TANT QUE LE BAL CONTINUE…
Extrait de l’article de La Provence :
Ce n’est pas coutume, un homme a fait l’unanimité. Les choses comme à l’ancienne, les élus marseillais comme ceux du reste du territoire se sont levés pour dire au revoir à Didier Khelfa après près de vingt années à s’occuper des finances de la communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne puis de la Métropole.
« Il a pris cette mission ingrate, il s’est retrouvé avec une coquille vide », a résumé Joël Canicave, adjoint aux finances à Marseille. Avant de saluer le travail accompli : « Il a été loyal et a su faire entendre la voix de Marseille. »
Comprendre : il a été le bon soldat d’une métropole qui refuse de se réformer, qui refuse de revoir les attributions de compensations et qui a su apporter une réponse pour que Marseille puisse toucher sa part du grisbi.
Il démissionne de son mandat d’élu pour être recruté DGA de la métropole.
Voilà voilà …
La politique à l’ancienne dans toute sa splendeur, malgré la mise à l’index de l’État, un rapport de la Chambre Régionale des Comptes détonnant, tous les élus se tapent le ventre de la bonne gestion.
Et pourtant, créée en 2016 par fusion forcée de 6 intercommunalités hétérogènes, notre Métropole Aix-Marseille-Provence (AMP) affiche aujourd’hui un bilan calamiteux. Dès ses premières années, ses défauts structurels étaient pointés du doigt : un enchevêtrement de compétences peu lisible, une gouvernance lourde et morcelée, et une situation financière empêchant tout investissement à la hauteur des besoins.
En 2021, le Président Emmanuel Macron lui-même a conditionné le plan d’aide « Marseille en Grand » (1,5 milliard d’euros) à une remise en ordre drastique de l’organisation métropolitaine : l’État « financera à la condition qu’on règle les problèmes d’organisation et de gouvernance » de la Métropole.
La métropole qui devrait un outil de solidarité entre communes riches et pauvres, est en réalité devenue un monstre administratif au service des intérêts particuliers et politiques de ses membres, incapable de mener les projets structurants indispensables au territoire.
Face à cette impasse, le gouvernement a engagé en 2022 une réforme institutionnelle via la loi dite « 3DS » (Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification, rien que ça…). Le Premier ministre d’alors (on ne sait plus qui…) a fixé trois chantiers prioritaires pour refonder la Métropole : « la simplification de la gouvernance métropolitaine, la clarification de la répartition des compétences entre la métropole et les communes membres, et la révision des relations financières » entre celles-ci.
bon bah c’est loupé…
Toutefois la loi 3DS avait acté la suppression des six Conseils de territoire effective au 1ᵉʳ juillet 2022 ce qui a été effectivement fait pas sans mal et sans embuches pour les services et les systèmes d’informations.
La loi demandait aussi de revoir donc les relations financières entre la métropole et ses 92 communes. Un nouveau pacte financier devait être élaboré, sous l’égide de l’État, incluant une nécessaire révision des attributions de compensation versées aux communes.
QUE DALLE…enfin … presque que dalle : le nouveau pacte financier a effectivement été fait, pour tout simplement grossir le gâteau pour que Marseille puisse également avoir sa part du grisbi via une Dotation de Solidarité Communautaire (DSC) désormais de 40M€ par an.
Comme ça tout le monde est content.
Qui prendrait cette responsabilité de réformer la métropole ?
Dans l’état de nos élus actuels, personne. La résistance des élus historiques de tout bord a fait le job. Le constat d’ensemble est pourtant sans appel : la Métropole a été littéralement siphonnée par ses communes membres.
L’avis de la Chambre régionale des comptes (CRC), commandé dans le cadre de la loi 3DS, révèle qu’en 2021 c’est près de 178 millions d’euros, soit près de 30 % des sommes versées chaque année aux communes, « qui n’auraient pas lieu d’être » par rapport à une stricte compensation des charges transférées.
Bref…
Historiquement, brièvement parce que de nombreux articles ont été rédigés sur le sujet, l’attribution de compensation est le mécanisme prévu pour neutraliser l’impact financier du transfert de la fiscalité locale vers l’intercommunalité : chaque commune doit recevoir de la métropole une somme équivalente à l’impôt professionnel qu’elle lui a cédé, diminuée du coût des services désormais pris en charge au niveau métropolitain. En théorie, l’opération est blanche pour les communes comme pour la métropole. En pratique, c’est tout l’inverse qui s’est produit à Aix-Marseille. La CRC n’a donc révélé qu’un secret de polichinelle : au lieu d’environ 453 millions d’euros annuels (montant normalement dû en 2021), la Métropole a donc versé plus de 630 millions cette année-là. La recette du scandale est désormais bien documentée dans le rapport. « Ces flux financiers se font au détriment de la solidarité territoriale », souligne la CRC, rappelant qu’Aix-Marseille-Provence est depuis sa création « l’une des métropoles les plus inégalitaires de France ».
Ces écarts délirants reflètent l’histoire fiscale de chaque territoire – Martigues ou Fos, par exemple, ayant longtemps perçu de confortables taxes industrielles – mais aussi l’inventivité de leurs édiles pour exploiter le système. Le pays d’Aix s’est même « spécialisé » dans la captation des ressources métropolitaines : depuis 2016, ses communes ont accaparé la quasi-totalité des subventions d’investissement accordées par l’institution, soit plus de 250 M€ injectés majoritairement sur un territoire pourtant déjà nanti (à Cabriès, l’une des communes d’Aix, le revenu moyen par habitant dépasse de 40 % celui de Marseille, et le taux de pauvreté y est cinq fois plus faible).
À l’inverse, Marseille se retrouve contributrice nette du système. La CRC note qu’en plus de n’avoir qu’une portion congrue des attributions de compensation (quelques dizaines d’euros par habitant), Marseille a été légèrement sous-dotée sur certains versements obligatoires (par exemple la subvention d’équilibre pour ses marins-pompiers). En somme, la plus grande ville et la plus pauvre de la Métropole finance les petites plus riches… voilà voilà … ça c’est le constat maintes et maintes fois décrié.
Dans ce jeu de dupes, et en s’appuyant sur la pression de l’État avec la 3DS, la ville de Marseille a profité du nouveau pacte financier pour, non pas demander la remise à plat de ces attributions de compensation, mais d’exiger une part du pactole.
Le courage politique …
Cette part du pactole porte un nom très technocratique : la dotation de solidarité communautaire (DSC).
Un accord acté en 2022 prévoit que la dotation de Marseille passera à 30 M€ en 2024, puis 45 M€ en 2025. Reste une question délicate : qui paiera la note ? La Métropole, exsangue, va devoir dégager de nouvelles marges financières équivalentes (22,5 M€ dès 2023, puis bien davantage), tout en sachant que les maires ont voté qu’il n’y ait pas d’augmentation des impôts pour financer cette nouvelle DSC. En clair, cette solidarité nouvelle devra être financée à budget constant et sans toucher aux attributions de compensations, donc par des économies ou redéploiements internes. Personne ne veut assumer la responsabilité d’une réforme en profondeur, car chacun craint d’y perdre son avantage acquis, ajouter à ceci des accords politiques qui font que tout le monde se tient main dans la main.
Le tableau d’ensemble est donc celui d’une classe politique locale complice du statu quo, malgré les effets de manche. Chaque maire, chaque faction défend son pré carré : on s’écharpe sur la répartition du gâteau métropolitain, mais aucun acteur ne pousse à changer la recette en profondeur. D’ailleurs, la perspective d’une réforme institutionnelle plus ambitieuse (par exemple une refonte du périmètre métropolitain, ou une fusion Métropole-Département) reste floue et lointaine. Le constat aujourd’hui, les finances métropolitaines restent grevées par des engagements dispendieux – plus de la moitié de ses ressources filent encore dans les caisses communales. et malgré tout cela, la métropole parvient à se désendetter, certains applaudissent cela comme de la bonne gestion, les mêmes dénoncent dans le même conseil métropolitain la politique misérable sur le transport et le logement de la métropole.
Personne, hélas, ne semble prêt à prendre ses responsabilités pour remettre à plat ce système défaillant.
Au contraire : main dans la main, beaucoup de nos élus locaux préfèrent donc encore en profiter un peu, tant que cela dure, quitte à sacrifier l’intérêt général sur l’autel des avantages particuliers politiques locaux.
A suivre …
Commentaires
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Merci pour cette excellente analyse
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Analyse parfaite. Et comme la démagogie, ça paie électoralement plus, à court terme, que le courage politique, la métropole vient encore de réduire ses ressources en instaurant la “gratuité” des transports, sans condition de ressources, pour les personnes de plus de 65 ans et les enfants jusqu’à 10 ans. Pourquoi ? Parce que tel est le bon plaisir de la présidente.
On n’attend pas d’elle le moindre courage pour remettre sur les rails les finances de l’institution qu’elle préside : elle a acheté son élection auprès des maires en leur promettant qu’ils pourraient continuer de vider les caisses.
Pendant ce temps, les finances du département se dégradent aussi, et les Bouches-du-Rhône font désormais partie du top 15 des départements dont la situation budgétaire est critique.
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