Après une crise interne, les Restos du cœur perdent leurs maraudeurs
Les Restos du cœur des Bouches-du-Rhône ont connu une crise interne silencieuse mais pas sans conséquences, avec la fermeture de l'accueil de jour de la Belle de mai. L'ancien président a quitté l'association pour en monter une nouvelle, avec, revendique-t-il une centaine d'ex bénévoles. Créée en juin, l'association Vendredi 13 est déjà active et dispose du soutien des collectivités.
Après une crise interne, les Restos du cœur perdent leurs maraudeurs
Place de la Joliette, jeudi soir, un point de distribution alimentaire attire du monde. En quelques minutes, des individus, hommes, femmes, défilent pour récupérer leurs paniers auprès d’une bonne vingtaine de bénévoles enthousiastes. La distribution est organisée de façon précise, avec trois camions et des cordelettes pour diriger le flux de personnes. S’agirait-il des Restos du cœur ? Pas vraiment. Ou plutôt, plus vraiment.
Les bénévoles présents ce soir là portent sur leurs gilets jaunes un badge où il est écrit à la main “V13” pour “Vendredi 13”, le nom d’une association fondée en juin dernier. Auparavant, affirme son président Bernard Nos, tous appartenaient aux Restos du cœur des Bouches-du-Rhône, association qu’ils ont quitté au terme d’une crise interne mouvementée, dont l’écho était jusqu’ici resté confidentiel.
Tout semble s’être joué au printemps dernier. Bernard Nos était président et administrateur de l’association départementale des Restos du cœur jusqu’en septembre 2017. Après 4 ans de mandat, il n’a pas reçu l’agrément des instances nationales pour se représenter comme c’est l’usage. L’association n’a pas donné suite à nos demandes pour comprendre les raisons de ce choix.
Il est donc resté avec Monique Blanc, sa binôme sur le terrain, en tant que simple bénévole responsable des activités de maraude auprès des sans-abri quelques mois. Avant que les tensions avec la nouvelle direction ne deviennent trop fortes.
Entre mai et juin 2018, la crise éclate, Bernard Nos quitte le navire avec à ses côtés une centaine de bénévoles, assure-t-il. “Depuis le 1er juin, j’ai quitté les Restos avec la quasi totalité des bénévoles qui étaient avec moi sur les maraudes auprès des gens de la rue et sur l’accueil de jour”, explique-t-il. Les maraudes, réalisées plusieurs fois par semaine dans Marseille, constituent une des activités majeures des Restos du cœur, qui compte près de 1600 bénévoles dans le département. Sans s’étendre sur la nature des différends, Bernard Nos évoque “des problèmes relationnels avec la nouvelle gouvernance. On est partis contraints et forcés le 1er juin”. “Il y a eu des choses en interne que nous n’avons pas comprises, et que nous ne comprenons pas”, ajoute Monique Blanc.
“On a démissionné à 100, c’est bien qu’il y a un problème !”
Alors que la distribution de Vendredi 13 touche à sa fin et que quelques sans-abri restent sur place pour un café, les bénévoles sont un peu plus bavards. “Ils ont voulu évincer Bernard et Monique, et comme pour nous, tout a commencé avec eux, on ne se voyait pas continuer sans eux”, confie Gaëlle, qui était bénévole aux Restos depuis deux ans. Elle poursuit : “Quand la nouvelle administratrice est arrivée il y a eu de nouvelles directives, un changement de fonctionnement pour quelque chose qui fonctionnait très bien. C’était des petits désaccords, rien de grave, on aurait pu les résoudre de façon pacifique mais ça ne s’est pas passé comme ça”. “On a démissionné à 100, c’est bien qu’il y a un problème !”, appuie Samia, une des co-fondatrices de Vendredi 13.
Des propos qui font évidemment bondir du côté des Aygalades (15e), où se trouvent les entrepôts des Restos. Laurence Botton, la nouvelle administratrice en place depuis six mois, assure tomber des nues devant les accusations portées à l’encontre de sa gestion. “Comme dans chaque association, quand un président part, il part souvent avec ses équipes”, pose-t-elle avant d’évoquer les départs de bénévoles : “Ça n’a pas non plus été un raz-de-marée”. Elle sort d’un classeur une quinzaine de lettres de démission qui sont pour elle la seule preuve tangible de la sécession annoncée. “Il y a peut-être des gens qui sont partis sans donner leur démission, c’est possible…”, convient-elle. Quoiqu’il en soit, elle assure avoir aujourd’hui quasiment reconstitué les effectifs de maraude.
“Il y a de la place pour deux associations.”
