«Enquête sur le racisme dans le football» de Nicolas VILAS (Marabout, 2018).
Racisme et football
On avait laissé Nicolas Vilas et sa jolie barbe se friter avec celle de Dieu dans un (sacré) livre sur la place de la religion dans le football. Le journaliste de RMC Sport revient avec une enquête dans les tréfonds moites des vestiaires et de l'âme humaine. Entre jets de bananes et quiproquos à gogo, où va le football ?
Racisme et football
« Il n’y a pas de racisme, mais peut-être un mot ou un geste envers l’autre. Celui qui en est la cible devrait se dire que ça n’est qu’un jeu. À la fin, on se serre la main, ça peut arriver… » – Sepp « blanc comme neige » Blatter (2001).
Ben tiens. En ce qui concerne le sujet du « Racisme » dans le « Football », ce sport d’hydrocéphales milliardaires et pourtant siii mal habillés, on peut dire sans avoir peur de perdre un oeil que Sepp Blatter est un homme qui sait où poser son flegme à défaut de ses couil—- d’autre chose. Pourtant, peux-t-on seulement imaginer quelles furent les humiliations qu’a dû endurer ce suisse alémanique qui parle le français avec un léger accent rigide ? Comme dirait mon ami Jacques qui tient un magasin de trottinettes électriques sur le boulevard National depuis que les vapoteuses c’est fini : « C’est beyond le compréhensible. » Pas faux, mais plus sérieusement, cette bouillasse sécrétée par un homme aussi corrompu qu’une assemblée de conseillers départementaux et balancée dès les premières pages du livre qui nous intéresse aujourd’hui, cette petite phrase toute en retenue met à jour une tradition que l’on continue de perpétrer au sein des instances du football mondial : la banalisation des faits, des discours qui les enrobent et tout le merdier qui en découle. Nous parlons toujours de racisme, oui, et plus précisément de cette Enquête sur le racisme dans le football, ce livre pim pam poum écrit par Nicolas Vilas, journaliste sportif pour certains, barbu, binational et au nom suspect pour d’autres. Délire.
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Je me suis longtemps demandé à quoi il fallait s’attendre avec ce genre de bouquin. Je veux dire, mon mantra n’est-il pas déjà assez foireux pour que je m’inflige ce couscous de témoignages aussi affligeants les uns que les autres et en même temps (et c’est terrible) si communs ? Tout le monde commence à connaître le refrain : le foot étant le sport le plus populaire au monde, il y a de fortes chances que l’on y retrouve les mêmes déviances que blah blah blah… Chaque théorème social rebondi différemment sur son « application concrète » et le foot est ce miroir déformant que certains éléments de la société s’amusent parfois à sur-interpréter. Un reflet extravagant et ultra sponsorisé avec ses excès, ses non-dits et ses histoires que personne ne veut écouter. Car tous les remous ne se répartissent jamais de façon équitable sur l’échelle de l’effroi.
Quand Évra se fait insulter par Suarez, quand Di Canio ressent des raideurs dans le bras, quand Balotelli pleure sur le banc du Milan, le retentissement est immédiat, global et choquant. Lorsque la même chose se passe en National, seuls les types de la buvette en parlent. Néanmoins, ce que l’on remarque dans les deux cas c’est une espèce de mécanique institutionnelle dont le principal objectif est de nous chanter la berceuse. Rapport aux affaires et au « vivre ensemble » j’imagine. Du coup, le racisme dans le foot c’est un peu comme ces types qui font deux mètres de haut et qui se foutent devant vous pendant un concert : ça fait chier tout le monde, mais c’est la vie.
