La culture comme bouée de sauvetage du hangar J1
Concédé depuis 2016 par le port à la Ville de Marseille, le hangar J1 devait devenir un "hub de l’attractivité" métropolitain. Animée par des mécènes privés, l'association MJ1 laisse finalement tomber la promotion des filières d'excellence pour embrasser à nouveau la vocation éphémère de lieu d'exposition, à partir de mercredi avec les Rencontres d'Arles puis en 2018 avec deux temps forts de "Quel amour !".
Exposition des Rencontres de la Photographie au MJ1 en 2017. (Image JV)
“On n’en attendait pas tant.” Directeur des Rencontres d’Arles, Sam Sturdzé semble encore soufflé “de pouvoir investir ce lieu d’exposition, nous qui sommes habitués aux friches industrielles”. À partir du 1er novembre et jusqu’au 7 janvier [1], le hangar J1 accueillera huit expositions délocalisées du festival de photographie, qui avait déjà fait quelques incursions à Marseille, au FRAC et à la Villa Méditerranée.
Deux mois après le démontage l’expo photo, ce sera au tour de MP 2018 de s’installer. La réplique de l’année capitale européenne de la culture autour du thème “Quel amour !”, s’installera pour deux grandes expositions. Dès le 8 mars, c’est JR qui proposera “une installation monumentale”. Puis “le chaman 3.0 Korakrit Arunanondchai imagine[ra] une installation immersive”, vante l’organisation.
Un autre “temps fort” autour de la métropole en tant qu’institution est prévu en 2018. Le seul élément qui rappelle un peu la vocation de vaisseau amiral de l’attractivité du territoire qui prévalait lorsque la Ville confiait la gestion du lieu à l’association MJ1, constituée d’élus et de représentants de grandes entreprises locales. Exit “le hub” décrit par la plaquette de présentation. On pouvait y lire : “Ce lieu permettra de faire se rencontrer l’entreprise, la recherche, l’enseignement et les laboratoires, ainsi que les différents champs d’activités comme les technologies, l’industrie ou le numérique, avec la culture comme fédérateur d’une identité et d’une ambition collectives”.
Fin 2018, il sera alors temps de rendre les clés au grand port maritime de Marseille (GPMM), qui a lancé un appel à projets pour un aménagement pérenne des trois niveaux du hangar, en espérant 100 à 200 millions d’euros d’investissements (lire notre article). Soit 19 petits mois seulement d’ouverture au public – en comptant les huit événements professionnels organisés (colloque Anti-fashion, soirée French tech, Pyramides d’argent de l’immobilier…) depuis juin sur les trois ans initialement prévus. Pourtant, la municipalité pouvait en théorie occuper depuis janvier 2016 ce lieu que La Provence qualifiait récemment de “vaisseau fantôme”. “Il y avait des travaux qui n’étaient pas finis et surtout on a préféré frapper fort, plutôt que de se précipiter et faire quelque chose de moyen. On ne fait pas en un claquement de doigts quelque chose du niveau de ce que vous allez voir aujourd’hui”, justifie Sandra Chalinet.
Exit le “co-working et autre buvette do-it-yourself”
“Le J1, pour nous, c’est le souvenir de 2013 avec notamment cette très belle exposition Le Corbusier. Pendant cette année-là, il a été l’un des plus beaux espaces d’exposition éphémère”, s’enthousiasme Anne-Marie d’Estienne d’Orves, adjointe à la culture. Au sol, les cheminements en gommettes de MP2013 sont encore présents, de même que des marquages signalant “L’atelier du large”. Son homologue chargé de l’économie, Didier Parakian, assiste lui à la conférence de presse depuis le premier rang. C’est pourtant lui qui portait à l’origine le projet d’investir le J1, dont il souhaitait faire un “Pavillon M puissance 10”. Les façades vitrées à l’entrée du bâtiment affichent encore le slogan “l’excellence de la Provence en permanence”, tandis que les bureaux sont censés surplomber un “espace de rayonnement et d’attractivité”.
Certes, pour la municipalité, culture, tourisme et économie sont liés, rappelle Anne-Marie d’Estienne d’Orves. “Tout l’espace possible est utilisé”, soit plus de 4000 mètres carrés dédiés aux expositions, résume Sandra Chalinet lorsqu’on l’interroge sur “les espaces de co-working, d’open innovation et autres buvette do-it-yourself” qui figuraient sur le plan. Et aujourd’hui ne figurent plus nulle part.
