Ezéchiel Zérah vous présente
La chronique gastronomique

De l’art de manger pour 127 sur 67 millimètres de papier

Chronique
le 20 Mai 2017
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Crédits photo :  images money/flickr
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Chaque mois, le chroniqueur culinaire Ezechiel Zerah nous offre sa vision de l’art de la table à Marseille. Ou bien manger pour moins de 10 euros?

Alambiqué le titre ? Je vais faire plus simple : bouloter pour plus ou moins 10 euros est une science. Et je ne parle pas des multi-portions de « pizze » tombées du camion. Non, il est ici question de formule en belle et due forme. Notons au passage que le nouveau locataire de l’Elysée s’est, lui, presque illustré en la matière (9,90 euros le menu cordon bleu au sein de la cafétéria autoroutière de Sailly-Flibeaucourt entre Amiens et le Touquet).

La plus belle des déclarations de 65,59 francs ? Probablement chez Geney rue Caisserie. C’est bon, précis, malin et ça valse chaque semaine : lors de mon dernier crochet là-bas, la soupe de betterave était excellente (accompagnée d’un petit pot de chantilly à la ciboulette et de croûtons maison), la foccacia diabolique (tomates fraîches, courgettes, feta et menthe), le wrap (crème d’artichaut, mozzarella, concassée de tomate et crudités) sans défauts. Même les desserts jouent correctement le jeu (cakes pommes, noix de pécan et sirop d’érable ; quatre-quarts nougat framboise ; pana cotta abricot-romarin). Et puis, à midi, autant dire que c’est imbattable (neuf euros tout rond, à peine une ou deux piécettes supplémentaires avec plats chauds genre gnocchis au pesto vert, tomates confites maison, jambon cru et pignons de pin ou poisson du jour, épeautre aux herbes fraîches et sauce citron). Coffe-shop boboïsant et modeux !” hurleraient les mélenchonistes aigris (les effets du quinoa ?). Plutôt cantine de poche modèle aurais-je envie de répondre. Et puis, l’adresse a l’élégance de ne pas crier sur tous les toits que le patron est un ex-candidat Top Chef. On connaît des cuistots moyens qui paraderaient pour moins…

À 180 mètres de là, la nouvelle classification du guide Gault & Millau (les adresses populaires dites « Pop ») applaudit l’enseigne Dunk, garage à bagels faussement industriel. Niveau tarifs, c’est dans les clous mais il n’y a franchement pas de quoi s’extasier (ceux qui prétendent le contraire n’ont jamais mis les pieds chez Russ & Daughters sur Houston Street à New York). Mieux vaut donc poursuivre et doubler la marche pour atteindre le comptoir de Stéphanie Fraudet dite « Fanny ». Comment résister à un bar à encas qui se définit comme « sandwicherie d’autrefois » (volaille marinée au citron, aubergines grillées, olives noires, émincé de chou rouge et sauce tzatziki) ? Et pas que, soit dit en passant (assiette d’aiguillettes de poulet sauce forestière et tagliatelles à la crème). En conclusion, les cornes de gazelles maison et la tartelette orange-spéculoos font le job. Membre de l’AFESC (Amicale des Férus de Sièges Confortables) ? Poussez un petit quart d’heure jusqu’au 66 rue Grignan. D’abord parce qu’on y fabrique le meilleur Castel de la ville, et de très loin. Et puis parce pour la barre de l’offre salée, l’équipe a débauché un cuisinier, un vrai. Guillaume Jullian, aussi solide que discret, auteur de petits plats chauds et froids dont un joli pâté en croûte malheureusement trop peu commun de ce côté-ci de la France.

Allez, mordons un peu pour inclure Boudiou (11 à 12 euros le pack), échoppe « terroiriste » à l’accent très herbivore (salade d’asperges rôties, cébettes, radis rose et jeunes pousses ; tarte carottes-citron confit et coriandre) plantée sur le boulevard Salvator. L’étroite adresse a beau avoir remplacé mon point de chute de lycée préféré (Carre’s Kitchen, cantine anglo-saxonne que l’on se refilait sous le manteau pour ses cheesecakes au citron addictifs), je peux difficilement lui en tenir rigueur. Sur la même ligne, j’ai un paquet d’endroits à refiler les yeux fermés (et la bouche ouverte) : le plateau de l’indéboulonnable O’Pakistan (11 euros), la daube de poulpe d’une cantine populo comme on n’en voit plus (La Corsoise), la cuisine du marché (10,50 à 13 euros) du bistrot de la Brasserie de la Plaine…

