Noailles entame une mue
Tous les mois, la journaliste culinaire, créatrice du blog So food So good, Cécile Cau passe en revue les tendances de la table et de tout ce qui se passe autour. Pour cette première chronique, elle regarde comment bouge le ventre de Marseille, Noailles.
Noailles entame une mue
Beaucoup à Marseille avaient oublié que cette ville avait un ventre. En plein centre-ville, quelques rues multi-ethniques où cohabitent naturellement nems et fricassées, jambon et merguez, casseroles de Villedieu-les-Poêles et canouns, architecture bourgeoise et rats des villes, petits trafics et armureries. Or d’un coup d’un seul, ce cœur métis semble focaliser tous les intérêts. L’appréhension diminue, on revient à Noailles ! “Ce quartier où toutes les strates d’immigration se sont posées, véritable photographie de la Méditerranée, mêlant authenticité et hospitalité, est devenu un pôle hyper attractif”, se réjouit Marianne Tiberghien, active chargée de mission à la Fédération Marseille Centre qui reçoit tous les jours de nouvelles propositions de porteurs de projets en tout genre.
“Il y a cette fenêtre en ce moment qui rencontre l’envie de toute une génération de gens qui changent de métier de venir à Marseille”, reprend-elle. Phénomène récent, “aujourd’hui, les gens de Paris appellent pour acheter à Noailles, avant, c’était dans le 1er arrondissement“, corrobore Hervé Pellicer, directeur de l’agence immobilière Ma terrasse à Marseille, “c’est un quartier avec de nouvelles offres et un éventail très large, super bien placé, super central”. Le “Point 0” de la deuxième ville de France se confronte du coup à une soudaine mutation.
Redécouvrir Noailles
A quelques mètres des historiques de l’étape, Toinou et maison Empereur, la Mercerie vient soudainement de changer les codes locaux. L’installation de ce restaurant, en lieu et place d’un magasin de boutons, porté par une jeune équipe anglo-saxonne, témoigne d’un changement radical. Suivie depuis plusieurs années par un jeune réseau international, cet établissement très nouvelle génération, est le signe d’un intérêt grandissant pour cet endroit au “feeling grunge, hyper central, lumineux et pas guindé du tout”, résume avec entrain Laura Vidal, une des trois associées. “Il y avait déjà une masse critique et nous qui avons beaucoup voyagé, on s’est tout de suite sentis à l’aise”.
Depuis l’ouverture de la Mercerie début mars, on croise à la station du tram qui mène aux Caillols, hipsters américains et résidents marseillais qui semblent parfois en exploration citadine. La terrasse qui ouvrira dans quelques jours, permettra d’assainir le Cours Saint-Louis devenu parking de livraison pirate. D’ailleurs, la mairie n’a pas traîné pour délivrer les autorisations. “On attire une autre clientèle qui ne venait plus”, reconnaît Julia Sammut dont l’Epicerie Idéal capte depuis deux ans des inhabitués de la rue d’Aubagne. Juste en face, le restaurant tunisien chez Yassine a récemment doublé sa capacité avec un nouvel étage.
“On avait besoin d’évoluer”, observe placide, Ishak, un des trois frères de l’affaire qui sert désormais aussi à moult touristes d’opulentes oija à 7€. Dans quelques semaines, Isabelle Vernhes, réseau parisien d’une Intuitive décoration, ouvrira à la place de la petite presse, un concept store d’un nouveau genre. Après l’importante rénovation de l’hôtel Saint-Louis, La maison Empereur a cet hiver continué à agrandir ses espaces. Beaucoup de commerçants du quartier ont pris le chemin tracé par ces néo investisseurs. Le bazar de la Palme d’or se décline désormais juste en face en une troisième micro boutique lifestyle made in Maroc. Sur son nouvel Instagram, jiji_la_palme_dor balance du tapis berbère comme d’autres du napperon de créateur. Rue Longue des Capucins, à quelques mètres du flambant Halal Market, la pizza Charly, pilier du quartier depuis les années 60, s’est elle aussi offerte un nouvel espace, assis, en style indus’. “J’espère donner aux voisins envie d’avancer, redonner un peu de courage pour qu’ils réinvestissent”, se motive le jeune Charly Rodossio revenu aux affaires en 2012.
