Tour des circonscriptions : vague Macron contenue, pas d’élus FN et Mélenchon député
Si ces élections législatives seront bien celles de la prise de l'Assemblée par la République en marche, dans les Bouches-du-Rhône comme ailleurs, les résultats du second tour ont atténué la vague. Le Front national perd tout ses duels et Jean-Luc Mélenchon remporte son siège marseillais.
Jean-Luc Mélenchon est élu avec presque 60% des voix dans la 4e circonscription. (LC)
Arrivée 4e dans les Bouches-du-Rhône à la présidentielle, La République en marche enverra neuf représentants issus du département à l’Assemblée nationale. Si l’on ôte le sortant François-Michel Lambert, Saïd Ahamada et Mohamed Laqhila (Modem), actuel et ancien adjoints d’arrondissement, ce sont six novices en politique qui entrent à l’Assemblée. Claire Pitollat, Alexandra Louis, Cathy Racon-Bouzon, Jean-Marc Zulesi, Anne-Laurence Petel et Monica Michel ont encore tout à prouver. “Le département des Bouches-du-Rhône n’était pas particulièrement une terre ouverte à En Marche donc je pense qu’on s’est bien battu”, s’est réjouie Corinne Versini, chef de file du mouvement dans le département, elle-même défaite à Marseille.
LREM et ses alliés du Modem nourrissaient des espoirs plus grands encore dans la foulée d’un premier tour exceptionnel : elle a finalement peiné à rassembler au second. La droite a finalement bien résisté. Dans la 13e circonscription, les communistes réussissent le passage de témoin entre Gaby Charroux qui a remis son écharpe de député à Pierre Dharréville. Enfin, la France insoumise a pu fêter la victoire de son leader Jean-Luc Mélenchon qui a réussi son pari d’être pour la première fois élu à l’Assemblée nationale et d’y représenter le centre-ville de Marseille.
Tous auront conquis leur siège sur fond d’abstention record : 60,1 % des électeurs inscrits ne sont pas allés voter. Malgré cette participation extrêmement faible, le Front national ne réussit à faire entrer aucun de ses représentants à l’Assemblée. Stéphane Ravier, déjà sénateur, devra se contenter de la chambre haute. Il est le représentant d’une région qui, tenue pour un fief du FN, ne fournit aucun des huit nouveaux députés frontistes de l’Assemblée.
Le point circonscription par circonscription
1ère circonscription : Valérie Boyer (LR)
Nette victoire de la députée Les Républicains sortante, avec 55,1 % des votes exprimés. Alors que son soutien indéfectible à François Fillon pour la présidentielle aurait pu être un handicap auprès des électeurs, et après avoir écarté le Front national qui avait investi un candidat venu de la droite Franck Allisio au premier tour, Valérie Boyer conserve son siège face au marcheur Pascal Chamassian. Ce dernier y voit “un réflexe conservateur des électeurs de droite”. Les équipes de Valérie Boyer ont constaté que, malgré la participation en baisse, un certain nombre d’électeurs qui n’avaient pas voté au premier tour se sont déplacés cette fois-ci. “Jusqu’à la fin de l’après-midi on ne savait pas à qui ils seraient favorables”, a commenté Julien Ravier, suppléant de la députée.
“Les gens se sont aperçus que le programme de Macron était farfelu. Ils ont aussi rejeté un candidat recyclé de la vieille gauche”, analyse à chaud Valérie Boyer qui accède à son troisième mandat à l’Assemblée nationale. Si elle va devoir trouver un successeur à la mairie des 11e et 12e arrondissements, elle peut désormais regarder, avec d’autres vers les municipales de 2020.
2e circonscription : Claire Pitollat (LREM)
Le sortant Les Républicains Dominique Tian perd son siège au profit de la candidat la République en marche Claire Pitollat qui remporte 54,77% des voix. Retrouvez plus de détails dans notre article.
3ème circonscription : Alexandra Louis (LREM)
Alexandra Louis, investie par LREM au dernier jour de l’échéance légale, a réussi à l’emporter dans une circonscription où elle était jusqu’ici inconnue. La jeune avocate de 33 ans rattrape les sept points de retard sur son adversaire FN Stéphane Ravier et l’emporte avec 52,4 % des suffrages exprimés. “Nous avons réussi à faire de cette 4L une Rolls Royce”, glisse un proche de l’équipe.
