Pourquoi Philippe Hersant a débarqué Didier Pillet de La Provence
Où est Charlie ? C’est en faisant référence à cette célèbre BD que quelques insolents journalistes de La Provence ont souvent ri aux dépens de leur désormais ex-patron, Didier Pillet.
Ce n’est évidemment pas très charitable, surtout que le pôvre « Charlie » vient tout juste de se faire débarquer de son poste de Président Directeur Général par les porte-flingues de Philippe Hersant, l’énigmatique actionnaire du grand quotidien provençal. C’est vrai que ces derniers temps Pillet avait, semble-t-il, plus souvent posé pour les objectifs de ses propres photographes, qu’il ne s’était penché sur les comptes de son journal.
Pourtant, lors de sa nomination, en janvier 2008, Didier Pillet avait annoncé, déjà bien imprudemment, que, malgré un déclin généralisé de la presse quotidienne régionale, il allait faire beaucoup mieux que ses petits camarades et ridiculiser le chiffre de -1% de baisse de diffusion annuelle de son prédécesseur, Stéphane Duhamel. On allait donc voir ce qu’on allait voir. On a vu. Deux ans plus tard, la diffusion de La Provence affiche une baisse de ses ventes de -2,5%, et il se dit, autour de la machine à café de La Provence, que les chiffres de l’été seraient catastrophiques.
Du côté de la publicité, le bilan Pillet n’est pas folichon non plus. Le principal annonceur des quotidiens régionaux étant aujourd’hui les collectivités locales, une des missions de Charlie Pillet était de brosser nos beaux élus dans le sens du poil, afin de faire rentrer le maximum d’argent du contribuable dans les caisses du journal sous forme de publicité à la gloire de nos élites locales, ou autres annonces légales que personne ne lit jamais. Pas de chance pour Pillet, qui, si il a bien su cirer les Church’s du résident du quai de l’Hotel de Ville, a eu plus de difficultés avec le très ombrageux Jean-Noël Guérini, et le pourtant plus coulant Michel Vauzelle.
Tout le monde se souvient, même si cela a toujours été démenti par les principaux intéressés de la terrible phrase « je vais débarrasser Marseille du petit Corse ». C’est ce qu’aurait soit disant fanfaronné un jour Pillet aux oreilles de Maryse Joissains, la Député Maire d’Aix, qui se serait empressée d’aller le rapporter à son compatriote Jean-Noël. Même si ces propos n’ont jamais été réellement tenus, ils ont été publiés à l’époque dans le Figaro et ont laissé des taches indélébiles sur les beaux canapés en cuir du bureau du Président, au siège du Conseil Général des Bouches-du Rhône. Un bureau, où, le « pinsut » Pillet a, du coup, longtemps été personna non grata.
Et comme pour finir, ses copains de droite ont bêtement perdu la Présidence de MPM, la Communauté Urbaine de Marseille Provence, et les budgets publicitaires qui vont avec, cette malheureuse affaire a sans doute dû coûter très, très cher, au pauvre Philippe Hersant. Un Philippe Hersant qui, depuis le rachat de La Provence et de Nice Matin au groupe Lagardère en fin 2007, n’avait pourtant pas besoin de ça.
Un achat qui s’est fait au prix fort, un peu plus de 150 millions d’euros et dans le plus mauvais timing, quelques semaines avant la crise économique, au moment où la valorisation de ces journaux était au plus haut. Les revenus de la Comareg, une autre filiale de presse gratuite de Philippe Hersant, et jusqu’à présent machine à cash du groupe, ont malheureusement fondu rapidement, comme la neige au printemps dans le beau jardin de sa résidence suisse des bords du lac Léman. C’est donc un Hersant, qui, fort dépourvu et étranglé par ses banquiers, observait avec angoisse les résultats de ses « gagneuses » du sud de la France.
Après de rocambolesques aventures à Nice Matin, dont Marsactu vous a souvent narré les péripéties, tous les espoirs d’Hersant se sont vite rabattus sur le quotidien marseillais. Et au fur et à mesure que ses directeurs financiers lui faisaient parvenir des tableaux de chiffres rouges comme le drapeau suisse, il voyait s’étaler dans les pages de son quotidien son employé Pillet, entouré de people et de starlettes locales. Jusqu’à même un jour poser en une de son propre journal !
N’y tenant plus, Hersant a envoyé une première gentille lettre au PDG marseillais en février dernier, lui ordonnant fissa de redresser les ventes et la pub. Puis silence radio. Pendant que Nice Matin s’enfonçait dans la crise, Pillet s’est cru à l’abri, oublié dans son bureau de l’Avenue Salengro. Il n’a donc pas vu le coup venir et au lieu d’une belle boite de chocolat suisse, Philippe Hersant s’est rappelé à son bon souvenir, à la fin du mois d’août dernier, en lui envoyant une lettre de licenciement qui le congédiait comme une employée de maison valaisanne. Clap de fin pour Pillet.
