150 euros par croisiériste ? Une étude commandée pour le prouver

Décryptage
le 21 Juin 2016
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Alors que les bassins Est accueillent ce mardi l'Harmony of the seas, plus grand bateau de croisière du monde, la question des 150 euros de retombées économiques par passager ressurgit. Ce chiffre est en réalité la déclinaison d'une estimation utilisée aussi bien à Barcelone qu'à Miami. Une étude, commandée par le club de la croisière, doit déterminer l'impact réel de l'activité à Marseille.

150 euros par croisiériste ? Une étude commandée pour le prouver
150 euros par croisiériste ? Une étude commandée pour le prouver

150 euros par croisiériste ? Une étude commandée pour le prouver

6 300 passagers et 2 100 membres d’équipage devraient, si tout va bien, accoster ce mardi à Marseille après une première arrivée annulée la semaine dernière pour cause de mouvement social. L’Harmony of the seas, 360 mètres de long, plus gros bateau du monde tout fraîchement sorti des chantiers de Saint-Nazaire, fera escale tout l’été une fois par semaine dans les bassins Est. Avec ses deux murs d’escalade, ses toboggans, sa tyrolienne, ses vingt restaurants, sa patinoire, il sillonnera la Méditerranée au départ de Barcelone.

1,7 million de passagers attendus cette année et les retombées économiques qu’ils charrient continuent de faire briller les yeux des politiques. Lors des auditions préparatoires au conseil municipal sur l’emploi, les élus ont reçu avec enthousiasme le président du club de la croisière Jean-François Suhas avec, au centre des discussions, le montant réel de ces retombées.

Les mêmes chiffres qu’à Barcelone ou à Miami

“Ces personnes qui sont sur les bateaux vont-elles dans nos hôtels ? Consomment-elles dans nos restaurants ? Combien d’emplois cela représente-t-il, au delà des guides ?”, interrogeait lors de ces auditions Marie-Arlette Carlotti. “C’est 150 euros par jour par croisiériste”, lui répondait alors succinctement l’adjoint à l’économie Didier Parakian reprenant un chiffre fort galvaudé. Il y a trois ans, Marsactu tentait déjà de décortiquer ce totem, interrogeant l’utilisation d’un coefficient multiplicateur. Les retombées totales sont calculées en ajoutant un “impact induit” proportionnel à l’impact direct (prestations portuaires et excursions) et indirect (dépenses sur place). Or, ce chiffre rond est plus une vue de l’esprit que le fruit d’un calcul savant.

Aujourd’hui, à l’heure où des investissements ont été faits pour accueillir ces grands paquebots, comme l’élargissement de la passe Nord ou la rénovation de la forme 10, ces évaluations au doigt mouillé ne semblent plus suffire. Une étude basée sur un échantillon à la sortie des bateaux est espérée pour la fin de l’année. La ville accueille en octobre Cruise 360, convention européenne des acteurs du secteur. “Vous l’aurez, quel que soit le résultat”, s’est engagé Jean-François Suhas face aux élus.

“Les chiffres utilisés sont les mêmes à Barcelone ou à Miami”, justifie-t-il, joint par Marsactu. Ces 150 euros émanent en effet d’une estimation internationale : “Sachez que dans le monde entier, quand on parle de croisière, on est entre 120 et 150 dollars par passager, mais les deux tiers sont dans l’espace industriel maritime.” Cela correspond aux droits de port, aux services portuaires, aux bagagistes, à l’approvisionnement…. Hop, le taux de change légèrement oublié et voici le tout gonflé d’un quart à un tiers.

Bons clients pour les taxis ?

“Qu’on soit à 135, 140 ou 145 euros par passager n’est pas la question. Avec 2,6 millions de passagers, Barcelone annonce un milliard de retombées économiques, et nous avec 1,5 million on en annonce 280 ou 300 millions. Eux ils exagèrent et nous on sous-estime”, défend Jean-François Suhas. Selon lui, et selon des chiffres qui émaneraient de la préfecture, les croisiéristes représenteraient par exemple 35 % de l’activité des taxis. “Et encore pour le moment, on ne compte pas la réparation navale, l’entretien des navires que l’on pourra bientôt amener à Marseille grâce à la forme 10.”

