Super Cafoutch le supermarché dont le client est le patron
Faire ses courses dans un lieu que l’on gère soi-même, réduire les intermédiaires, consommer mieux et moins cher. Voici les ambitions des fondateurs de Super Cafoutch, le supermarché qui veut voir le jour en 2019 à Marseille.
(crédit photo : Julie Moniere)
Être caissier, patron et client à la fois, cela paraît improbable. C’est pourtant le principe d’un supermarché coopératif. Concrètement, les membres donnent quelques heures de leur temps toutes les semaines, pour passer les commandes, réceptionner la marchandise, mettre en rayons, s’occuper de la caisse… En échange, ils peuvent faire leurs courses dans un supermarché où les prix sont beaucoup plus bas qu’ailleurs et où la nourriture est de meilleure qualité.
“On n’invente rien ! À Brooklyn cela existe depuis 1976, 16 000 personnes y adhèrent. Le but, c’est d’initier de l’entrepreneuriat collectif pour créer un modèle alternatif à la grande distribution. Nos préoccupations ? Bien manger, bien consommer, faire attention à l’environnement et surtout, que chacun y trouve son compte, explique Magali Poivert, jeune maman à l’initiative de ce projet à Marseille. Et pour que chacun trouve sa place, il faut que les prix soient accessibles et que l’on ne propose pas que des produits pour bobos.” Pas de marge pour payer des salaires, le moins possible d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur, voilà comment les supermarchés coopératifs arrivent à avoir des produits moins chers que dans les grandes surfaces. “Le but c’est d‘avoir une grande partie de produits bio, un maximum de produit locaux, mais aussi des produits plus “conventionnels”, le tout moins cher qu’ailleurs. Les gens auront le choix, on ne veut pas culpabiliser mais pousser à la réflexion,” détaille Pierre Blanc, l’autre fondateur de ce projet ambitieux au nom loufoque : Super Cafoutch, parce qu’on doit y trouver de tout.
En 2016, Magali Poivert et Pierre Blanc fondent une association. Ils savent que plusieurs projets supermarchés coopératifs sont en train de se développer en France. À Paris, le projet est même devenu réalité. Ils tentent alors de fédérer du monde à Marseille, organisent des réunions d’information, puis avec un petit groupe, commencent des ateliers pour faire avancer leur projet. Aujourd’hui, 250 personnes sont membres de Super Cafoutch. Les membres actifs, qui constituent un noyau dur d’environ 40 personnes, s’organisent en trois groupes de travail, gouvernance, communication et commandes de marchandises. La structure de Super Cafoutch se veut horizontale. “Pas trop quand même, sinon ça n’avance pas”, en rigole Pierre Blanc. Un système de référents a donc été mis au point. Mais l’aventure bute sur un obstacle : trouver un local.
Objectif : 1000 mètres carrés
Pour l’heure le projet se situe littéralement dans un cafoutche. Les membres de l’association passent des commandes groupées via une plateforme internet, en attendant de disposer d’un lieu physique. “Nous devons stocker la marchandise chez nous. Une fois par mois, nous organisons des distributions dans des lieux que l’on nous prête“, raconte Karl, jeune étudiant très mobilisé sur le projet. Mais l’objectif est fixé. Les bénévoles espèrent ouvrir leur supermarché en 2019, dans le centre-ville de Marseille. “Il nous faudrait un espace d’environ 1000 mètres carrés”, précise Magali Poivert. Économiquement, le modèle du supermarché collaboratif tient la route si environ 1 500 personnes sont membres. Il en manque donc quelques 1 250 au Super Cafoutch, mais les fondateurs du projet ne sont pas inquiets pour autant. “Depuis quelques semaines, les inscriptions augmentent fortement et dans les projet similaires, on sait ça devient exponentiel à partir du moment où il y a un lieu physique “, se réjouit Pierre Blanc.