Une double bataille axée sur le terrain dans ce secteur disparate. “Dans les noyaux villageois, nous avons parlé suppression de charges, retraites et pouvoir d’achat, explique Alexandra Louis, et au public des quartiers populaires, nous avons mis en avant la sécurité, l’éducation et l’emploi.” Ce double angle d’attaque a été accentué dans l’entre-deux tours pour convertir les électeurs de droite tentés par le FN, et mobiliser les abstentionnistes dans les quartiers. L’abstention atteint tout de même 64,51 % dans cette circonscription contre 47% en 2012.
Le sénateur-maire FN du secteur Stéphane Ravier échoue pour la deuxième fois consécutive à prendre le poste de député de la 3e circonscription des Bouches-du-Rhône. Les espoirs du parti frontiste reposaient en grande partie sur lui dans le département. À l’issue du premier tour, il déplorait déjà que les électeurs FN soient si peu mobilisés, “démoralisés de toujours être confrontés au barrage contre l’extrême-droite, et déçus de la campagne présidentielle.”
4e circonscription : Jean-Luc Mélenchon (FI)
“Il parait que TF1 m’annonce gagnant à 60%”. Quelques secondes après avoir quitté le pupitre depuis lequel il donnait sa première analyse des résultats nationaux, juste avant 21h, le leader de la France insoumise retourne vers le micro, la voix tremblante, pour annoncer sa victoire. Jean-Luc Mélenchon a pris la 4e circonscription de façon incontestable, avec 59,85% des voix. Sa rivale LREM, Corinne Versini, a pris quelques dizaines de minutes de plus pour confirmer sa – large – défaite, qu’elle attribue notamment à un déficit de notoriété. “À un moment donné si vous voulez pas perdre, il faut pas jouer. J’ai joué, j’ai perdu, ça fait rien, c’est qu’une bataille. Maintenant l’avenir nous appartient”, a déclaré la représentante d’En marche dans le département qui va, dans un premier temps, se “reposer et réfléchir”. En off, plusieurs membres locaux d’En marche se sont laissés aller à se réjouir de la nouvelle, alors que la déléguée départementale du mouvement ne fait pas l’unanimité parmi les militants.
Jean-Luc Mélenchon est donc devenu le “député de Marseille” qu’il souhaitait être, mais sans avoir entraîné d’autres victoires dans son sillage. “Ce que disait Jean-Luc de Marseille est vrai, c’est un concentré des problèmes que rencontrent les Français, et le localisme n’est pas la solution dans une élection. C’est en rendant leur dignité aux gens que cela doit passer”, analyse son proche conseiller Bernard Pignerol, qui voit là récompensé un travail de terrain mené en seulement quelques semaines : “on n’arrive pas à 60% comme ça”. La suite des événements dira si Jean-Luc Mélenchon se contente de quelques passages dans la ville ou si, comme l’assure son entourage, il va travailler à la structuration du mouvement depuis Marseille. C’est en tout cas le projet soutenu par sa suppléante Sophie Camard, ex-EELV. “À Marseille, si on regarde le nombre de voix sur la ville, nous sommes une vraie force. On est là, on existe, on a le porte parole du mouvement ici”, s’est-elle enthousiasmée.
5e circonscription : Cathy Racon-Bouzon (LREM)
La France insoumise a eu le temps d’espérer une surprise. Dimanche, son représentant Hendrik Davi a longtemps pu espérer la victoire après avoir soufflé la qualification à Yves Moraine (LR) le 11 juin pour 43 voix. Partie avec une avance de dix points, Cathy Racon-Bouzon (LREM) s’impose finalement avec 52,2 % des voix et occupera le siège laissé vacant par Marie-Arlette Carlotti (PS).
Directrice marque et communication chez Kaporal, la nouvelle députée, fille de profs, se revendique comme issue des rangs de la gauche. Marsactu était parti à sa rencontre durant la campagne.
6e circonscription : Guy Teissier
Pari réussi pour le député LR sortant Guy Teissier dans la 6e circonscription qui recoupe le 9e et la majeure partie du 10e arrondissement. Il avait été largement devancé par la conseillère régionale Modem Eléonore Leprettre soutenue par LREM au premier tour. L’élu de Saint-Loup repart pour un septième mandat à l’Assemblée nationale. Il devra abandonner son mandat de président du conseil de territoire Marseille Provence, une des assemblées de la métropole et devrait être remplacé par le maire de Carry-le-Rouet Jean Montagnac.