Quant aux dépenses sur place, la fourchette de 40 à 50 euros correspondrait selon lui aux “dépenses moyennes d’un touriste étranger, hébergement et nourriture à part”. “Pour la croisière, nous avons des chiffres de dépenses moyennes nettement inférieurs à ceux-là, tempère Julien Le Tellier, chargé de mission au plan bleu qui met en œuvre le plan action pour la Méditerranée des Nations unies. Pour les ports d’escale, l’ordre de grandeur serait de 30 euros par passager à terre, hors excursions”. Il rappelle aussi que ce montant varie considérablement entre les ports en tête de ligne, où les passagers embarquent et les ports d’escale, où les passagers s’arrêtent d’une demi-journée à une journée. Bien que cela fasse partie de ses ambitions, Marseille reste majoritairement un port d’escale, avec un nombre constant de 500 000 passagers en tête de ligne.

“Vous l’aurez, quel que soit le résultat”

“On observe des bateaux de plus en plus grands et une très forte concentration des compagnies de croisière. Elles maîtrisent toute la chaîne, depuis l’acheminement des passagers jusqu’à la consommation à bord y compris les excursions, poursuit Julien Le Tellier. La question qui se pose est ce qui reste en réalité sur le territoire. Nous avons eu des échos de villes en Grèce où les commerçants préfèrent fermer les jours où les croisiéristes sont là car ils envahissent la ville et n’achètent rien”. De l’autre côté de l’Atlantique, l’association Florida Caribbean Cruise a reçu en octobre dernier les résultats d’une étude sur l’impact économique commandée à un cabinet indépendant. Sur les 35 destinations et 45 000 réponses récoltées, il est déduit que la dépense moyenne des passagers est de 103 dollars, variant considérablement entre les escales. Concernant les dépenses effectuées, les montres et les bijoux arrivent largement en tête, devant les excursions, les habits et enfin la nourriture et les boissons.

Impossible pour l’heure de connaître le pourcentage de passagers qui restent sur le bateau pendant l’escale, profitant pleinement des nombreux équipements aménagés sur ces villages vacances flottants. Certains, comme cette étude de Plan Bleu, estiment que la moitié d’entre eux ne prennent pas la peine de descendre dans certaines villes et que 70 % des croisiéristes retournent déjeuner sur le bateau, profitant d’un séjour en pension complète. “Les trois-quarts des passagers débarquent selon la Cruise Lines International Association (CLIA)”, argumente le président du club de la croisière. Pour l’Allure of the seas, le commandant m’a dit qu’on était monté à 90%.” En mai 2015, lors de son escale inaugurale, les jacuzzis et multiples piscines débordaient pourtant en pleine journée. Avec une vue des plus originales sur la digue du large et la Bonne mère pour ceux du bon côté ou sur les tours pour les autres.

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Commentaires

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  1. BENEDICTE SWATON BENEDICTE SWATON

    Saluons quand même l effort fait par tous pour accueillir ces paquebots de croisière dans notre magnifique ville!

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  2. corsaire vert corsaire vert

    Vous les avez vu visiter la ville ces croisiéristes ( ils ne passent pas inaperçus )qui ont tout à bord pour dépenser le peu qu’ils ont budgétisé en argent de poche, hors le tout- compris- pension complète?
    On les trouve au centre bourse, aux terrasses du port ( sur la terrasse ), car des transports les dirigent mais peu faisant des achats ! au mieux ils achètent parfois deux ou trois vrais faux savons de Marseille sur le vieux port pour offrir aux amis en souvenir (pas trop amis quand même ) .
    Les Grecs qui reçoivent des croisiéristes depuis fort longtemps , ne sont pas dupes !
    Avez vous assisté à leur visite de Venise ? leur paquebot va jusqu’à la place St Marc , n’accoste même pas ,photos , puis demi tour , Venise c’est fait …et c’est désastreux pour la lagune , par contre la municipalité a encaissé une somme rondelette en taxes .
    Les navires se fournissent- ils lors des escales à Marseille ?
    Pour que cette enquête ne soit pas truquée il faudrait que tout soit vérifié : impact sur les commerces ,l’économie, sur l’environnement , les entrées dans les musés etc…mais il est fort probable l’ enquête soit bâclée, surtout si le résultat est déjà connu ! .
    Cela dit, que les croisières fassent escale c’est bien , pour le port surtout ,et cela donnera à certains peut être l’envie de revenir pour découvrir un autre Marseille, le vrai celui là , hors clichés .

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  3. Happy Happy

    C’est drôle, “150 euros par croisiériste” j’ai cru que c’était le montant de la subvention octroyée par M. Jibrayel pour envoyer les personnes âgées de son secteur faire un tour en bateau avant les élections.

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