Conscients de l’ambition de cet objectif, les équipes de l’association veulent d’abord acquérir un local de transition. Pour ce faire, Super Cafoutch s’est rapproché des pouvoirs politiques. À la mairie de Marseille, on en vante les mérites. “Ce projet porte le souffle que je veux insuffler au centre ville“, projette Sabine Bernasconi. La maire (LR) du 1er et du 7ème arrondissement dit vouloir les aider : “Ils pourraient être prioritaires dans la politique de préemption des locaux vides du centre-ville que la mairie veut mettre en place“, envisage Sabine Bernasconi. Mais pour le moment, elle ne propose pas encore de solution concrète.
Les bénévoles du projet ont également rencontré les services de la métropole Aix-Marseille. Là encore, si le projet a été bien reçu, aucune aide n’a été définie. Il existe pourtant un “projet alimentaire territorial“ métropolitain adopté en octobre dernier, dont les contours sont encore flous, mais qui a pour but, entre autres, de rapprocher producteurs et consommateurs et de créer des lieux de vente directe. “Nous nous posons en observateur bienveillant du projet”, a-t-on simplement répondu à Marsactu à la métropole. “Ce qui est dommage, c’est que tant qu’il n’y a pas de rentabilité directe, la métropole n’investit pas”, regrette Amandine*, qui travaille dans les bureaux de la direction de la métropole et qui vient aussi de signer son adhésion à Super Cafoutch. Les membres de cette association vont donc devoir compter sur d’autres appuis. Et il paraît qu’ils ont déjà des pistes.
“On ne veut pas être aussi extrémistes, on veut toucher tout le monde”
Comme dans toutes organisations horizontales, des débats se créent au sein du Super Cafoutch. La question du financement du local en fait partie. “À la base, nous voulions absolument un local gratuit, pour coller avec le modèle économique collaboratif, mais si on veut avancer, il va peut être falloir mettre la main au porte-monnaie. Tout le monde n’est pas d’accord, remarque Pierre Blanc, certains voudraient aussi ne faire que du bio. Mais on ne veut pas être aussi extrémistes, on veut toucher tout le monde”.
Même si les profils sont très différents (retraités, chômeurs, étudiants, fonctionnaires… ), pour le moment, les membres de Super Cafoutch sont tous issus, plus ou moins, du même milieu social. “Nous avons tous fait des études, certains ne roulent pas sur l’or mais c’est un luxe de pouvoir travailler bénévolement pour un projet comme celui-ci“, remarque le fondateur de l’association. Mais Super Cafoutch se veut être un projet qui porte la mixité sociale. L’objectif est donc maintenant d’attirer un public plus populaire, avec des prix bas et en s’implantant dans le centre-ville notamment. “Quand le supermarché sera concret, nous arriverons à toucher ce public“, estime Magali Poivert.
Court-circuiter la grande distribution
Les membres de Super Cafoutch ont également contacté d’autres associations qui œuvrent pour développer un modèle de consommation alternatif. Le but étant d’initier des partenariats, comme par exemple avec l’association Filière Paysanne – l’association à l’origine des marchés paysans du Cours Julien et de la Friche gère aussi des épiceries de produits locaux. “Notre région dispose d’une agriculture riche et diversifiée, il y a un réel potentiel ici pour développer des modes de consommation qui court-circuitent la grande distribution”, analyse Jean-Christophe Robert, qui a créé Filière Paysanne en 2009. Un potentiel que les fondateurs de Super Cafoutch ressentent aussi en ville, à Marseille, du côté des consommateurs “Ici, c‘est la ville des possibles. Il y a tout l’espace et l’énergie pour aller au bout de ce projet. Super Cafouch répond à une demande, ce n’est pas une folie“, lancent les fondateurs du projet. Rendez-vous donc en 2019, pour voir si le projet est parvenu à sortir du cafoutche.
*À la demande de l’intéressée, le prénom a été modifié.
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