“18 enfants pour un agent”, la Ville ne trouve pas de raison à la grève des cantines

Actualité
le 18 Déc 2018
16

Lundi matin, Danielle Casanova, adjointe aux écoles, accompagnée par quatre maires de secteur issus de la majorité, présentait le "dispositif" mis en place pour répondre aux revendications des grévistes dans les cantines scolaires. La Ville met en avant un taux d'encadrement des enfants qui fait bondir les syndicats.

Les parents présents devant le groupe scolaire Saint-Just lors de la mobilisation du collectif Superminots sans cantines. Crédit photo ©Chloé Mayer
Les parents présents devant le groupe scolaire Saint-Just lors de la mobilisation du collectif Superminots sans cantines. Crédit photo ©Chloé Mayer

Les parents présents devant le groupe scolaire Saint-Just lors de la mobilisation du collectif Superminots sans cantines. Crédit photo ©Chloé Mayer

Depuis le début des grèves lancées dans les écoles et les crèches par les syndicats CGT et FO, la Ville s’était astreinte au silence. Un communiqué et “une lettre aux parents” étaient annoncés par l’adjointe à l’éducation, Danièle Casanova, mercredi 12 décembre. Rien n’est venu avant la conférence de ce lundi où, en plus de l’adjointe, plusieurs maires de secteur et le président du groupe LR, Yves Moraine étaient rassemblés pour appeler à “mettre fin à cette grève irresponsable“.

En appui de leurs propos, un communiqué et une lettre aux parents ont bien été publiés pour revenir sur le temps de travail des agents, mais aussi les recrutements, les primes… Dans ce catalogue de mesures, un chiffre fait bondir les syndicats, il définit le taux d’encadrement dans les cantines scolaires. Ce terme définit le nombre d’enfants dont un agent municipal a la charge. Il est ainsi décrit dans la lettre aux parents :

À Marseille, un agent municipal (responsable de restaurant, Atsem, agent technique Asic) travaille au service de 18 enfants, alors qu’un récent commentaire de la chambre régionale des comptes souligne que ces effectifs sont supérieurs de 5 points à la moyenne nationale.

Un agent municipal pour 18 enfants ?! C’est un mensonge éhonté !”, tacle Françoise Risterucci, déléguée CGT. “Foutage de gueule !”, complète Karine Muller, cofondatrice du collectif Superminots sans cantine. À moins qu’ils comptent la boulangère et le facteur, je ne sais pas comment ils le trouvent“, formule Patrick Rué secrétaire général FO. La municipalité atteste pourtant de l’exactitude de ce taux d’encadrement des enfants sur les temps de cantine et fustige les syndicats qui annoncent d’autres chiffres. Mais comment ce chiffre est-il apparu ?

La chambre n’a jamais écrit sur les cantines

Premier élément, la chambre régionale des comptes n’a jamais écrit formellement sur le taux d’encadrement dans les cantines, ni, à vrai dire sur ce sujet. C’est ce que nous a confirmé la Chambre régionale des comptes qui ne peut donc indiquer de quel commentaire il s’agit. La seule mention des Atsem, pour agent territorial spécialisé des écoles maternelles, apparaît dans le rapport de 2013, à propos des crèches. Mais aucun élément de comparaison avec d’autres villes. Le contrôle en cours de la Ville ne porte pas non plus sur les écoles.

Comme le signale Patrick Rué, “ils comptent le responsable de restaurant, déjà lui, il fait la cuisine, il ne surveille pas la cantine“. Même discours du côté de la CFTC qui distingue les agents en charge de la cuisine et celle en charge de la surveillance : “La cantinière s’occupe de servir la banque froide, elle sert mais ne surveille pas. La première aide apporte les plats de la banque froide, comme les entrées ou les desserts. La seconde aide fait les va-et-vient entre la cantine et le réfectoire en partie pour débarrasser. Elle n’a pas le temps de s’occuper de la surveillance”.

Les ATSEM seules à la cantine

Pour elle, les seuls agents dévolus à la surveillance sont “les ATSEM, seules et en sous-effectif. On voit bien que les taux annoncés sont faux sur le terrain“. Du côté de la CGT, Françoise Risterucci s’emporte : “Danièle Casanova n’a qu’à compter l’ensemble du conseil municipal et on arrivera peut-être à un agent pour 8 enfants !

Combien sont-elles alors face aux enfants ? Pour Patrick Rué il est clair que “les effectifs sont très variables selon les écoles“, si la Ville “parle d’ un agent pour 25 en maternelle et 1 pour 50 en primaire. Avant, c’était 1 pour 30 et 1 pour 60“. Pourtant “même ces taux, on ne les atteint plus. Le taux très courant est de 70 à 80 en primaire“. Des propos confirmés par Françoise Risterucci. Elle cite une fiche récente du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSTC) mentionnant “2 agents pour 98 enfants en maternelle“.

