Des effets bénéfiques de la gratuité dans les transports en commun
Des effets bénéfiques de la gratuité dans les transports en commun
Pendant longtemps, Marseille a été accusée d’être la ville où le titre de transport à l’unité était le plus cher de France. On tournait autour d’1,70 euro le ticket RTM il n’y a encore pas si longtemps ! Pas terrible… Même en inaugurant un bout supplémentaire de tramway d’un côté de la ville et un bout de métro de l’autre, il est toujours difficile de considérer Marseille comme une ville particulièrement incitative en matière de déplacements urbains.
Tout président de la RTM qu’il est, énergique, volontaire et même penchant à gauche, Karim Zéribi l’a encore rappelé début mai à l’occasion de l’inauguration du prolongement du métro de la Timone à La Fourragère: « Il faut continuer. Aujourd’hui on est sur les quartiers Est, demain il faut aller au Nord et au Sud. Il ne faut pas oublier les Marseillais, au regard de l’endroit où ils habitent. Il faut les servir avec un esprit d’équité qui doit être institué partout et pour tous. Je veux qu’il y ai un axe Nord-Sud rapide pour permettre d’offrir des transports en commun de qualité. » Voeux pieux M. le Président ?
En terme d’infrastructures, l’époque n’est pas franchement aux dépenses somptuaires. A Marseille, le milliard engagé pour réintroduire le tramway dans son environnement naturel n’est déjà plus qu’un lointain souvenir (à part si on se place du point de vue de la dette). Donc les quartiers Sud attendront. Et les quartiers Nord aussi, probablement encore plus longtemps d’ailleurs…
Que pourraient donc imaginer les élus marseillais pour relancer la machine et tenir jusqu’aux prochaines municipales ? Mettre en place la gratuité sur tout le réseau de transports marseillais par exemple ? Vieux marronnier régulièrement remis au goût du jour et qui pourtant, à Marseille, n’a jamais totalement trouvé preneur parmi les édiles au pouvoir. Jean-Claude Gaudin s’y est, au fond, toujours opposé et Karim Zéribi, l’an dernier, doutait “de l’efficacité d’une telle mesure” tout en s’interrogeant sur son improbable financement…
Pourtant, le débat est d’actualité. Cette semaine, l’Agglomération du pays d’Aubagne et de l’Étoile fête la 1ere année d’application de la gratuité des bus sur son territoire tandis que le Pays d’Aix proposait, le week-end dernier, la gratuité pour accompagner la mise en place de son nouveau système de billettique. En début d’année, l’idée a été largement débattue à l’occasion des élections régionales et a été défendue notamment par la liste du Front de Gauche…
Jacques Boulesteix, élu marseillais (groupe PS et apparentés) passionné par ces questions, est souvent revenu sur son blog sur cette idée de la gratuité. Selon lui, si elle a effectivement un coût bien réel pour la collectivité, il s’agit surtout d’appréhender la situation plus « globalement »: « On peut chiffrer à Marseille à 500 M€/an le coût des nuisances dues à la carence en matière de déplacements. C’est d’une vision économique et sociale globale des problèmes et des coûts dont nous avons besoin. Augmenter la fréquentation des transports en commun, investir dans les déplacements, c’est faire des économies. Ces millions d’heures perdues dans les embouteillages, cette pollution permanente, les freins au développement économique, les accidents et les problèmes de santé publique, ont un coût bien supérieur à celui des infrastructures manquantes ».
Et selon lui, il n’y a pas photo: « Le coût de la gratuité est marginal par rapport à ces nuisances. » Pas sûr cependant que le président de la RTM partage son point de vue…
Aubagne en pointe
L’expérience aubagnaise mérite toutefois que les élus marseillais se penchent sur le sujet plus sérieusement. Après une année de mise en place de la gratuité, le bilan est présenté comme une réussite par l’intercommunalité. « Au-delà de l’effet d’aubaine pour les utilisateurs, la dimension collective ou sociale de la gratuité est très forte et les effets se font sentir sur toute l’Agglomération. » Désenclavement des villages, facilitation des déplacements pour les jeunes d’un village à l’autre ou vers Aubagne, présence de piétions accrue dans le centre-ville, en provenance de Marseille ou d’autres communes hors agglo. Selon des études réalisées par les Instituts Carniel (étude quantitative) et Wei (étude sociologique), « pour 74% des habitants de l’agglomération, la gratuité des bus dynamise la vie économique, sociale et culturelle ».
Autre conséquence importante: l’augmentation de la fréquentation constatée depuis un an, dont 20% de nouveaux usagers. Des utilisateurs qui, selon l’un des sociologues de l’Institut Wei, « voient dans cette gratuité une reconnaissance de leurs besoins et contraintes »: gain de temps, d’argent donc, autonomie renforcée notamment chez les jeunes, ou encore enrichissement de la vie sociale avec la possibilité de sortir plus facilement… autant d’éléments d’appréciation qualitatifs, ou même parfaitement subjectifs mais qui pourraient intégrer sans hésitation l’indice du Bonheur intérieur brut (BIB) cher au roi du Bhoutan.
Pour partager avec ses administrés ce petit bout de bonheur supplémentaire, l’agglomération du Pays d’Aubagne a imaginé un financement axé principalement sur une augmentation conséquente de l’assiette de sa taxe transport, doublant presque ses recettes (4,5 millions d’euros aujourd’hui contre 2,5 millions hier). Pour un investissement public de 1,1 million d’euros et plus de 3 millions de voyageurs cette année, contre un peu plus de 2 millions auparavant… en ces temps reculés où les Aubagnais et leurs voisins payaient leurs déplacements.
Appliquée à Marseille, que couterait la mise en place de la gratuité des transports en commun ? Selon le quotidien La Provence, pas moins de 130 millions d’euros chaque année. Mais pour quel indice supplémentaire de Bonheur intérieur brut ?
Le précieux blog de Jacques Boulesteix, c’est par ici
Le site de la Ville d’Aubagne et la page consacrée aux transports
L’article de La Provence consacré au sujet
Un autre article de La Provence sur la gratuité dans le pays d’Aubagne
Le Bonheur Intérieur Brut (BIB) selon Wikipédia
Commentaires
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Quelques remarques:
– Aubagne est la ville de la région ou les impôts locaux sont les plus forts (enquête visible sur le site de Capital). C’est logique, on a rien sans rien; mais il faut le savoir.
– On parle de la gratuité de 11 lignes de bus, rien à voir avec le réseau de la RTM. Les moyens à engager sont largement supérieurs pour un réseau multi-plateformes (bus-tram-metro).
Je suis assez d’accord avec Karim Zeribi, le principal frein à l’expansion des transports en commun à Marseille est moins le cout pour l’usager que la zone de couverture des moyens rapides, non tributaires du trafic: le tram et le métro.
Et sur ce sujet, il faut le soutenir dans sa révolte contre le pactole alloué par l’état au grand Paris. La province ne peut se contenter de miettes.
N’oublions pas que l’état contribue largement au budget de la RATP. C’est a dire que les impots des marseillais (et des autres) paient déjà les transports parisiens. Un comble!
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