Laurence Botton tient à prendre ses distances avec les tensions internes passées. À sa prise de fonctions en janvier, Bernard Nos n’était déjà plus administrateur depuis plusieurs mois. “Quand je suis arrivée, j’ai dit que je ne voulais pas savoir ce qui s’était passé”, assure-t-elle. Elle affirme néanmoins comprendre que “quand on a été président, c’est compliqué de rester dans la structure avec une autre position (…) Ça ne fonctionnait plus, il a monté son association et tant mieux. Il y a de la place pour deux associations”.
L’administratrice explique par ailleurs n’avoir rien de particulier à reprocher à la gestion de l’ancienne gouvernance. Elle explique avoir imposé de nouvelles règles de fonctionnement, notamment concernant l’accès des bénévoles aux entrepôt pour des questions de sécurité. “Une nouvelle responsable arrive et elle fait les choses à sa façon, c’est normal que ça ne plaise pas à tout le monde. J’ai mis de nouvelles règles au niveau des horaires, j’ai changé la façon de faire et ça n’a pas plu à tout le monde, ce sont des bénévoles, ils ont le droit de partir s’ils le veulent”, balaye-t-elle en expliquant avoir le soutien de l’association nationale sur ces questions.
L’accueil de jour fermé depuis juin
Au cœur de la crise, se trouve cependant un équipement public important, l’accueil de jour situé dans le 3e arrondissement et confié par le conseil départemental aux Restos. L’équipe de Bernard Nos avait la responsabilité. Le lieu, nommé Vendredi 13 – dont la nouvelle association a ensuite tiré son nom – avait été inauguré par Martine Vassal à l’automne 2017.
Une entorse aux règles pourrait avoir précipité le dénouement de tensions vieilles de quelques mois. “Cet hiver, quand il faisait très froid, comme il y a des compagnons bénévoles avec nous qui sont des sans-abris, on n’a pas eu le cœur de les remettre à la rue à la fin de la maraude et on a ouvert l’accueil de jour pour la nuit, reconnaît Samia. On ne regrette rien. Ils sont toujours là avec nous aujourd’hui.” Depuis le départ de Bernard Nos et ses troupes mi-juin, les portes du bâtiment sont fermées, dans un secteur où les besoins sont particulièrement importants. L’ancien responsable parle d’un “gâchis pour les personnes accueillies”.
L’administratrice départementale des Restos reconnaît que cette affaire a un lien avec le départ de Bernard Nos mais pointe la mauvaise foi des dissidents. “Quand ils ont décidé de fermer, on a voulu récupérer les clés, car la convention d’occupation était entre le département et les Restos, mais devant leur refus à nous remettre les clés, ça s’est fait de façon procédurière, avec notamment la présence d’huissiers, admet Laurence Botton. Le conseil départemental a mis un certain temps à nous rendre les clés, le temps de changer les serrures et de faire un état des lieux et du matériel”. L’accueil de jour rouvrira ses portes en septembre, en gardant les mêmes activités, promet l’administratrice. De son côté, le département ne souhaite pas commenter le différend mais affirme suivre la situation de l’accueil de jour de près.
Une association opérationnelle en un mois
Bernard Nos veut mettre en avant la réussite de sa nouvelle association. “On nous a demandé de partir, on n’a pas fait de vagues, mais on a rebondi. On est partis le 1er juin, mais le 3 juillet, on était de retour sur le terrain. Avec l’aide du département et de l’État nous avons rebondi”. De fait, en moins d’un mois, la nouvelle association était en mesure d’effectuer des maraudes et des distributions alimentaires dans Marseille, avec l’aval de la préfecture et du département. Bernard Nos a avancé sur ses fonds personnels l’achat de trois véhicules et la Banque alimentaire fournit les denrées. S’ajoutent des dons venus notamment de boulangeries qui fournissaient déjà l’équipe quand elle était encore sous la bannière Restos du cœur.
Pour réussir, Vendredi 13 s’est rattaché au groupe Sara-Logisol, très implanté dans le département, notamment via la gestion du service du 115. “Nous connaissions déjà leur travail, c’est une équipe de bénévoles remarquables, commente Sylvain Rastoin, directeur du groupe. Ce sont les services de l’État qui nous ont demandé de les soutenir pour permettre le maintien des activités. Nous leur avons amené une sécurité financière, mais ils gardent leur autonomie de fonctionnement.” En tant que gestionnaire du 115, le groupe s’est par ailleurs assuré que la nouvelle association réalise des maraudes sur des circuits différents de ceux des Restos du cœur. “On ne veut pas de mise en concurrence, ce serait ridicule”, ajoute Sylvain Rastoin.
Du côté des collectivités, on explique soutenir l’une et l’autre des associations. La préfecture confirme travailler d’ores et déjà avec les deux structures, “qui sont financées pour des activités de maraude et sont membres du réseaux des acteurs de la veille sociale”. “Il y a de la place pour deux associations”, ajoute même l’État. Ce dernier, en soutenant rapidement Vendredi 13 semble avoir pris la mesure de la situation sociale qui aurait pu résulter de l’absence, même temporaire de ces maraudes.
