Foire d'empoigne fiscale au conseil municipal de Marseille

À la une
le 25 Oct 2010
6
Foire d'empoigne fiscale au conseil municipal de Marseille
Foire d'empoigne fiscale au conseil municipal de Marseille

Foire d'empoigne fiscale au conseil municipal de Marseille

« Bouclier fiscal municipal » pour l’opposition, simple retour sur une « niche fiscale sans aucun fondement » pour la majorité : la réduction de l’abattement général à la base de 15% à 5% a enflammé le conseil à Marseille ce lundi matin. Pour les retardataires le décryptage est ici. Pour faire simple il s’agit d’augmenter la taxe d’habitation de tous les foyers d’un peu plus de 100 euros, quel que soit le montant total qu’ils paient. Seuls les 55 000 ménages totalement exonérés y échapperont.

Pour riposter aux accusations d’injustice sociale – un étudiant dans une résidence étudiante de Chateau-Gombert subissant la même hausse qu’un couple dans une villa du Roucas-Blanc – la majorité a sorti une stratégie en trois temps. Un : marteler comme le président du groupe UMP Yves Moraine que « Marseille est une ville bien gérée », où selon l’adjoint aux finances « on économise sou à sou ».

Une dernière cigarette

« Ici nous ne jetons pas l’argent par les fenêtres pour des pages de pub dans les journaux avec la photo du maire », ose Me Moraine. Voilà une déclaration que vous avez peu de chances de lire ailleurs, mais c’est vrai : ces derniers temps c’est plutôt le Vélodrome en 3D qui s’affiche en pleine page dans la presse locale… Du coup la Ville « n’a pas à rougir » de demander une hausse de « 6 euros par mois, soit bien moins cher qu’un abonnement au téléphone portable ou à peine le prix d’un paquet de cigarettes ». Avis aux Smicards : 2011 sera la bonne année pour arrêter de fumer.

Deuxième angle d’attaque : la gauche est mal inspirée de critiquer alors que les collectivités locales qu’elle gère (communauté urbaine de Marseille, conseil général des Bouches-du-Rhône et conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur) ne font pas mieux. Pour la communauté urbaine, Jean-Claude Gaudin a sorti un argument classique : la hausse de 20% de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.La réponse de Patrick Mennucci l’est tout autant : « c’est pour payer votre incinérateur ».

Ogre fiscal

Alors Yves Moraine a sorti la calculette : « La ville de Marseille n’est pas un ogre fiscal. Au contraire, elle mène depuis la première victoire des listes Gaudin/Muselier en 1995 une politique très modérée, soucieuse du portefeuille des Marseillais. Ce qu’une comparaison permet de démontrer facilement : sur la période 2004/2009, les taux d’imposition de la ville ont progressé de 13,05%, alors qu’ils explosaient à plus de 50% au conseil général et au conseil régional. Vous parlez de bouclier fiscal, mais vous vous utilisez le pilon fiscal », a lancé Yves Moraine.

Anticipant la « réponse habituelle » de la gauche, qui consiste à dire que « cela ne représente que quelques euros », il a conclu sa démonstration en notant que sur cette période les conseils général et régional « ont pris 200 millions d’euros de plus dans la poche des contribuables, quand la Ville ne le faisait qu’à hauteur de 90 millions d’euros ».

Désintox

Mais tout comme Yves Moraine, Marsactu est porté sur la calculette et bizarrement nos résultats sont moins flatteurs. Le calcul de l’augmentation du taux d’imposition à Marseille et juste, mais pourquoi ne pas inclure 2003 et 2010 dans le calcul ? Car, avec ces deux années supplémentaires, on passe de +10,35 à +22,3%… Sans compter la hausse votée pendant le conseil municipal, qui équivaut à relever le taux de taxe d’habitation de 15%. Rappelons que parmi les 10 plus grandes agglomérations françaises, Marseille se classe en première place en terme d’augmentation avec 3,1% en moyenne par an depuis 2001, contre 1,1% en moyenne pour les autres.

Autre erreur : si le conseil général des Bouches-du-Rhône a effectivement augmenté son taux de taxe foncière de 51,75%, celui de la taxe d’habitation n’a pris que 5,63%. Yves Moraine ajouté les deux pour arriver à son chiffre ? Quant au conseil régional, la hausse de 59,46% du taux de taxe foncière est indéniable. Mais avec 2,36%, il classait en 2006 la région au 5e rang des plus faibles taux. Depuis, il n’a plus augmenté.

De quoi relativiser un peu ces déclarations, surtout lorsque l’on s’attaque à la seconde partie. Le conseil régional aurait augmenté son produit fiscal de 70 millions d’euros et le conseil général de 134 millions depuis 2004. Vrai. Sauf que le premier englobe 4,8 millions d’habitants et le second 2 millions. Aux dernières nouvelles, Marseille n’en comptait encore que 860 000. Ramenée à la population, l’augmentation du produit fiscal atteint donc les 105 euros par habitant pour la Ville, contre 67 pour le CG13 et 15 pour la Région.

Le contre-exemple oublié de Nantes

Le dernier point de l’argumentation est également sujet à caution : Yves Moraine s’appuie sur les exemples d’autres villes gérées par les socialistes pour justifier la baisse de l’abattement général à la base. « A Lille, l’abattement général à la base (AGB) est à 5%, comme ici. Mais l’abattement pour charge de familles (ACF) est à 10%, contre 20% ici. Madame Aubry mène donc une politique moins généreuse qu’ici et surtout une politique très défavorable aux familles. A Rennes, l’AGB n’existe pas et l’ACF est à 10%. Qu’est-ce qu’ils sont antisociaux ces socialistes rennais ! »

Passons sur l’inexactitude des chiffres pour Lille (l’ACF est de 15% pour la première personne à charge et de 20% pour les suivantes) pour se concentrer sur l’essentiel : Yves Moraine contemple une situation statique en oubliant l’aspect dynamique. Contrairement à la majorité Gaudin, Martine Aubry n’a pas touché aux taux d’abattement. On ne peut donc que lui reprocher de ne pas les avoir porté au niveau de ceux de Marseille, ce qui aurait signifié une très rare baisse d’impôts.

Yves Moraine a étonnamment laissé de côté Nantes, qu’il évoquait encore il y a quelques jours. Il faut dire que cette ville l’abattement général à la base de 10% a beau être moins généreux que le taux marseillais initial, il a surtout été instauré en 2009 par Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l’Assemblée… Et quand bien même le conseil régional, général et toutes les villes socialistes de France s’étaient données le mot pour manier le pilon fiscal, le discours d’Yves Moraine ne serait qu’une réponse au PS. Pas aux Marseillais

Un lien La taxe d’habitation va flamber de plus de 100 euros à Marseille

Cet article vous est offert par Marsactu
Marsactu est un journal local d'investigation indépendant. Nous n'avons pas de propriétaire milliardaire, pas de publicité ni subvention des collectivités locales. Ce sont nos abonné.e.s qui nous financent.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. lejust lejust

    Ca fait plaisir de voir quelques journalistes faire un vrai travail d’enquête sur les déclarations des uns et des autres… Bravo ! continuez !

    Signaler
  2. Diogene Diogene

    Bravo et merci pour cette opération désintox !
    La suppression de la taxe professionnelle par le gouvernement Sarkozy ne va pas arranger les choses : les villes n’auront aucun intérêt à attirer les entreprises et devoir payer les infrastructures (réseaux, assainissement, pollution…)
    C’est donc la TH des familles qui va encore exploser.
    Ce gouvernement est l’anti Robin des Bois : il prend aux pauvres pour donner aux riches !

    Signaler
  3. céhère céhère

    Merci marsactu pour cet article qui explique bien les choses. Quand on voit que la provence a sorti du même conseil municipal un florilège des phrases les plus débiles… on se demande à quoi ils servent.

    Signaler
  4. titoune titoune

    Bien sûr monsieur Yves MORAINE,MARSEILLE est une ville bien gérée.Toute sa merde
    brûle à FOS.

    Signaler
  5. Saint Juste Saint Juste

    Le budget municipal et des autres collectivités territoriales doit être lisible par l’ensemble des citoyens concernés, efficace grâce à des outils comprenant des ratios de gestion simples, fiables et comparatifs. L’ensemble des budgets de ces collectivités doit être accessible par Internet afin que les citoyens qui le souhaitent puissent en prendre connaissance.
    Dans le cadre du contrat de mandat, la formation qui est actuellement un droit doit devenir une obligation, notamment pour les élus en charge de délégations. S’agissant plus particulièrement de la surveillance des subventions attribuées aux associations, ainsi que de l’exécution des délégations de services publics, sur l’eau, l’électricité, les ordures ménagères, les citoyens doivent être associés au contrôle de l’évolution des coûts et des prix, par rapport à la qualité du service rendu. Les ratios des coûts pour la gestion de l’eau, des déchets etc., seront publics et soumis à des audits. Le bilan d’activité devra être porté à la connaissance de l’ensemble des citoyens de la collectivité.

    Extraits des articles L. 121 et L. 212 du Code des communes et de l’article 10 de la loi du 30 mars 2000
    L. 121-19 : Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication, de prendre copie totale ou partielle des procès verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune, des arrêtés municipaux.
    L. 212-14 : Les budgets de la commune restent déposés à la commune et sont mis à la disposition du public dans les quinze jours qui suivent leur adoption. Dans les communes de 3 500 habitants et plus des documents sont assortis en annexe :

    · 1° – des données synthétiques de la situation financière de la commune ;
    · 2° – de la liste des concours attribués aux associations sous forme de prestations en nature et de subventions ;
    · 3° – de la présentation consolidée du budget et des budgets annexes ;
    · 4° – des comptes administratifs des organismes de coopération communale ;
    · 5° – du bilan des organismes dans lesquels la commune détient une part du capital ou au bénéfice desquels la commune a garanti un emprunt ou versé une subvention supérieure à 500 100 F ou représentant plus de 50 % du budget de l’organisme ;
    · 6° – d’un tableau retraçant l’encours des emprunts garantis par de la commune, ainsi que l’échéancier de leur amortissement ;
    · 7 ° – des comptes et annexes produits par les délégataires de services publics.

    Article 10 : Le budget et les comptes de tout organisme de droit privé ayant reçu une subvention, la convention prévue au présent article [l’autorité qui attribue une subvention doit, lorsque cette subvention dépasse un seuil fixé par décret, conclure une convention avec l’organisme de droit privé qui en bénéficie] et le compte rendu financier de la subvention doivent être communiqués à toute personne qui en fait la demande par l’autorité administrative ayant attribué la subvention. Les organismes de droit privé ayant reçu annuellement de l’ensemble des autorités une subvention supérieure à un montant fixé par décret doivent déposer à la préfecture du département où se trouve leur siège social leur budget, leurs comptes, les conventions prévues au présent article et, le cas échéant, les comptes rendus financiers des subventions reçues pour y être consultés.
    Quant aux journalistes de La Provence leur commentaires sur le budget de Marseille démontre une totale incompétence dans ces questions. Personne ne comprend plus rien aux impôts locaux, personne ne comprend plus rien au découpage administratif, personne ne comprend plus rien à la répartition des compétences des collectivités locales, et cela pour une raison bien simple : le système est devenu totalement incompréhensible. Les élus locaux le savent et, pour la plupart, ils en profitent.

    Signaler
  6. Saint Juste Saint Juste

    Depuis dix ans et plus particulièrement depuis 2005, les impôts locaux flambent à Marseille. Cette hausse, très supérieure à l’inflation et au taux de croissance des revenus, est générée aussi bien par la Région, le Conseil Général, la Mairie et depuis deux ans par la Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole. Dans un contexte général de crise, très difficile pour la grande majorité des marseillais, dont les retraites et rémunérations n’ont pas été revalorisées, cette augmentation galopante n’est pas acceptable. Cette croissance fiscale excessive grève leur pourvoir d’achat et engendre un frein considérable au développement économique et à l’épanouissement de notre Ville. A Marseille l’intégration intercommunale ne diminue pas les impôts municipaux. Le transfert de compétences aurait dû, logiquement, se traduire par une diminution des taxes versées à la commune. Mais l’effet pervers de la multiplication des niveaux de collectivités se vérifie une fois de plus. Entre 2005 et 2010, les taxes foncières ont progressé presque trois fois plus vite que l’inflation. Les cotisations totales de la taxe foncière sur les propriétés bâties ont augmenté en moyenne de 21.94 % alors que l’inflation n’a progressé que de 8.05 %. Marseille , Région et Conseil général trois fois plus que la moyenne nationale. À Marseille, les impôts voient du même oeil les quartiers du Merlan et de Mazargues. Idem pour Belsunce et Castellane, qui sont pourtant aux antipodes. Chose ignorée, la ville est découpée en trois secteurs afin de déterminer pour partie le montant de la taxe foncière que les propriétaires doivent payer ainsi que la taxe d’habitation. La situation à Marseille est tellement critique qu’elle a déjà alerté la Chambre régionale des comptes. Plus d’impôts = moins de pouvoir d’achat. Les prélèvements confiscatoires dont les taux représentent plusieurs fois l’inflation sont inacceptables. Plutôt que ponctionner davantage les habitants, il serait souhaitable que la Ville et les Collectivités repensent leur gestion et redéfinissent leurs priorités. Il faut aussi que Marseille obtienne des compensations des communes environnantes car leurs habitants bénéficient des structures et équipements de la ville qui sont financés par les contribuables marseillais.

    Un constat, la France n’a pas réussi à réduire de façon significative le nombre de ses collectivités territoriales. En effet, les Français financent jusqu’à six niveaux d’administration locale : communes, syndicats de communes, nouvelles intercommunalités, pays, départements, régions. Le cumul, racine du mal. Quant aux dérives de la dépense locale, comme certains d’entre nous continuent de le constater, la tendance reste à la hausse, avec des échecs que tout le monde reconnaît aujourd’hui – notamment celui de l’intercommunalité, qui n’a débouché ni sur la mutualisation des moyens, ni sur des économies d’échelle. Manifestement, il y a là un véritable problème de « millefeuille », autrement dit d’empilement de type administratif, qui favorise à la fois la multiplication des dépenses, concernant notamment les échelons locaux, et l’entrecroisement de compétences. A lui seul notre pays concentre près de 40% de l’ensemble des communes de l’UE à 27 en constante augmentation !

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire