20 apprentis journalistes sur les traces de Jean-Claude Izzo

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le 24 Avr 2011
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20 apprentis journalistes sur les traces de Jean-Claude Izzo
20 apprentis journalistes sur les traces de Jean-Claude Izzo

20 apprentis journalistes sur les traces de Jean-Claude Izzo

« Marseille n’est pas une ville pour les touristes. Il n’y a rien à voir. Sa beauté ne se photographie pas. Elle se partage. » Ces quelques lignes de Jean-Claude Izzo ne collent certainement pas avec les projets municipaux de mettre la ville on the move avec les touristes. Mais pour les vingt étudiants de deuxième année de l’Ecole de journalisme et de communication de Marseille (EJCM) elle fournit une porte d’entrée vers « une vision de Marseille, ville complexe, multiple, désordonnée », comme l’annonce d’emblée l’éditorial du web-documentaire qu’ils ont mis en ligne avant de terminer leur cursus.

Onze thèmes traité « à hauteur d’hommes »

En page d’accueil, onze vignettes photos qui ouvrent vers une citation de l’auteur de la trilogie Fabio Montale, qui sert d’armature au webdoc, elles-mêmes menant à autant de thèmes, traités de manière variée : dessins, textes et graphiques pour Euromed, diaporama-interview vidéo pour La Friche, frise chronologique et archives Ina pour Fos, multitude de voix pour la Canebière ou Le Panier…

Pourquoi Izzo, l’un des plus célèbres représentants du polar marseillais, mais aussi ancien journaliste à La Marseillaise et grand amoureux de la mer ? « On a cherché le sujet de notre documentaire à 20, avec des idées dans tous les sens : la culture, dans l’optique de 2013, Marseille la nuit, l’exclusion, des enjeux urbanistiques comme Euroméditerranée et le devenir des quartiers du centre-ville. Et à la fin, tout à coup, quelqu’un a balancé : « sur les traces de Jean-Claude Izzo ». On s’est rendu compte que cela regroupait toutes les thématiques que l’on avait brassé », raconte Fanette Merlin, secrétaire générale de rédaction du projet.

Le déclic a aussi eu lieu « parce que l’univers d’Izzo nous avait tous plu, avec un regard très humain, sur les choses du quotidien », poursuit-elle. Ce qui a poussé l’équipe a vouloir « offrir un journalisme à hauteur d’hommes et de femmes », comme l’explique l’édito. « On a essayé d’éviter tous les « ogues ». Cette ligne de conduite a parfois été difficile à tenir, car par facilité, on va voir un sociologue, un politologue, un élu », complète Fanette Merlin.

Eviter le micro-trottoir et les clichés

Avec un risque : tomber dans une série de paroles de quidam sans profondeur. « Pour la Canebière, ils sont deux à avoir vraiment passé 24 heures, à parler à tous les gens qui vivent cet axe, et sont allés dans tous les quartiers de Marseille interroger les habitants sur leur vision de la Canebière, avec une problématique : « c’est quoi ce lieu connu dans tous les pays et qui en même temps déçoit ? Ce n’est pas un micro-trottoir fait en 30 minutes », argumente Fanette Merlin, qui a de son côté écumé la rue Curiol, à la rencontre de prostituées, des commerçants et des habitants du coin. A Fos, les étudiants ont passé la journée au bar des Amis, se laissant guider au gré des rencontres et des souvenirs d’anciens ouvriers, avant de remettre ça avec un couple arrivé du Val de Loire lors du grand chantier.

Autre risque, vu la manière dont les sujets sont listés en page d’accueil (le Panier, les cabanons, la bouillabaisse) : tomber dans le cliché. « On ne s’en est rendu compte que plus tard que cela faisait cliché, parce qu’on est vraiment parti d’un angle, d’une question, que l’on a après résumé. En même temps, Jean-Claude Izzo en parle tout le temps des cabanons, ça fait rêver, mais nous on ne sait pas vraiment qui vit dedans, on n’y a jamais mis les pieds, et on pense tout de suite au bord de mer alors qu’il y en a aussi à la montagne.«  Le tout donne le sentiment de remonter à la source des clichés, qui avant de l’être sont au coeur de la culture marseillaise, plutôt que de vouloir les briser.

Loin d’Izzo, loin du coeur

Au final, un constat frappe : le webdoc semble suivre les traces de Jean-Claude Izzo mais ne les rencontrer que fugitivement : l’emblématique patron du bar des Maraîchers, Hassan, est mort, « l’ambiance de village où tout le monde est dehors » du Panier n’existe plus que comme souvenir désabusé d’un chômeur habitant de longue date, les cabanons sont petit à petit détruits… « On arrive 15 ou 20 ans après les romans, et je pense que déjà au moment où il les écrit il parle d’avant. Mais c’est vrai que pour le Panier par exemple, c’est difficile de concevoir que les choses se soient fait si vite, c’est aussi pour cela qu’on a travaillé sur les prix de l’immobilier, pour tenter de comprendre », commente la n°2 du projet.

Izzo dont on suit les traces, mais que l’on rencontre finalement assez peu hormis les citations introductives. « Il était omniprésent à la conférence de rédaction, à ce moment-là on ne parlait que de ses bouquins, de sa biographie et c’est à partir de là qu’on a construit les sujets. Mais ensuite on n’a pas voulu en faire quelque chose de trop artistique », justifie-t-elle.

Qui reconnaît aussi que l’absence du grand banditisme et des affaires, coeur de métier du flic Montale, peut laisser un goût d’inachevé. « C’est un choix d’ordre pratique. On n’était pas tous d’accord, mais on a senti qu’on n’aurait, pour des raisons de temps et d’expérience, pas pu le traiter en allant au fond des choses ». Et d’ailleurs, n’est-ce pas le décor qui fait Izzo davantage que le polar en lui-même ?

Un lien Le site du webdoc et le site officiel de l’écrivain, animé par son fils Sébastien Izzo, où l’on retrouve une bio et biblio détaillée, des extraits d’articles, des photos…

Déclaration d’intérêt, comme on dit à Rue89 : je suis diplômé de l’EJCM et Marsactu accueille régulièrement, comme stagiaires (comme actuellement Arnaud Murtas) ou pigistes (comme Jean-Marie Leforestier, rédacteur en chef du webdoc, que l’on a donc évité d’interroger…), des étudiants de cette école.

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Commentaires

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  1. Jojomigrateur Jojomigrateur

    Si la trilogie de Jean Claude Izzo est excellentissime, je m’étais demandé s’il ne faut pas être marseillais pour apprécier toutes les subtilités de l’oeuvre. Il y a quelques années, j’avais emporté ces trois bouquins à Bornéo où pendant un mois et demi d’expédition, ils étaient devenus mes livres de chevet, lus à compte goutte à la lueur de ma frontale, le soir dans mon hamac. Ces polars avaient circulé entre les mains des membres de l’équipe qui n’avaient pas vraiment été séduits par le style de l’auteur.
    Ils n’étaient pas marseillais et cette différence d’appréciation vient peut-être de là…

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  2. fanaco fanaco

    impossible de lire les textes accompagnant les vignettes

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