RETROUVER L’ESPACE PUBLIC

Qu’est-ce que retrouver l’espace public ?

Nous avons tenté d’engager un débat, la semaine dernière, sur la perte de l’espace public, en essayant de montrer quels sont les points qui constituent des sortes de symptômes de cette perte de l’espace public qui finit par faire perdre à ses habitants l’identité de la ville de Marseille. Car c’est sans doute, d’abord, en ceci que consiste le retour de l’espace public dans la ville : dans le retour dans l’espace des formes, des figures, des manifestations, de l’identité urbaine. À la fois parce que ses quartiers finissent par être éloignés et séparés les uns des autres et parce que ceux qui y vivent ne se reconnaissent plus chez eux, notamment quand ils s’y déplacent et qu’ils finissent par s’y perdre, Marseille commence à cesser d’être, pour ceux qui y vivent, la ville dans laquelle ils peuvent se reconnaître. Retrouver l’espace public, c’est ainsi, engager une politique urbaine caractérisée par quatre aspects majeurs. Le premier, nous l’avons dit et redit après nombre de discours qui se sont tenus sur ce point, c’est le retour d’une politique de transports en commun qui permettent de retrouver toute la ville en pouvant la parcourir – y compris tard le soir. Le second aspect d’une politique de l’espace urbain, lié au premier, c’est la régulation de la circulation automobile et du stationnement. Pour que l’espace public le soit pleinement, il ne faut plus qu’il soit, en quelque sorte, confisqué par des stationnements et des circulations sans normes et sans lois. Un troisième aspect d’une politique de l’espace public est le retour d’une politique de l’entretien  et, pour parler de choses simples, de la propreté de l’espace de la ville. Comment se reconnaître chez soi dans un espace urbain sale, dans lequel les déchets ne sont pas débarrassés convenablement, où les façades des immeubles sont sales et où les trottoirs le sont autant ? Enfin, retrouver l’espace public, c’est pouvoir de nouveau s’y déplacer et s’y promener sereinement et prendre plaisir à voir, ainsi, un paysage de la ville qui s’offre à nos regards sans que nous en soyons rebutés par lui et, au contraire, en nous permettant de l’apprécier pleinement.

Comment retrouver l’espace public ?

Une réelle politique de l’espace public fonde le projet politique d’une municipalité. C’est le rôle des acteurs porteurs des pouvoirs urbains d’aménager un espace public que les habitants de la ville arrivent à reconnaître comme leur espace, comme l’espace qui exprime leur identité et leur citoyenneté. Retrouver l’espace public, c’est, ainsi, aménager des lieux dans lesquels les habitants puissent se retrouver, échanger, parler, nouer et entretenir des relations sociales. Il n’y a plus de bancs publics à Marseille où les lieux publics ont été privatisés, ont fini par faire l’objet d’une appropriation par les commerces. Retrouver l’espace public, c’est aussi faire en sorte que les lieux et les constructions du patrimoine urbain puissent de nouveau être appréciés par ceux qui vivent dans la ville et faire en sorte que ceux-ci les respectent. Enfin, pour retrouver l’espace public, il importe de faire en sorte qu’il n’y ait pas de ghettos dans la ville, que les quartiers ne soient pas isolés, séparés les uns des autres, que de réelles relations et de réelles circulations puissent être engagées entre les quartiers de la ville. Ce sont les ghettos qui ont toujours détruit les identités urbaines ne les morcelant et en les fragmentant ; c’est la raison pour laquelle une politique de la culture et de l’identité de la ville commence par briser les frontières, les murs, les séparations, entre les habitants qui peuvent, ainsi, se reconnaître comme les habitants d’une même ville.

Repenser les usages de l’espace public

Cela passe par de nouveaux usages de l’espace public, par de nouvelles pratiques de la ville. Repenser les usages de l’espace public, c’est retrouver une nouvelle solidarité urbaine, c’est faire en sorte que les habitants de la ville puissent circuler dans les espaces publics sans s’y sentir piégés, enfermés, isolés les uns des autres. Sans doute, à cet égard, le développement devenu insensé des usages du téléphone portable dans la ville a-t-il contribué à tuer l’espace public en organisant un aspect devenu graves de sa privatisation en livrant l’espace public aux conversations privées au lieu de le destiner aux échanges et aux débats publics. Enfin, retrouver les usages de l’espace public, c’est, dans une ville comme Marseille, pouvoir se rappeler qu’un des lieux majeurs de l’espace public est la mer. En faisant revenir la mer dans l’espace de la ville, à la fois par ses accès, par ses représentations, par le retour de la culture de la mer, tant sur le plan économique que sur le plan esthétique et sur le plan culturel, une politique de la ville pourra y reconstruire l’espace public et le faire retrouver par ceux qui y vivent.