À la région, l’audit indépendant sur la SNCF a été réalisé par son concurrent
Dans son bras-de-fer financier contre la SNCF, le président du conseil régional Christian Estrosi puise ses arguments dans un audit qui chiffre le surcoût à 36 millions d'euros. Ce document, tenu secret, a été réalisé par Transdev, un rival de l'entreprise ferroviaire qui plaide pour l'ouverture à la concurrence. Il n'est que la première carte de la partie de poker menteur engagé entre tous ces acteurs.
À la région, l’audit indépendant sur la SNCF a été réalisé par son concurrent
Ce document pèse 36 millions d’euros. Jeudi, sur la base d’un audit commandé par le conseil régional, les élus ont validé une forte réduction du montant versé à la SNCF. “Les TER coûtent cher, trop cher, au contribuable régional, près d’1 million d’euros par jour”, a grincé le président Christian Estrosi (LR), pour qui cette démarche d’expertise permet de contourner le manque de transparence de l’entreprise publique : “La SNCF refuse de nous donner les justificatifs de ses surcoûts, pour la simple raison qu’ils n’ont pas lieu d’être.”
Dès le 5 octobre et l’annonce de sa volonté de “siffler la fin de la partie”, Christian Estrosi s’est par ailleurs empressé de défendre l’ouverture des TER à la concurrence et de demander au gouvernement de permettre une expérimentation dans certaines régions. “Le privé est prêt à sauter sur le rail”, titrait en une La Provence le jour de la séance du conseil régional. “Les 36 millions [d’économies] dont parle M. Estrosi seraient atteints”, assurait dans ses colonnes le directeur ferroviaire du groupe Transdev, Claude Steinmetz. Sans préciser que c’est son entreprise, concurrente potentielle de la SNCF, qui a élaboré cette estimation…
Pour le savoir, il a fallu une question de l’élue FN Anne Chevalier, qui s’étonnait que la délibération se contente de mentionner un “opérateur ferroviaire”. “Est-ce qu’il s’agit de Transdev ?”, a-t-elle interrogé. Le vice-président aux transports Philippe Tabarot n’a pu que confirmer.
Stratégie gagnant-gagnant pour la région et Transdev
Pour l’heure, la filiale de Transdev spécialisée dans le ferroviaire, CFTA, n’exploite que quelques lignes secondaires sous-traitées par la SNCF. Mais le groupe plaide depuis plusieurs années en faveur de cette ouverture à la concurrence des TER, assurant qu’elle permettrait aux régions d’économiser 15 %. Mené conjointement par CFTA avec le bureau d’étude Transamo et le cabinet de conseil financier aux collectivités territoriales FCL, l’audit pour la région PACA a donc l’avantage de servir ce propos…
La collectivité, qui l’a commandé en 2015 sous la mandature de Michel Vauzelle, y voit une expertise censément être indépendante et en tout cas solide, face aux prétentions tarifaires de son opérateur. “Vu comment la SNCF a réagi quand on a montré ce qu’on avait dans l’audit, je pense que les arguments étaient particulièrement pertinents et que nous avons fait un bon choix dans le cadre de cette procédure de mise en concurrence”, a plaidé en séance Philippe Tabarot.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’une telle conjonction d’intérêts se présente. En 2013, la région Lorraine avait déjà eu recours aux services de CFTA, dans une stratégie expliquée à Mobilicités par son vice-président Patrick Hatzig (PCF) : “Si la SNCF conteste cet écart de coût – ce dont je suis sûr – elle devra nous fournir les preuves de ses calculs et nous expliquer point par point pourquoi nous payons 165 millions d’euros par an.”