7e circonscription : Saïd Ahamada (LREM)
L’adjoint de secteur des 15e et 16e arrondissements va devenir député. Saïd Ahamada, ancien du Modem engagé au sein de La République en marche, va représenter cette circonscription qui regroupe les 16e et 15e arrondissements ainsi que l’ouest du 14e. Il l’emporte sans surprise face à la conseillère régionale frontiste Sophie Grech, la devançant de près de 3000 avec 58,4 % des suffrages exprimés. Dans cette circonscription, seulement un électeur sur quatre s’est déplacé, ce qui fait que le nouveau député a été élu avec moins de 10 000 voix ce dimanche.
Selon Le Monde, il sera le premier élu d’origine comorienne à siéger à l’Assemblée nationale. Marseille avait attendu 2008 pour connaître sa première conseillère municipale noire en la personne d’Elizabeth Saïd. Saïd Ahamada est administrateur général de la fonction publique territoriale et travaille à la Ville d’Avignon en tant que directeur général adjoint des services.
8e circonscription : Jean-Marc Zulesi (LREM)
Des Jeunes avec Macron à jeune député. Jean-Marc Zulesi, 28 ans, s’installera la semaine prochaine dans le siège de Jean-Pierre Maggi (PRG), qui ne se représentait pas. Avec 58,7 % des voix face à Antoine Baudino (FN), il réagit avec “une joie mesurée parce qu’on a une participation très faible, autour de 40 %. Je mesure le malaise dans la société. Nous devons tout faire pour convaincre le maximum de gens d’ici 5 ans.”
Avant 2022, il y a 2019 et 2020 pour Antoine Baudino, convaincu d’avoir pris date dans cette circonscription où il a été adoubé par Marion Maréchal-Le Pen pour prendre la suite de Gérald Gérin, assistant de Jean-Marie Le Pen. “Nous avons fait près de 50 % de voix en plus par rapport au premier tour, nous sommes en tête à Rognac, c’est une score que nous n’avions jamais fait dans cette circonscription”, souligne-t-il avec “les européennes, et les municipales déjà en ligne de mire”. Et pourquoi pas Salon-de-Provence, ses 45 000 habitants et sa mosquée sur laquelle il a axé une partie de sa campagne ?
9e circonscription : Bernard Deflesselles (LR)
C’était l’une des personnalités les plus identifiées d’En marche dans le département. Sylvie Brunet, ancienne élue de la communauté urbaine de Marseille, membre du conseil économique social et environnement, professeur associée chez Kedge business school, n’ajoutera pas l’Assemblée nationale à un CV déjà riche.
Elle chute face à Bernard Deflesselles (LR), candidat à un cinquième mandat. Ce dernier a rattrapé un retard de plus de 3000 voix au premier tour, pour finir avec un peu plus de 500 voix d’avance. Il arrive en tête dans cinq des six communes de cette circonscription qui regroupe l’est des Bouches-du-Rhône, dont Aubagne, ne concédant que La Ciotat à son adversaire.
10e circonscription : François-Michel Lambert (LREM)
Le plus dur était sans doute déjà fait pour François-Michel Lambert. Élu en 2012 sous l’étiquette Europe écologie-les Verts, il avait dû batailler au premier tour face à une multitude de candidats se revendiquant de la majorité présidentielle – et à certaines oppositions farouches comme le maire PS d’Allauch Roland Povinelli – tandis que son investiture à lui était suspendue au retrait de son casier d’une condamnation pour diffamation.
Arrivé plus de dix points devant le FN au premier tour, vingt points devant l’UDI Bruno Genzana, celui qui s’est illustré pendant son mandat par ses positions tranchées sur les dossiers industriels du territoire (les rejets en mer d’Alteo, la centrale biomasse de Gardanne), sort en tête de ce duel LREM – FN dans toutes les communes de la circonscription. Une revanche pour celui qui en 2015 avait raté le coche d’une municipale partielle à Gardanne avec 7,3 %.
11e circonscription : Mohamed Laqhila (LREM)
C’est l’une des élections les plus serrées du département, même si l’écart est sans appel : pour 590 voix, Christian Kert voit s’envoler un 7e mandat consécutif, là où la plupart de ses collègues LR sauvent leur siège. Largement en tête aux Pennes-Mirabeau, devant à Septèmes ainsi qu’à Éguilles, ce spécialistes des questions culturelles doit principalement sa défaite à Aix-en-Provence, qui a largement porté le candidat de la République en marche Mohamed Laqhila. Ex élu marseillais, président de la fédération des experts-comptables et commissaires aux comptes de France, ce candidat investi par le Modem y réalise 53,8 % des voix.