« Ajaccio avait Marius Trésor qui y était adulé. En revanche, quand il venait à Fuirai, il entendait des « Banania », mais c’était pas méchant. À Furiani c’est un jeu. » – Michel Padovani
Ça fond sous la langue, hein. Et les pages de ce livre sont pleines de cette apathie bonhomme et totalement flippante, émaillées à intervalles réguliers de « Je suis sûr que Machin n’est pas raciste, c’était pas dit méchamment », de « Mais je ne suis pas raciste, j’ai plein d’amis noirs » ou de « C’était maladroit, Bidule n’aurait pas dû le dire comme ça, mais il n’est pas raciste, j’en suis sûr ». Visiblement, dans les instances du foot, on utilise un peu les mêmes techniques d’épuisement cordial que le service livraison d’Ikea. Les témoignages défilent les uns après les autres sans que vraiment quelque chose d’autre que l’imbécilité crasse de certains et l’hypocrisie molasse des autres ne nous saute au visage. Personne ne pourra dire qu’il est surpris des histoires qui y sont racontées. Certaines sont d’ailleurs très connues : Laurent Blanc et la « polémique » des quotas, le « cas » Willy Sagnol ou l’ « affaire » Deschamps/Benzema.
Bref, le football est plein de gens qui ne sont pas racistes, mais qui se retrouvent dans des polémiques qui puent sévère (« je suis sincèrement désolé si mes propos ont pu blesser… »), plein de racistes, mais qui sont des racistes polis ou, pire, des racistes timides qui n’ose pas partager leur passion directement avec les autres.
Arrivé là, on se demande quel est le but de ce livre ? Enquête sur le racisme dans le football n’est pas un essai, un ouvrage d’opinion, il n’offre aucune solution, ça n’est pas son propos et c’est très bien. C’est essentiellement un livre qui « organise » la parole à travers plus de 80 témoignages. Des heures et des heures d’entretiens qui se dispersent selon les chapitres et les indignations. Mais alors, que nous dit vraiment Nicolas Vilas ? Avec du recul, je me dis que son ambition n’est pas de nous montrer ce que c’est que le racisme dans le football, mais plutôt tous ces rendez-vous que notre société a raté pour remédier à se manque criant d’éducation. Le premier et le plus grand d’entre eux est sans nul doute l’après 98, cet Âge d’Or définitif que devait incarner la nation « Black, Blanc, Beurre ». Puis il y a tout le reste : France-Algérie, Knysna, les quotas… Ce basculement correspond exactement au moment où le propos du livre s’ouvre sur quelque chose de plus grand que lui, plus grand que que le simple cas particulier du foot. Et on se retrouve ballotté entre intérêt et frustration. Intérêt, parce qu’on voit bien qu’il nous ait donné une chance régulièrement de s’attaquer à ce merdier infâme par le prisme d’un allant commun sans précédent. Frustration, parce qu’au final nous ne sommes rien qu’un bande de bananes incapables de voir une opportunité historique quand elle se présente.
On sort donc de là un peu exsangue en se disant que rien ne changera jamais. Lorsqu’on voit qu’après la victoire des Bleus à Moscou la polémique concernant l’origine des footballeurs de l’équipe de France n’a pas mis trois heures à sortir, on se dit que se dit que la race humaine est vraiment la première des saloperies après les nazis et les touristes. Je ne suis pas certain que les impulsions mercantiles et hystériques qui envahissent le corps du football nous donnent des raisons d’espérer. Quoique. Le corps du joueur, lui, n’étant in fine qu’une simple marchandise, qu’une simple ligne dans un rapport comptable, on peut imaginer que l’efficacité du produit deviendra en définitive le seul critère valable. On parle déjà de TPO déguisée, contournée, de triangulation, d’investissements de fonds vautours. Peut-être l’angle de réflexion qui manquerait au livre pour ouvrir la porte bien grand. Car la déshumanisation, au profit d’une idéologie politique ou économique, nous a appris jusqu’où l’absurde connerie de l’homme pouvait aller, et au final, bouffis de cynisme, on se dit qu’à la toute fin, la fin du racisme dans le football passera… pourrait passer par sa marchandisation à outrance… Putain de livre déprimant. J’ai tendance malgré tout à me dire que c’est pour la bonne cause. Je vais en lire des passages à mon fils dès ce soir, il a quatre, mais j’en ai marre des Trois Brigands.
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Enquête sur le racisme dans le football de Nicolas VILAS (Marabout, 2018).
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