Un audit tenu secret
Cette démarche de transparence ne va cependant pas jusqu’à l’audit lui-même. La SNCF assure qu’elle “n’a pas eu accès en détail” à ce fameux document… Pas plus semble-t-il que le groupe Front national. Ce dernier a cependant décidé jeudi d’accorder un “vote de confiance” et soutenir ce bras-de-fer, malgré des “interrogations sur le calcul”. Marsactu, qui avait demandé la communication de l’audit dès le 5 octobre, jour de la conférence de presse où Christian Estrosi (LR) avait “sifflé la fin de la partie”, n’a pas été plus chanceux. À la place, nous avons été les destinataires tardifs d’une courte note de deux pages, remaniée trois fois si l’on en croit le titre – “note V3” – du document. Raison officielle : secret industriel et commercial. Ne reste dans cette synthèse que quelques considérations générales.
Dans cette partie où chacun masque son jeu, la SNCF n’est pas en reste, surtout quant les informations sont susceptibles de profiter à un concurrent. “Nous avons un devoir de transparence dans le cadre de la convention qui nous lie avec le conseil régional. Nous allons même au-delà de nos obligations légales, nous assure-t-on à la direction régionale. Mais dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, on ne va pas ouvrir nos livres de comptes ! Il y a quand même quelques données industrielles et commerciales que l’on n’est pas obligés de fournir.” Même pour 36 millions d’euros ?
Article actualisé le 15 novembre avec la mention de la date de la commande de l’audit, sous la mandature précédente.
Commentaires
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Marsactu pourrait-il peut être saisir la CADA pour avoir accès à la version intégrale de l’audit?
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Bonjour,
nous envisageons cette démarche, mais comme le note CAN L2, la CADA est souvent sensible aux arguments de protection du secret industriel et commercial.
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Pour prolonger un peu cet article, un document qui montre qu’on peut exploiter des lignes ferroviaires régionales à moindre coût que la SNCF : http://www.cerema.fr/quelles-modalites-d-organisation-pour-les-petites-a1616.html
Mais, évidemment, pas avec la même organisation du travail…
J’ajoute juste une précision sur Transdev. Si, en France, ce groupe n’exploite que quelques lignes secondaires, on aurait tort de réduire son expérience ferroviaire à celles-ci. Dans d’autres pays où la concurrence est ouverte, il est chargé de faire fonctionner de véritables réseaux de trains régionaux. C’est ce qui en fait un expert crédible pour l’audit demandé par la Région – mais un peu juge et partie tout de même, puisqu’il s’agit en effet probablement d’un futur concurrent de la SNCF.
Enfin, la réponse de cette dernière à la demande de transparence de la Région m’étonne. La contrepartie du monopole devrait être l’ouverture totale des livres de comptes devant celui qui paie. Il est un peu facile de prétexter la perspective de l’ouverture à la concurrence pour s’y refuser. D’autant plus que la transparence n’était pas non plus le souci premier de la SNCF lorsqu’on ne parlait pas encore de mettre fin à son monopole…
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Deux questions
– TRANSDEV a facturé combien la démolition de son concurrent ?
-Leur expertise irait elle jusqu’à la rédaction eventuel d’appel d’offre ?
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Bonjour,
selon l’avis d’attribution, la valeur du marché est de 172 350 euros, dont 116 000 euros sous-traités aux cabinets Transamo et FCL.
Une précision : le marché a été attribué en mai 2015, soit sous la mandature de Michel Vauzelle.
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David, Il est usuel que la CADA occulte de nombreux passages au motif de protéger le secret industriel.
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secrets industriels, oublis, audit partial….m’est avis que le train de la duperie n’est pas encore entré en gare de la transparence à l’image de cette vie politique qui n’en finit plus de se déliter…..Voici comment un Président au prénom de canard se retrouve détenteur des codes des ogives nucléaires au pays de Walt Disney……De quoi donner des idées à la papesse d’Hénin-Beaumont !
Si les politiques ne prennent pas le contre-pied de ces sales habitudes alors la voie est toute tracée!
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Ce n’est pas inutile, je pense, de faire apparaître en plus évident que la commande l’audit a été effectuée par la Présidence Vauzelle
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Bonjour, vous avez raison, nous avons modifié l’article en conséquence.
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