Et au département, la ligne est similaire. “Nous continuerons à soutenir les actions à venir des Restos du cœur, de même que ce qui pourra venir de Bernard Nos, que nous connaissons pour son travail”, commente-t-on depuis le bateau bleu. “Les collectivités nous font tout à fait confiance, sans ça on ne pourrait pas fonctionner”, se félicite le nouveau président de Vendredi 13.
Les amis de Martine Vassal
Sur la page Facebook de l’association, on notera au passage un appel à participer au rassemblement des amis de Martine Vassal. Les amitiés politiques sont aux yeux de Bernard Nos, le résultat de ses états de services satisfaisants. “Un élu fonctionne à la confiance, j’ai été président pendant 4 ans, avec pratiquement zéro déficit”, met-il en avant.
Reste que sur la place de la Joliette, le rendez-vous avec Vendredi 13 deux fois par semaine a été intégré par beaucoup. “Il n’y a que la couleur des gilets qui a changé”, sourit une énergique bénévole. “Les gens sur place connaissent les personnes, ils connaissent Monique et Bernard, ils voient le nouveau logo et c’est tout, ils attendent juste qu’on soit là”, résume le président. Si les stocks de nourriture sont d’une ampleur bien moindre de ceux des Restos, ils suffisent à effectuer deux distributions et quatre maraudes chaque semaine. D’ici la fin de l’année, Vendredi 13 espère ouvrir son propre accueil de jour dans les quartiers Nord, et tracer sa route en indépendant.
Mise à jour le 20/08/18 à 10h : modification de la citation de Laurence Botton concernant l’accueil de jour.
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
juste 3 petites précisions :
– Monique BLANC et moi même avons été administrateurs jusqu’à la date de notre démission “forcée” au 1/06/18 et moi même membre du bureau
– les clés de l’ADJ de Boues ont été remises au département à la demande expresse de ses propres services, la convention d’occupation étant signée par moi et non transmissible à un tiers (article du code civil)
– concernant les 2 actions procédurières : huissiers, serruriers, service de gardiennage, elles étaient illégales (pas d’ordonnance du TGI) et convention d’occupation à mon nom, donc refusées par les bénévoles qui étaient encore Restos
Se connecter pour écrire un commentaire.
Quel beau mélange des genres : une association à but humanitaire qui relaie un “appel à participer au rassemblement des amis de Martine Vassal”… Extrêmement douteux. Mais la proximité des élections municipales doit lever certaines inhibitions…
Se connecter pour écrire un commentaire.
quand on est en association on reçoit des subventions. .il est normal de renvoyer l’ascenseur sans avoir besoin d’être encarté politique. et on est reconnu pour les résultats de nos actions justement humanitaires et inconditionnelles.CQFD
Se connecter pour écrire un commentaire.
Et voilà comment un dysfonctionnement total (local mais pas que !) et un mélange des genres devient une mise aux normes d’ascenseur véreux
Se connecter pour écrire un commentaire.
Merci Angie13, l’article était un peu ambigu mais à la lecture de vos commentaires, on comprend mieux pourquoi les restos ont jugé bon de vous dégager…
Et au fait, ce sont les collectivités territoriales qui vous versent les subventions, pas vos amis politiques.
Se connecter pour écrire un commentaire.
C’est intéressant d’assumer et justifier ouvertement ce qui n’est autre que du clientélisme.
@Assedix met à juste titre les points sur les “i” dans un autre commentaire. L’argent distribué par le Conseil Départemental ne vient pas de la fortune de sa présidente, contrairement à ce qu’elle (et avant elle le célèbre Jean-Nono) voudrait faire croire aux gogos. C’est de l’argent public prélevé chez le contribuable : c’est celui-ci qu’il faut remercier.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Gratinés les commentaires. Puis tu vois le truc, aucune honte, rien. (CQFD).
Se connecter pour écrire un commentaire.
Et pendant ce temps là, l’ADJ Marceau est toujours menacé de fermeture… Il faut dire qu’un accueil de jour en centre ville, ça fait tâche. Alors que dans les quartiers Nord, c’est plus logique, n’est ce pas, les pauvres avec les pauvres ? Le vieux Dingo appréciera…
Merci Bernard ! (et Monique, ben sur ^^)
Se connecter pour écrire un commentaire.
Et pendant ce temps là les ADJ Marceau et Consolat, structures méritantes s’il en est vont être relocalisées dans le 3ème à Boues dans 1500m2 de locaux qui n’étaient plus ou mal utilisés par les nouveaux repreneurs, et c’est une belle nouvelle..il y a aussi de la place dans le 15ème, car les plus démunis ne sont pas concentrés dans le centre ville et les quartiers sud, les maraudes en rencontrent aussi dans les quartiers nord..il suffit d’y aller pour s’en rendre compte.
Se connecter pour écrire un commentaire.