Vivre dans un contexte
Car si l’on “entend bien la mouvance s’opérant du coté de la rue d’Aubagne, ça n’est pas tout à fait identique à quelques mètres de là”, déplore Charly. A l’angle rue des Feuillants-rue Longue des Capucins, derrière les poubelles, des jeunes planquent leurs petits trafics sous les palissades de l’improbable hôtel Mercure, promis pour 2019. Sur la place, vidant les terrasses, les marteaux-piqueurs y vont bon train pour terminer la rénovation du marché avant fin juin. Les 17 vendeurs quotidiens de fruits et légumes, parmi les moins chers de la ville, récupèreront un espace flambant neuf. Mais sous les pavés, point de poubelle. A quelques mètres de la ruelle qui semble concentrer tout le renouveau, d’aucuns comme Yves Baussens, le charcutier du Grand Saint-Antoine qui fabrique depuis des années jambon et saucisson en plein pays hallal, souhaiteraient aussi voir se développer de la nouveauté. La précarité du quartier n’échappe à personne.
Si l’on fantasme à l’idée de voir revenir à Noailles, comme hier, la meilleure chantilly et les beureks arméniens d’anthologie, chacun garde en tête les contrastes locaux. Cette réalité en demi teinte n’a échappé ni aux néo arrivants – “les gens savent que c’est un quartier avec de nouvelles offres mais très nuancées”, rappelle Hervé Pellicer – ni aux propriétaires du quartier. Le Grand bar du Vacon, “patrimoine magnifique” comme le décrit Marianne Tiberghien, fait beaucoup d’envieux. Mais le troquet serait intouchable à moins de 300 000 €. Conscientes de la valeur patrimoniale de leurs mètres carrés, les familles qui ne lâcheront pas si facilement leurs biens pourraient, paradoxalement, préserver l’âme de Noailles. Dans ce quartier qui frotte, où la pizza va de 1,5 € à 16 €, peu s’y piquent en toute innocence.
Commentaires
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On est obligés de croire un agent immobilier, et des hipsters venant surfer sur la pauvreté locale, ou on va attendre un peu et voir comme, à la Joliette, Rue de la République, rue Thubaneau, etc. tout ce beau monde va se barrer une fois que la réalité (et les traites de leur emprunt) les aura rattrapés.
Les villes pauvres sont condamnées à être squattées par des bobos, des hipsters ou que sais-je, et une fois que leur grand frisson est passé, ils se tirent ailleurs recommencer éternellement le même phénomène.
Il se dit que Berlin, par exemple, n’est plus du tout dans le vent, vu que c’est devenue hors de prix grâce à nos amis.
Moi je pense que même quand on est un Noaillais d’origine, là depuis des décennies, on a le droit à avoir des rues propres et bien entretenues.
Je pensais la même chose pour la rue de la République ou le quai de la Joliette. Les pauvres aussi ont le droit de voir la mer et de ne pas respirer une passerelle autoroutière sous leur balcon.
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Il manquera toujours les fon-da-men-taux, un minimum de propreté et de sécurité et dans le cas présent un peu plus de mixité, sinon çà ne marchera pas.
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Jadis on allait jusqu’à Noailles pour faire les courses, poissons, épices, légumes. De bons souvenirs et la pizza que l’on mangeait bien chaude. Tout était moins cher et il était difficile de marcher sans se bousculer. Cela fait des années que je n’ai pas mis les pieds pour raison de santé, en voiture ce n’est pas possible et en bus et métro on perd au moins 40 mn environ, sans compter que les toilettes sont introuvable. Dommage Marseille déroule le tapis aux néo arrivants http://decouvrir-marseille.marseille.fr/les-nouveaux-arrivants
on a oublié ceux qui sont nés et qui y vivent. Etat désastreux des quartiers Nord, vraiment politique lamentable!!!!!!!!!!!
On réhabilite et on applique un loyer trop cher, une rénovation urbaine lamentable, pollution, asthme, écoles en ruine, décharges sauvages, incivisme…etc
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En son temps (ah ! les vieux ringards….) il y eut transformation (initiée par Vigouroux) qui a fini par avorter, avec le même délire dans le secteur du Panier, pour attirer le bobo, .
C’était “merveilleux”, notre jean-Cloôôôôde y croyait, poussé par la saga de JC Izzo, le cinéma, les séries, la Vieille Charité et tout le tintouin…. On a réhabilité (un peu), ripoliné (beaucoup), nettoyé (un temps) et on allait voir ce qu’on allait voir… Ben ouais, on a bien vu qqs tentatives d’installation, sauf que la population historique et donc d’immigrés était installée bien avant les délires municipaux (qui a voulu mettre ce beau monde, loin, plus loin vers les quartiers nords) et du coup elle restée (normal quoi) Alors on a arrêté de ripoliner, réhabiliter et même de nettoyer. Et le Panier est redevenu le Panier et sa population, on s’en fout totalement. Seuls les touristes croient encore qu’il existe grâce à “plus belle la vie”…)
Et on ne s’en préoccupe plus guère.
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