Significations des transports en commun à Marseille

PARCOURIR MARSEILLE

Billet de blog
le 3 Déc 2017
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Il faut qu’une métropole comme Marseille se dote d’un véritable réseau de transports en commun. En effet, il ne faut pas réduire les transports en commun, dans une ville, à des instruments techniques facilitant les déplacements des habitants de la ville. C’est plus compliqué que cela, comme nous allons tenter de le comprendre aujourd’hui.

Les réseaux et l’identité métropolitaine

Les réseaux ne représentent pas seulement la façon dont est organisée l’offre de transports en commun dans une ville. En effet, il s’agit, d’abord, de la façon dont les modes de déplacement réinventent la ville en lui donnant une forme d’ossature. Les réseaux de transport sont, en quelque sorte, le squelette social de la ville, car, à la différence des déplacements en véhicules particuliers, ils ont une forme de permanence. Les réseaux de métro, en particulier, mais aussi les réseaux de tramway, il y a longtemps, et, de nouveau, depuis quelques années, sont inscrits dans l’espace urbain avec une sorte de pérennité, de la même façon que le sont les réseaux de chemin de fer à l’échelle d’un pays : c’est par les réseaux que l’espace urbain devient un espace social et un espace économique, les réseaux de transports venant s’articuler à ces autres réseaux que sont les structures de fourniture d’énergie et d’alimentation d’eau. Mais, dans ces conditions, il faut comprendre que les réseaux fondent l’identité métropolitaine en l’inscrivant dans l’espace dans la durée, dans la permanence.

 

Se déplacer pour pleinement habiter la ville

C’est qu’habiter la ville ne se réduit pas à y vivre dans une maison : habiter une ville, c’est s’en approprier l’espace par les pratiques sociales auxquelles on s’y livre (le travail, les services, la culture et les loisirs, les courses et l’alimentation, les pratiques institutionnelles et politiques), mais aussi, justement, en s’y déplaçant, en le parcourant, ce qui nous permet, à la fois, de le découvrir et de mieux le connaître, et d’en pratiquer toutes les possibilités, toutes les ressources. Habiter la ville, c’est s’y déplacer, car c’est en s’y déplaçant que l’on peut la découvrir et la connaître. Finalement, il s’agit de la même logique que les voyages, à cette différence près – mais elle est importante – que les voyages et le tourisme consistent, en s’y déplaçant et en les parcourant, à découvrir des espaces éloignés, que l’on n’habite pas, mais qui sont, pour nous, comme les espaces de l’autre, alors que se déplacer dans la ville que l’on habite, c’est une façon, justement, de mieux se reconnaître dans l’espace de cette ville, de mieux s’y retrouver, précisément en y retrouvant les autres habitants grâce aux transports en commun.

 

Les réseaux de transports en commun et la fin des ghettos

C‘est que, finalement, c’est cela, un réseau de transports en commun : c’est ce qui permet d’échapper à la logique du ghetto, de deux façons. D’abord parce que, dans le métro ou dans le bus, on n’est pas seul, mais on rencontre les autres. Alors que l’on est enfermé dans sa voiture particulière sans relation avec les autres, on peut voir les autres, parler avec eux, échanger avec eux, quand on circule dans les transports en commun. Par ailleurs, c’est en reliant les uns aux autres les sites et les quartiers d’une ville qu’on les ouvre les uns sur les autres, qu’on leur évite d’être enfermés sans relation avec les autres espaces de la ville. C’est, d’ailleurs, la raison pour laquelle, au moment d’organiser les réseaux, de choisir quels parcours ils suivront et quels lieux ils desserviront, les pouvoirs municipaux et métropolitains prennent des décisions qui expriment leurs conceptions des quartiers et des sites de la ville. Si certains quartiers sont mieux reliés au centre que d’autres, cela signifie qu’ils sont mieux reconnus dans l’espace de la ville et de la métropole. Sans doute, à Marseille, les « quartiers Nord » gagneraient ainsi à être mieux liés au centre de la ville par une meilleure desserte en transports en commun, et, en particulier, en métro. Mais, au-delà, s’il est une signification politique majeure des transports en commun et des réseaux qui les structurent, elle est bien là : dans le brassage des populations qu’ils permettent et dans les échanges qu’ils favorisent entre tous ceux qui habitent une ville qui leur devient commune à tous. C’est le sens qu’il importe de faire retrouver aux transports en commun, de fonder ce que l’on peut appeler une citoyenneté urbaine pleinement partagée.

Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Je serais curieux de savoir quelle est l’époque de la conception du réseau de bus marseillais tel qu’il existe aujourd’hui. L’avantage du bus sur le métro et sur le tramway, c’est qu’il s’agit d’un mode dont on peut faire évoluer le tracé des lignes.

    Ainsi, il y a eu à Lyon, en 2011, une refonte quasi intégrale du réseau pour tenir compte des évolutions de la ville, et par conséquent de celles des besoins de déplacement.

    Ici, il y a des lignes de bus où passe un véhicule par heure. Il y a des quartiers périphériques, notamment dans le nord, très mal desservis. Il y a de nouveaux ensembles immobiliers qui sortent de terre un peu partout.

    Et de temps en temps, il y a un rafistolage du réseau de bus : un prolongement ici, une modification de parcours là. A quand un projet de refonte d’ensemble, pour améliorer à la fois son efficacité (ce qui suppose des travaux de voirie et la création, partout où c’est possible, de couloirs réservés) et son utilisation (ce qui suppose une offre adaptée à la ville d’aujourd’hui).

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    • LN LN

      Souvenons-nous de cette “carticipation” de l’aménagement de la ville grâce à Marsactu. C’était avant les municipales pour qu’électeurs et candidats s’en emparent.
      L’intéressement a dépassé les frontières de la ville et les propositions ont fusé (même des plus farfelues…) Comme quoi, quand on le fait participer et qu’on lui demande son avis, “le peuple” adhère.
      Ci-joint le lien sur la première préoccupation des marseillais : la mobilité (la moitié du gâteau…) https://carticipe.files.wordpress.com/2014/05/analyse-quanti-mars-graph.jpg
      Reste que les propositions n’ont guère intéressé nos décideurs…. Dommage, c’était un bon outil de réflexion basé sur la réalité des marseillais. Mais notre réalité ne semble pas toucher notre “intelligentsia” locale…. Elle s’en fout.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Ah mais si, @LN, les candidats étaient très intéressés, à l’époque où ils étaient candidats. Depuis qu’ils sont élus, je reconnais que leur intérêt a nettement faibli, je me demande pourquoi…

      Marsactu avait, avant les municipales, fait un petit recensement d’idées issues de Carticipe en matière de mobilité, et les avait soumises aux différents candidats : https://marsactu.fr/dans-langle-mort-des-projets-transports/

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    • LN LN

      Je découvre cet article…
      Finalement Lagachon résume bien (chapitre 1) notamment : « à terme » (une expression qui à tendance à signifier jamais ou dans un futur très très éloigné) »

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