12e circonscription : Éric Diard (LR)
Lui arrivera à l’Assemblée nationale en terrain connu. Le maire de Sausset-les-Pins Eric Diard va retrouver le siège de député qu’il avait perdu en 2012, battu en pleine vague rose par Vincent Burroni, qui ne se représentait pas. Il avait mené une campagne de proximité centré sur les enjeux de la 12e circonscription qui inclut Vitrolles, Marignane et la Côte bleue.
Il devance la candidate LREM venue de Marseille Camille Bal dans toutes les communes hormis Vitrolles (49,3 %). Il réalise notamment un score très important à Marignane (71,5 %). Le maire Eric Le Dissès est son suppléant et a été choisi pour sa capacité à capter une part de l’électorat frontiste, habituellement fort sur ces terres. Le frontiste Jean-Lin Lacapelle y avait ainsi été parachuté pour conquérir un poste de député avant d’échouer au premier tour. Il avait payé la présence d’un dissident implanté, Jacques Clostermann qui a réalisé 4,75 % des voix au premier tour avant d’appeler à voter Diard.
Membre de l’Assemblée de 2007 à 2012, l’homme est surtout connu pour la loi qui porte son nom, instaurant un service minimum dans les transports aériens en cas de grève.
13e circonscription : Pierre Dharréville (PCF)
Martigues-Port-de-Bouc-Fos-sur-Mer-Port-Saint-Louis : la charnière industrialo-portuaire de la 13e circonscription a bien tenu, portant le candidat communiste Pierre Dharréville à des scores allant jusqu’à 76 %. La candidate de la République en marche, Magali Sirerols, fait presque jeu égal à Istres, mais ne s’impose vraiment que dans la petite commune LR de Saint-Mitre-les-Remparts. Secrétaire de la fédération départementale du PCF, ex patron de la Marseillaise – dont il est toujours actionnaire – Pierre Dharréville succède au maire de Martigues Gaby Charroux, qui succédait lui-même à Michel Vaxès. Là aussi, une certaine forme de continuité a payé.
14e circonscription : Anne-Laurence Petel (LREM)
Dans cette circonscription majoritairement aixoise, la candidate LREM a terrassé son rival LR soutenu par la maire Maryse Joissains. L’adjoint au numérique Stéphane Paoli s’est hissé à 39,77%, en doublant presque son nombre de voix du premier tour, mais cela n’aura pas été suffisant pour inquiéter Anne-Laurence Petel. Celle qui était jusqu’ici chargée des relations extérieures chez Bouygues Télécom devient députée avec un très confortable 60,23% des suffrages exprimés. Elle est en tête dans absolument tous les bureaux de la circonscription.
Elle ravit cette circonscription au socialiste Jean-David Ciot, éliminé dès le premier tour. Élu en 2012 sur fond de vague rose, il n’aura effectué qu’un mandat. Le socialiste, qui aurait voulu avoir l’investiture En Marche et avait barré ses affiches de campagne du sigle “Majorité présidentielle”, est redevenu simple maire du Puy-Ste-Réparade.
15e circonscription : Bernard Reynès (LR)
Châteaurenard avait déjà préféré son maire à la candidate macroniste au premier tour, Saint-Rémy et toutes les Alpilles ont suivi. Parti avec 2500 voix de retard, le sortant LR Bernard Reynès a accompli une impressionnante remontée, appuyée sur l’ouest de la circonscription. Son adversaire Nathalie Farro ne surnage que dans la partie la plus proche des pays d’Aix et de Salon, mais pas suffisamment pour ne pas être largement distancée, à plus de 5500 voix.
16e circonscription : Monica Michel (LREM)
“C’est pour elle que c’est le plus dur… Cela fait deux fois qu’elle perd à 48 ou 49 %”. Homologue frontiste malheureux dans la 8e circonscription, Antoine Baudino sait que les réelles chances de victoire étaient du côté de la 16e circonscription. En 2012, la conseillère régionale Valérie Laupies avait réussi à faire douter Michel Vauzelle (PS), pourtant porté par l’élection de François Hollande et son statut de président du conseil régional. Elle avait, il est vrai, bien été aidée par le retrait en sa faveur du candidat UMP Roland Chassain.
Cette fois-ci, pas d’ancien Garde des sceaux face à elle, mais Monica Michel, directrice commerciale du grand port maritime de Marseille. L’écart s’est réduit – 834 voix la séparaient cette fois-ci de l’Assemblée nationale – mais la principale consolation de ce 18 juin est son score à Tarascon, où Valérie Laupies avait échoué de peu aux municipales 2014 : 61,5 %.
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