Dans la Nerthe, Lafarge offre 90 hectares de colline contre un échangeur autoroutier
Ce jeudi, Lafarge a signé un protocole d'accord avec le conservatoire du littoral. Le texte prévoit la cession de 90 hectares dans le massif de la Nerthe. En échange, une bretelle d'accès depuis l'autoroute pour que les camions accèdent directement aux carrières sera réalisée. Les riverains ont découvert au dernier moment que cette clause était inscrite noir sur blanc dans la convention.
Dans la Nerthe, Lafarge offre 90 hectares de colline contre un échangeur autoroutier
“Joli mariage à trois”. Tout sourire, Samia Ghali pose sur ce qui ressemble presque à une photo de famille, derrière le préfet, la directrice déléguée du conservatoire du littoral et le directeur foncier de Lafarge. En arrière-plan également, le député Henri Jibrayel ainsi que la représentante du comité d’intérêt de quartier. En lieu et place du registre de mariage, c’est un protocole d’accord qui est signé par l’industriel et l’établissement public dont la mission est d’acquérir des terrains en vue de leur protection environnementale. Le tout se fait sous le regard bienveillant du préfet Bouillon. Dans le cas d’espèce, le gestionnaire de carrières à la Nerthe cède 90 hectares sur le site – pour environ 270 000 euros – afin qu’ils soient rendus à la nature et à ses usagers.
Chacun se félicite de cet accord, aboutissement de plusieurs années de négociations afin de voir ces terrains, qui comptent notamment la ferme Cossimond, rendus au public. Pour que l’union soit possible, le préfet a dû en revanche amener une dot : un échangeur autoroutier pour desservir l’exploitation. Lafarge en rêve depuis longtemps. C’est désormais noir sur blanc. Et c’est même une clause suspensive. La réussite du mariage est donc conditionnée à ce morceau de goudron.
Condition suspensive
“L’ensemble des dispositions de cet accord sont subordonnées à la réalisation d’un demi-échangeur sur l’autoroute A55 au niveau du pont dit des chasseurs, précise bien le document. Le caractère définitif des décisions administratives autorisant le dit projet purgé de tout recours contentieux constituera la condition suspensive à rédiger dans la promesse synallagmatique de vente à intervenir entre les parties”. En somme, résume le préfet “la prise de propriété sera effective dès que les procédures pour cet équipement auront été menées à bien”. Si Lafarge paie les aménagements qui ne desserviront que son site, une enquête publique devra intervenir avant que le préfet ne donne le feu vert. Le tracé, quant à lui, est arrêté.
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“L’échangeur c’est un plus”
“C’est du gagnant-gagnant plutôt que du donnant-donnant, défend le préfet. Lafarge a besoin de l’échangeur. L’un fait levier sur l’autre, c’est pour cela que l’on signe un protocole”. François Maubert, directeur foncier de Lafarge, s’en réjouit : “Cela arrange tout le monde. L’échangeur, c’est un plus. Cela ne remettait pas en cause la pérennité du site mais il y a longtemps qu’on y travaille. Nos clients en rêvent car aujourd’hui les camions sont obligés de faire un détour de plus de 15 kilomètres”.
Présente sur la photo, la présidente du comité d’intérêt de quartier Marie-Blanche Apercé, est heureuse de voir les 90 hectares restitués. Sur le moment. Car elle a découvert cette condition suspensive à l’issue de la signature. “Nous n’avons pas eu le texte du protocole d’accord, déplore-t-elle. Nous subissons cette clause. Cela donne l’impression d’avoir été manipulés. On savait que Lafarge voulait cette condition mais pas que ce serait dans le document. Ce n’est pas correct de conditionner la cession. C’est une manière de mettre la pression sur la population en vue de l’enquête publique : Si vous nous laissez faire l’échangeur, nous vous rendrons les terrains”.
Si elle n’apprécie pas la méthode, la représentante des riverains, à l’image de ses voisins, avoue être partagée sur la question de l’échangeur. Elle est notamment sensible à l’argumentation de Lafarge sur la réduction des nuisances liées aux camions. La mairie de secteur s’est dite favorable, pour sa part, à la construction de cet aménagement, à condition qu’il reste à usage privé. “Dans l’idéal, nous aimerions le mettre en service dans moins de cinq ans”, avance sans sembler trop y croire, François Maubert. Voilà qui pourrait laisser aux collectivités le temps de s’intéresser à la ferme Cossimond, que les riverains rêvent rénovée et ouverte au public. Les lézards ocellés ont encore un peu de temps à attendre avant de se dorer au soleil sans craindre les motos cross et les 4×4 des chasseurs.
Commentaires
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Etrange sentiment à la lecture de l’article : sur le fond, le résultat de la transaction n’est pas mauvais…règlement du problème de circulation des camions dans une zone inadaptée et en même temps préservation d’un patrimoine vert, si précieux après l’été désastreux en terme de feux de forêts. Par contre, sur la forme je suis plus sceptique. Le bétonneur obtient ce qu’il souhaite depuis des années en réalisant une vente qu’il conditionne à la mise en place d’une bretelle d’autoroute, le tout en ayant omis de prévenir la représentante des riverains ….c’est vrai, après tout, quel intérêt de parler aux petites gens qui feront, de toute façon, ce qu’on leur dit de faire…
Au final, le système gagnant/gagnant a bien fonctionné, surtout pour le bétonneur qui aurait pu céder le terrain à titre gracieux au regard des 220 000 euros qui ne représente qu’une goutte d’eau au regard du poids planétaire de ce géant de la construction. Encore une occasion ratée de se faire de la pub à moindre coût !
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