“Travaux disproportionnés”
Pour Didier Parakian, la mission est remplie avec ces trois expositions phares : “L’objectif de la Ville de Marseille, c’était d’abord de rénover et d’aménager ce lieu emblématique du territoire. La Ville a joué son rôle d’accélérateur, de booster.” En l’occurrence, elle a porté la candidature auprès du GPMM, offert de prendre en charge le loyer (150 000 euros par an) et les travaux de mise en conformité pour être en mesure d’accueillir du public, soit 1 million d’euros au total. C’est ensuite que cela s’est corsé. Face à l’éventuelle volonté de la Ville, qui a déjà obtenu un an de prolongation, de s’installer à demeure, le président du GPMM Jean-Marc Forneri a prévenu en octobre 2016 qu’il n’accepterait pas de “squatters après 2018”.
À partir de là, les mécènes privés, emmenés par Alain Lacroix, le patron de la Caisse d’épargne Provence-Alpes Corse et de la chambre de commerce et d’industrie régionale, ont fait leurs calculs. Parmi les paramètres de l’équation financière, la réglementation différente en fonction de la destination des espaces (simple accueil du public ou présence de “travailleurs”) a joué. “Quand les idées se transforment en chiffres, ça rationalise, glisse Kévin Polizzi, fondateur de Jaguar Networks et vice-président de l’association. Il était hors de question d’engager des travaux disproportionnés pour 24 mois.” Leur conclusion est la même que Jean-Marc Forneri. Face à un budget d’une douzaine de millions, il estimait qu’“une somme de cette magnitude pose des questions d’amortissement”. Au final, les 19 partenaires privés de la Ville ont prévu de mettre 3,2 millions d’euros sur la table pour faire vivre le lieu jusqu’à fin 2018. En prévision de 2013, le lieu avait déjà nécessité plus de 8 millions de travaux répartis entre le port et les financeurs de la capitale culturelle.
Reste la “lacune criante du territoire” que le MJ1 original était censé combler. “C’est indispensable pour le territoire mais ce n’est pas notre job”, commente Kévin Polizzi. “Ça pourrait être dans le coup d’après”, assure Didier Parakian. Mais les intentions du port ne sont pas d’accueillir un projet dont la seule vocation serait l’attractivité ou même la culture.
[1] L’exposition est ouverte les vendredi, samedi et dimanche de 10 h à 18 h et pendant les vacances scolaires du mardi au dimanche, de 10 h à 18 h. Entrée libre.
Commentaires
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Quand on lit : ” Mais les intentions du port ne sont pas d’accueillir un projet dont la seule vocation serait l’attractivité ou même la culture”, c’est que le stupide projet d’un casino à croisiéristes est toujours prêt à resurgir du carton où il avait été enfoui provisoirement ….money is money …
Pour ces gens là” culture” est un gros mot tant ils en ignorent le sens et le contenu .
Vivement qu’ils dégagent !!!
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Malheureusement ils sont encore là pour au moins quelques années et leur puissance nuisible s’exerce dans tous les domaines, pas seulement au niveau culturel : il n’y a qu’à voir l’état lamentable de la ville et d’une bonne partie de sa population.
Après, il va falloir se bouger pour qu’ils dégagent!
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Enfin une bonne nouvelle ‘
L’occasion de se replonger dans les plus belles photos des Rencontres d’Arles…
Ce hangar a un avenir tout trouvé dans ce quartier en pleine mutation.
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faut pas rêver !
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Personnellement, je trouve normal que le GPMMM essaye de mieux rentabiliser ses espaces. Un casino pourquoi pas ?
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Le port autonome est un établissement public de l’Etat français. Sa politique d’exploitation commerciale et de rentabilité de ses surfaces s’honorerait à servir l’intérêt général en s’inscrivant dans la dynamique culturelle du boulevard du littoral (MUCEM, Fondation Regards de France, FRAC à proximité…). Le lieu a été l’un des lieux phares de MP2013 avec l’accueil de deux très belles expositions. L’attractivité et la dynamique culturelle de Marseille ne peut se résumer au MUCEM. Il faudrait sans doute envoyer les élus de Marseille en stage à Nantes, Lille, Lyon, Bordeaux… plutôt qu’à Miami, sans oublier un petit détour dans la Ruhr, capitale culturelle 2010.
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L’inculture crasse des élus marseillais paraît un frein à toute politique de régénération du territoire ambitieuse et généreuse. L’étonnant c’est que les politiques publiques mises en oeuvre dans de nombreux domaines fassent aussi peu l’objet de débats démocratiques. Sans parler d’évaluation…
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