Notre légendaire magnanimité fera que nous passerons rapidement sur la pitoyable contre-attaque de ce pauvre PDG déchu, qui, n’acceptant pas sa répudiation, est allé faire le tour de ses amis marseillais, là aussi plutôt du côté du quai de l’Hotel de Ville, pour essayer de racheter La Provence, et la sauver des griffes du terrible Hersant. « Sollicité par des marseillais et des provençaux, il envisagerait une offre de reprise » selon la bien charitable Agence France Presse. Et, bien évidemment, pour « rester au service du territoire » toujours selon l’AFP.
Bon, pas de chance pour les marseillais et les provençaux, mais ils s’en remettront sûrement, Hersant n’a aucune intention de vendre La Provence, et sûrement pas à Pillet, qui n’a pas, de toute façon, le début d’un tour de table crédible.
Si Philippe Hersant est un drôle de patron de presse, quasi invisible, qui ne communique jamais, doté d’une extrême timidité, il n’est néanmoins pas dépourvu de bon sens et il ne fera pas deux fois la même erreur, à Nice et à Marseille. Plutôt que de laisser les clefs à un PDG qui s’arroge vite les pleins pouvoirs, comme l’avait fait rapidement Pillet en virant ses adjoints, et qui se croit vite seul maître à bord et propriétaire du titre, Hersant vient de modifier le management de ses journaux. C’est désormais le PDG de Hersant Média, Dominique Bernard, qui vient d’être nommé PDG de la Provence, et c’est Marc Auburtin, un quinqua dynamique et efficace de l’écurie d’Hersant, qui arrive de Guyanne où il vient de redresser la filiale France Antilles, qui sera le patron exécutif du quotidien. Mais il est nommé Directeur Général Délégué, c’est à dire que c’est Dominique Bernard, donc l’actionnaire Philippe Hersant qui conservera les pleins pouvoirs. C’est d’ailleurs également le cas à Nice Matin, où, depuis la démission en juin dernier de l’ancien PDG, c’est aussi Dominique Bernard qui garde les commandes. C’est d’ailleurs la première fois que Nice Matin et La Provence ont un même PDG. Ce qui, évidemment, fait craindre aux syndicats le risque d’une éventuelle fusion.
L’autre erreur que ne commettra plus Hersant, c’est de faire confiance aux politiques locaux. Pourtant pas taxé d’être un dangereux gauchiste, après l’épisode niçois qui a vu Christian Estrosi prendre la défense au printemps des grévistes de Nice Matin contre leur actionnaire, Hersant ne leur fera plus la moindre fleur. C’est donc, comme tout le monde, en lisant Bakchich, que Gaudin a appris la déchéance de son ami Pillet. Un Philippe Hersant qui avait déjà mis dehors il y a quelques semaines Guy Phi
lip, l’ancien Directeur de la Communication de la ville de Marseille, et qui était allé pantoufler quelques années chez Hersant Média, comme directeur des relations institutionnelles, ça ne s’invente pas.
Un autre qui, semble-t-il, a du mal à s’endormir ces derniers jours, c’est le fameux Maurice Di Nocera, adjoint « aux grands événements » de Gaudin, et dirigeant de La Provence. Un mélange des genres qu’Hersant aurait aussi demandé d’arrêter. La fin d’une époque à La Provence ?
Le PDG de La Provence licencié par le Groupe Hersant Média par l’AFP
Commentaires
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super papier, fort bien documenté, me semble-t-il… comme le disait une excellente amie-journaliste-virée de la Provence il y a deux ans (déjà!): “tout ça pour ça…” et zut!
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Bonjour
comment fait-on pour envoyer cet article à un mai?
merci
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Bonjour
comment fait-on pour envoyer cet article à un ami?
merci
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les church’s de Jean Claude ok, mais c’est quoi les grolles de Jean Noël et Michel. On veut pas des rimes mais des infos.
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Très bon papier drôle et instructif. Merci pour ces lignes savoureuses…
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que de bonheur à la lecture de votre article
ayant eu personnellement à faire avec ce “mooossieur”
et ayant pu par la même, faire l’expérience de sa malhonnêteté intellectuelle et de sa suffisance
le fait de virer ce”mooossieur” comme un malpropre et certainement la meilleure décision jamais prise dans l’intérêt de marseille et de l’humanité en général.
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