Du côté de la Ville, pas plus de précision en conférence de presse sur la manière dont ce chiffre est construit. Pour Yves Moraine, maire du 6e et 8e arrondissements, le taux d’encadrement donné par la mairie “est le chiffre exact“. En revanche “il ne tient pas compte des déclarations d’inaptitudes à travailler ou de l’absentéisme des agents“. Pour Danièle Casanova “200 à 300 personnes sont déclarées inaptes par an” qui s’ajoutent, selon elle, à un taux d’absentéisme proche de 20%. “Le taux plus fort en France sur ces postes d’agents territoriaux“, précise Lionel Royer-Perreaut, maire des 9e et 10e arrondissements, “un dysfonctionnement dû à un problème de management“.

La question de l’inaptitude au travail est effectivement une des inconnues du chiffre réel des agents des écoles. “Personne ne connaît l’effectif réel, analyse Patrick Rué. D’abord parce que les agents qui sont en longue maladie, sans possibilité de retour, sont toujours comptés parmi les effectifs et personne ne dit combien sont concernés”. Quant à l’absentéisme, Patrick Rué le reconnaît mais il pointe les conditions de travail et la pénibilité du travail.

L’absentéisme et les volantes

Ce n’est pas le syndicat qui a décidé spontanément de la grève, ce sont les agents qui sont venus vers nous parce qu’elles n’en peuvent plus, déclare pour sa part la déléguée CGT. Elles sont sous pression et sont écœurées de ne pas pouvoir effectuer leur travail correctement“. Pour pallier ce manque d’agents le syndicat demande la création d’un corps de volantes, qui pourraient venir au pied levé remplacer un agent absente dans une école.

Ce corps d’agents remplaçantes, c’est justement l’objet du court paragraphe où la Chambre régionale des comptes évoque les Atsem, dans son rapport de 2013. Elle y salue la mise en place de ce corps de “volantes” à la fois pour les crèches et les écoles :

Ce dispositif des « volantes », bien calibré par rapport aux besoins du service, est efficient. Ceci est dû aussi à un absentéisme maîtrisé, comparable aux taux constatés dans d’autres grandes collectivités dans ce secteur.

La mairie est catégorique. “Le corps de volantes on a abandonné il y a 3 ou 4 ans, indique Danièle Casanova. Elles se retrouvent toujours à remplacer un poste sur de la longue durée. Le budget est limité, on ne peut l’augmenter sans cesse.” Le président du groupe Les Républicains au conseil municipal, Yves Moraine, ajoute même “le tonneau des danaïdes ça suffit !

Pour Patrick Rué, ce corps d’agents volants n’a pas été supprimé : “Elles ont toutes été absorbées par le service. Dans les crèches par exemple, elles sont appelées le matin même pour aller remplacer une collègue malade alors qu’elles ne connaissent ni les parents, ni les enfants”.

Pour le secrétaire général du syndicat FO comme pour la CGT et même la CFTC, la question du taux d’encadrement n’est pas la seule inexactitude de la lettre aux parents. Par exemple, la prime exceptionnelle “liée à l’investissement de chaque agent” ne serait que le paiement des 14 000 jours de récupération restés en souffrance depuis 2014. “Le seul but est d’opposer les parents aux syndicats et aux agents”, conclut Patrick Rué. Ce mardi, le pique-nique géant devant la mairie est maintenu par les parents en colère. Plusieurs syndicats indiquent qu’ils viendront à la rencontre des parents pour expliquer les raisons de leur mouvement.

Cet article vous est offert par Marsactu
Marsactu est un journal local d'investigation indépendant. Nous n'avons pas de propriétaire milliardaire, pas de publicité ni subvention des collectivités locales. Ce sont nos abonné.e.s qui nous financent.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. neplusetaire neplusetaire

    Mauvais souvenir, mon fils se plaignait sans cesse du temps de cantine où il n’avait même pas le droit de parler, on faisait asseoir les enfants par terre automne, hiver, printemps…avant le service…. mais lorsque j’ai essayé de comprendre pourquoi ce traitement on m’a expliqué que les ATSEM par manque de personnel, elles étaient obligées de les faire asseoir pour les calmer ! On se croirait aux heures les plus sombre de notre histoire ?????

    Signaler
  2. neplusetaire neplusetaire

    OUPS je n’ai pas fini : ce qui m’a été dit pour répondre à mes questions ! Je l’ai fait en qualité de déléguée de Parents d’élèves.
    Dommage que les parents et ATSEM ne s’unissent pas pour demander plus d’effectif.

    Signaler
    • Christel Christel

      C’est ce qu’ils ont fait mardi. Suivez notre page facebook super minot sans cantine

      Signaler
  3. vékiya vékiya

    les élus de cette sont débordés et incompétents, la propreté, l’habitat, les écoles… gaudin et sa clique sont indignes. des années de clientélisme même FO le syndicat maison qui en a bien profité est inopérant. certains agents profitent de ce foutoir pour en faire le moins possible.
    merci gaudin

    Signaler
  4. Jean Peuplus Jean Peuplus

    Décidément l’axe de communication de la ville pour avancer chaque fois son bilan en situation de crise est insultant pour la population tant il ramène son au niveau de QI à celui des bigorneaux. Comment peut on penser que pour se justifier on puisse présenter un taux d’encadrement en d’une part détournant un avis de la chambre régionale des comptes de 2013 ( comme si en 5 ans la situation gravée dans le marbre ne pouvait évoluer) et d’autre part en globalisant toutes les tranches d effectifs théoriques.
    Pour plus de transparence, il faudrait également faire apparaitre les montant des primes de l’ensemble des agents par services et par catégories des municipaux, sans oublier bien sûr la liste chiffrée de l’ensemble des régimes indemnitaires et autres avantages des élus.
    Ah petit rappel, messieurs les communicants et élus, les réseaux sociaux dont vous usez et abusez pour faire votre communication sont également ouverts à la population qui peut aller chercher directement à la source les informations pour vérifier vos arguments, nous sommes au XXI ème siècle quand même.

