poursuit sur l’aspect paysager : le site, « perçu depuis des sentiers fréquenters », est considéré comme « secteur à enjeux paysagers prioritaires » dans l’atlas des paysages des Bouches-du-Rhône et, non loin de là, le « versant sud du massif de la Sainte-Baume », est « inscrit au titre de la protection des paysages » (l’un des deux niveaux de protection des paysages, avant le classement, dont bénéficient par exemple les Calanques). Enfin, côté risque incendies, « le site du projet, notamment sa partie ouest, est très concerné : un incendie qui se déclarerait au nord du site pourrait facilement atteindre la centrale ».
Un dernier point relativisé à la DDTM, où l’on note que le SDIS (les sapeurs-pompiers des Bouches-du-Rhône), ont donné un avis favorable assorti de prescriptions. « C’est vrai que la zone a été parcourue par des incendies cinq ou six fois depuis la Libération. Mais en plus d’aménagements du propriétaire (pare-feu, oliveraie), le débroussaillement est traité. Au contraire cela peut-être utilisé par les pompiers comme une zone de repli », souligne Gilles Aicardi.
Côté paysage, la réponse est plus vague : « normalement le projet est bien inséré dans le site. On ne le verra qu’un peu de la route de Riboux et qu’en haut de la chaîne ». Au Comité de liaison des énergies renouvelables (Cler), qui a tout récemment édité un « guide d’évaluation des projets de parcs solaires », Joël Vormus glisse toutefois, sans s’avancer en l’absence de connaissance précise de ce cas, que « l’impact paysager peut être compliqué à juger : on ne peut pas se baser uniquement sur le site, il existe des artifices pour faire une relativement bonne intégration et il faut savoir s’il y a beaucoup de passage ou non ».
« Sortir du nucléaire »
De toute manière, pour Gilles Vicirel, qui rappelle la position de principe de la LPO récemment détaillée dans un document, le solaire c’est niet en zone naturelle ou agricole. « Je ne sais pas où on peut les mettre alors », souffle le maire de Cuges. « Il y a des zones tout à faire possibles. Si vous prenez le Var, qui est le département le plus forestier de France, avec des boisement étendus de pins relativement monotones du point de vue des espèces. Mais il est plus difficile intellectuellement d’accepter de raser une forêt, même si les zones ouvertes sont plus riches », rétorque Micaël Gendrot, qui affirme « qu’il y a très peu de projets dans les friches et les carrières et que tout ce qui concerne les bâtiments est le parent pauvre en France ».
Mais, dans la foulée de Fukushima, Gilles Aicardi sait qu’il a un argument massue : « Il faut savoir ce que l’on veut et je crois qu’il y a écolo et écolo. On ne sortira jamais du nucléaire si on ne fait pas des centrales comme cela », glisse-t-il. « On est de fait dans une position un peu délicate et on nous oppose systématiquement ce type d’arguments », regrette Micaël Gendrot. Un argument renversé par Gilles Vicirel : « C’est de l’écologie bas de gamme », attaque-t-il, avançant qu’ »en moyenne le propriétaire du terrain touche 3000 euros par hectare par an. A ce rythme-là, on devient vite écolo… » La commune, devait elle initialement toucher 25 000 euros par qui iraient pour moitié au comité communal d’action social et à des subventions aux associations, l’agglo touchant environ 50 000 euros.
Réflexion intercommunale
« Ce qu’on demande, c’est qu’il y ait une réflexion, là c’est juste du business », résume-t-il, estimant que celle-ci « doit se faire au niveau de la communauté d’agglomération. Il y a des communes qui peuvent avoir des terrains appropriés et d’autres non. Cela permet de répartir les gains ». Ou pourquoi pas, dans les prochaines années, par le PNR Sainte-Baume ? Pour l’instant, au pays d’Aubagne et de l’Etoile, une réflexion sur les parcs n’est pas à l’ordre du jour, l’action se limitant – ce qui est déjà rare – à un coup de pouce pour l’installation de panneaux en toiture.
L’Autorité environnementale ne dit pas autre chose lorsqu’elle déplore qu’« il n’y a pas non plus d’analyse des sites anthropisés de la commune qui auraient pu accueillir un tel projet » et estime que « l’absence de réflexion coordonnée à une échelle pertinente est mise en évidence ». Au final, si « la justification sur des critères d’environnement du site retenu pour le projet reste insuffisante malgré la démarché d’adaptation », c’est avant tout par défaut initial du choix du site.
Introuvables projets publics
Pour éviter que les maires cèdent chacun dans leur coin aux sirènes des développeurs, « nous encourageons les régions et les départements à faire l’inventaire des terres qui ont peu de valeur économique ou de biodiversité et à le tenir à disposition », précisait Joël Vormus, dans notre article faisant le point la semaine dernière sur la situation et l’avenir du solaire en Paca. Le Cler, nous annonce-t-il par ailleurs, « est en train de préparer un guide pour les collectivités sur les parcs au sol. On aimerait bien voir des projets développés par des entités publiques et citoyennes ».
S’il n’est pas difficile de trouver des exemples de réalisations de collectivités, celles-ci se limitent en revanche à des toitures. « Le problème des parcs, c’est que cela demande un investissement initial conséquent, mais des syndicats d’électricités, à la société d’économie mixte ou la société coopérative d’intérêt collectif, il y a un éventail important de niveaux d’intervention. Sauf que comme c’est quelque chose de nouveau, les services et les élus n’ont pas forcément conscience de ces choix et la connaissance juridique ». Ce qui expliquerait que la commune communiste de Gardanne, au discours pourtant très partisan d’une maîtrise publique de l’énergie, laisse au géant allemand Eon le soin de construire un parc sur le terril des Sauvaires, au grand dam de l’opposition Europe Ecologie-Les Verts…
Quel avenir pour le solaire en Provence ?, sur Marsactu
Le courrier de la LPO Paca :
L’avis de l’Autorité environnementale :
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Julien je ne vois pas ce que le fait,que ces 2 communes soient communistes aient une importance,sur l’implantation de ces centrales.
En revanche,et là ,ça a de l’importance ces 2 maires,Cuges et Gardanne,ont de nombreux mandats derriere eux.
Là est le problème.
Se connecter pour écrire un commentaire.
“Pour l’instant, au pays d’Aubagne et de l’Etoile, une réflexion sur les parcs n’est pas à l’ordre du jour” …
En tout cas, le pays d’Aubagne et de l’Etoile est en train d’élaborer un Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT). Dans le PADD, il est dit que les parcs solaires sont interdits !
Se connecter pour écrire un commentaire.
Merci de laisser ce plateau aux buggy et aux mototrial et de continuer a interdire le passage aux pietons et aux velo tout terrain
Se connecter pour écrire un commentaire.