Je vous vois déjà venir… “Et le soir ?”. Non. Non, non et non. À ce tarif, c’est mission quasi-impossible. Hors sandwichs, il y a bien le menu-carte complet d’O’Bidul (25 euros, vaillant triptyque cabillaud-polenta-choux chinois), un six tables tenu par un jeune barbu à lunettes qui fait tout (popote, service et plonge) mais en deçà… Cela dit, je connais une bizarrerie tout à fait plaisante. On s’éloigne de Marseille (Paris) mais c’est l’un des secrets les mieux gardés d’un chic quartier de la capitale. Dix euros le plat du jour et le chouette dessert à choisir depuis la vitrine dédiée. Terrasse comprise. En soirée, affirmatif. Allez, je suis bon joueur : le Petit Olivier rue du Cherche-Midi. A celui ou celle qui dénicherait fissa l’équivalent marseillais, je paie un coup. Tournée générale même ! Chiche ?

Commentaires

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  1. Timothé Dhont Timothé Dhont

    Pour le soir il y bien Salumeria Giuppo
    7 boulevard de la libération ou on donne le prix qu’on veut mettre pour manger (on doit pouvoir dire 10€) et ou le chef fait rentrer les plats dans les clous…je n’y suis pas allé depuis quelques temps mais ça doit encore fonctionner. Et c’est très bon ce qui n’arrange rien. Tournée générale ?

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    • The Sardinist The Sardinist

      Bien joué Timothé mais le concept existe aussi dans d’autres villes en France. Et puis, idée mise à part, il faudrait pour soutenir la comparaison un quartier marseillais… disons plus chic !

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  2. Mars1 Mars1

    Pourriez-vous indiquer les adresses précises des lieux évoqués ?
    Merci d’avance.

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    • The Sardinist The Sardinist

      Maison Geney : 38 rue Caisserie (13002)
      Chez Fanny : 27 Grand Rue (13002)
      Sylvain Depuichaffray : 66 rue Grignan (13001)
      Boudiou : 13 boulevard Louis Salvator (13006)
      La Corsoise : 29 rue Désirée Clary (13002)
      Brasserie de la Plaine, le bistrot : 59 rue 3 Frères Barthélémy (13006)
      O’Bidul : 79 rue de la Palud (13006)

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  3. Anouchka Anouchka

    Pour manger le soir à Marseille pas cher et bon : “sur le pouce” pour un couscous belsunce, “chez Nour” pour des mezze vers Longchamp, assiette chez mido sur le cours Julien ouvert jusqu’à tard, et il y en encore plein d’autres ! 😉

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    • The Sardinist The Sardinist

      Merci Anouchka 😉

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  4. Jean Luc Jean Luc

    Le midi, chez Ida, 7 Rue Ferdinand Rey, 13006 propose le plat du jour à 13€, plat + entrée ou dessert à 14, la totale à 16. Super accueil chaleureux et terrasse à l’étage.
    Le soir, “chez Fayrouz” 62 Cours Julien, propose une assiette de 8 ou 9 mezzes succulents (falafels à tomber) à 13€. Terrasse sous les arbres.
    Sinon, il y a pour les sandwich, le syrien 16 cours Julien qui propose des chawarma, macanek (saucissettes syriennes gouteuses), falafels, tout fait maison ( qualité très, très, très au dessus de Mido) pour 4 ou 5€. Bref, le meilleur snack de Marseille à l’accueil coloré et chaleureux.
    Et c’est “Chez Yacine”, 8 rue d’aubagne qui me fait gagner le verre gratos. Il propose, midi et soir, de 5 à 9€, ses kafteji, plat tunisien, leblebi(soupe de pois chiche + raz el hanout + ail + huile d’olive), ojja tous les jours. Mention spéciale pour l’agneau golla le samedi midi( à réserver par tel avant midi car en petite quantité), la rare mloukhia le jeudi. Accueil chaleureux, service ultra rapide, Zi adresse of Noailles

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    • The Sardinist The Sardinist

      Un demi-verre alors parce que Noailles n’est pas tout à fait le même type de zone que le rue parisienne mentionnée. Encore trop populo !

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