    Signaler
  5. PromeneurIndigné PromeneurIndigné

    Yves Moraine, ajoute même “le tonneau des danaïdes ça suffit !” Sauf quand il s’agit des vœux de fin d’année ?

    Signaler
    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Et sauf quand il s’agit de reconstruire deux fois le stade en quinze ans, de construire une patinoire incapable d’accueillir compétitions ou spectacles sur glace, d’accueillir le Tour de France ou une démonstration de F1 sur le Vieux-Port, toutes ces opérations qui élargissent les trous du tonneau sans rien apporter ni à l’attractivité du territoire, ni au bien-être de sa population.

      Signaler
  6. Tarama Tarama

    Et qui est responsable du management (et des ses problèmes) à la Ville de Marseille, QUI ?

    Signaler
    • Christel Christel

      La cogestion et le clientélisme! Dans tous les cas, les agents des écoles et surtout les ATSEM sont les oubliés de tous, du syndicat majoritaire jusqu’à peu et de la mairie!

      Signaler
  7. PromeneurIndigné PromeneurIndigné

    Moraine a succédé à Tian (dont on voyait la binette partout) qui était l’adversaire déterminé des fraudeurs qui planquent leur thune en Helvétie oh pardon des salariés qui trompent la sécu Pourtant, le tonneau des Danaïdes est toujours aussi profond notamment pour les contribuables du 8/9: Outre le grand stade (qu’attendent-il pour le privatiser ?)les rues sont sales on laisse crever les ,arbres qu’on laisse crever pour les renouveler périodiquement exemple avenue du Prado en face de Monoprix ou rue Mermoz devant leur cantine etc.

    Signaler
  8. petitvelo petitvelo

    Est-ce qu’il y a une époque où ce conflit n’était pas verrouillé ? Car on entend toujours les mêmes arguments de part et d’autre … et la seule “sortie” c’est de se passer de cantine ou pour ceux qui le peuvent d’aller dans le privé, essentiellement religieux.

    Signaler
  9. corsaire vert corsaire vert

    Si Rué s’énerve c’est que ça va mal !!! je crains toutefois qu’il ne tarde pas à aller négocier une crapulerie de plus : renvoi d’ascenseur !
    Tous les commentaires reflètent bien mon avis sur ce sujet …
    Moraine(( qui a des lettres) connait bien le fonctionnement du tonneau des Danaïdes , il en use et abuse à s’en rendre ivre !!!!

    Signaler
    • Christel Christel

      Rué a perdu la majorité aux élections. En plein chambardement du temps de travail, les syndicats font la course à celui qui va le plus mobiliser les syndicats. Dans les écoles et les crèches, la CGT a lancé un préavis hier pour des grèves d’agents jusqu’en février.
      Une autre action que ces grèves perlées, ne leur passe pas la tête! Changeons les usages! Les parents sont mobilisés pour que le taux d’encadrement soit réhaussé mais ARRETEZ LES GREVES D’UNE HEURE AU TEMPS CANTINE!!

      Signaler
  10. MaxMama13 MaxMama13

    Quels menteurs! Venez dans mon école maternelle : chaque jour 1 ou 2 ATSEM par site sont envoyées faire de la surveillance cantine ailleurs, souvent en élémentaire. Cela prive des enfants de 3 à 5 ans de leur ATSEM (leur repère!) pendant la cantine, augmente le nombre d’enfants par ATSEM restantes. Venez faire manger proprement et dans le calme des dizaines de petits qui savent à peine tenir une fourchette en début d’année! Venez voir leur tête quand c’est chaque jour une nouvelle personne qui vient les chercher pour la cantine! Venez les voir s’endormir sur des bancs glacés jusqu’à l’arrivée de leur maîtresse car il n’y a pas assez de personnel pour les monter faire la sieste . Venez faire classe sans ATSEM à une vingtaine de petits pendant les épidémies de gastro! On est dans la maltraitance des enfants et des personnels, qui font ce qu’ils peuvent pour pallier les carences de la mairie, pas aidés par le syndicat majoritaire qui les manipule pour ses magouilles avec la mairie.

    Signaler
    • Christel Christel

      Exactement ! La maltraitance ! Portons plainte contre la mairie !

      Signaler
  11. Sogabest Sogabest

    Hallucinant !!
    On peut avoir accès à la GPEC de la mairie ?!
    Si elle existe …

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire