Mobilisation lycéenne : “On veut pas être la génération crash-test”

Reportage
le 4 Déc 2018
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Les lycéens marseillais se sont mobilisés lundi pour organiser les blocages de tout ou partie de douze établissements. Les témoignages recueillis au gré des établissements bloqués donnent à voir de réelles inquiétudes face aux réformes en cours, et une ambivalence des lycéens face au mouvement des gilets jaunes.

Mobilisation lycéenne : “On veut pas être la génération crash-test”
Mobilisation lycéenne : “On veut pas être la génération crash-test”

Mobilisation lycéenne : “On veut pas être la génération crash-test”

En les voyant scander en chœur la Marseillaise ou un air inspiré d’un chant de l’OM, difficile sans les sous-titres de comprendre les revendications portées par les lycéens qui ont mené des actions de blocage dans douze établissements ce lundi à Marseille.

On a peur que l’on décide de notre avenir à notre place” résume pourtant Matéo, en seconde au lycée Montgrand (6e), concerné en début d’après-midi par une intervention musclée des CRS. Au delà des heurts avec les forces de l’ordre qui ont impressionné beaucoup de ces élèves, la liste des revendications qu’ils formulent est longue.

“On veut pas être la génération crash-test”

En premier lieu, la réforme en cours du baccalauréat, qui peine toujours à dévoiler ses contours, est source d’angoisse pour beaucoup. “Les secondes doivent bientôt choisir leurs options, mais nous mêmes on ne sait pas ce qui va être enseigné l’an prochain”, reconnaît un professeur au lycée technologique Marie-Curie, dans le 5e. “On veut pas être la génération crash-test”, s’insurge Mateo, élève en seconde au lycée Montgrand en plein centre-ville dans le 6e

Autre inquiétude : la poursuite des études dans l’enseignement supérieur, avec la plateforme Parcoursup, mais aussi la loi ORE qui a modifié les conditions d’admission à l’université. “Il faut qu’on pense dès maintenant aux études supérieures et au marché du travail”, poursuit MatéoCar derrière leurs revendications se cache une réelle angoisse : celle de ne pas trouver ensuite un emploi qui corresponde à leurs aspirations.

Au lycée Périer (8e), les étudiants pouvaient à nouveau accéder au bâtiment dans l’après-midi. Peu avant, les forces de l’ordre avaient dispersé les lycéens en chargeant, aidés de gaz lacrymogènes. Photo : AS

À Marseille, des revendications à l’ancrage bien local

Au lycée technologique Marie-Curie, alors que les élèves sont assis sur les poubelles bloquant l’entrée, une poignée de professeurs assurent la sécurité routière en gilets jaunes. Agitant les bras pour faire ralentir les voitures à l’approche de l’établissement, où les élèves envahissent une partie de la route, Fred Falzon, professeur d’anglais, soupire : “Ça devrait être à la police de faire ça”.

Le mouvement lycéen se greffe ici à des préoccupations bien particulières. “L’état du lycée c’est une des grandes revendications“, explique l’enseignant. “Y a des cafards, des rats, les plafonds sont inondés d’eau”, souligne Jade, élève de 1ère dans cet établissement qui ne compte aucune filière générale de 1ère et terminale.

Ailleurs, la question de l’habitat indigne revient sempiternellement. Ali, du lycée Montgrand tient à rappeler qu’il est “aussi là pour les immeubles effondrés à Noailles” et “le manque d’équipements en bon état”. Il faisait partie du cortège samedi, et estime qu’il poursuivra “tant que ça ne changera pas”.

“Nous, on préfère le mouvement de la Plaine que les gilets jaunes”

Les avis divergent quant au lien à établir avec le mouvement des Gilets jaunes, au lendemain d’un nouveau week-end de mobilisation. “Mon père a une voiture, alors je soutiens les gilets jaunes”, commente Jade. “On est avec les salariés qui touchent peu et qui ont beaucoup de taxes car on trouve ça injuste”, rajoute Devran, en 1ère au lycée Marie-Curie où beaucoup d’élèves arborent lundi le fameux chasuble fluo. A l’inverse, Mila, en seconde au lycée Montgrand estime que “les gilets jaunes, ils râlent pour le pouvoir d’achat alors qu’on a de la chance, on est un pays riche”. Ici, presque aucun des élèves ne porte le signe de protestation contre la hausse des prix du carburant. “Nous, on préfère le mouvement de la Plaine que les Gilets jaunes”, tranche son ami Maily.

Après un début de journée plutôt calme, des heurts ont éclaté en début d’après-midi devant l’établissement, comme plus tôt au lycée Périer. Plusieurs élèves évoquent des “tirs de flashball” et des “matraquages”, qui n’ont pas été confirmés par la police.

Un mouvement qui semble parti pour durer

“Le mouvement s’est monté sur les réseaux, constate un professeur. On n’était pas du tout au courant que ça allait bloquer ce matin”. À Montgrand, la mobilisation s’est organisée via des “groupes “Insta” [Instagram, Ndlr.], alors qu’à Diderot c’est grâce à “Snapchat” que s’est monté le blocage, expliquent les élèves. Difficile dans ce contexte de prévoir la suite qui sera donnée à ces premières actions, en l’absence de consignes unifiées des différents syndicats lycéens.

Les lycéens rencontrés semblent pourtant déterminés à poursuivre les blocages dans la semaine. À Marie-Curie, les élèves veulent toutefois éviter le mardi “car il y a une journée contre le sida et on veut pas empêcher ça”, explique Jade. À Montgrand, les échauffourées avec les forces de l’ordre ont conforté beaucoup dans leur souhait de poursuivre la contestation : “demain matin, RDV à 5h30 pour tout bloquer”, lance une élève de seconde. On va s’organiser ça sur Insta”. Ce lundi soir, plusieurs appels à bloquer de nouveau les établissements circulaient déjà sur les réseaux sociaux.

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Commentaires

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  1. Éric Schulthess Éric Schulthess

    Petite coquillette dans votre reportage, Adrien : « Les témoignages recueillis au grès… (au gré) 😉

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    • Adrien Simorre Adrien Simorre

      Merci pour votre remarque, et désolé pour cette erreur : c’est corrigé !

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  2. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Il y a deux méthodes pour appliquer une réforme du lycée : la préparer à l’avance, puis l’appliquer progressivement, en commençant par la seconde une fois que tout est prêt (programmes, manuels, profs…) ; ou bien décider qu’elle va s’appliquer dans la précipitation à tout le monde au même moment, y compris aux lycéens aujourd’hui engagés dans les filières telles qu’elles existent, et avant même que les profs sachent “ce qui va être enseigné l’an prochain”…

    Le gouvernement a choisi la seconde méthode, sans doute parce que le passage en force est une forme de pédagogie. Mais que les lycéens qui craignent d’être “la génération crash-test” se rassurent : s’ils rencontrent des difficultés, les CRS et les gendarmes mobiles sauront soigner leur mal-être à la matraque.

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