Zineb Redouane, blessée par une grenade lacrymo et décédée à l’hôpital à Marseille
Décédée dimanche 2 décembre au bloc opératoire à Marseille, Zineb Redouane, 80 ans, avait été grièvement blessée au visage par une grenade lacrymogène lancée par des policiers dans son appartement samedi, en marge des manifestations. Selon l'une de ses voisines, Zineb a dit avoir été "visée" par "deux policiers" armés d'un fusil lance-grenades, alors qu'elle fermait ses fenêtres. Marsactu publie l'article paru le 4 décembre chez notre partenaire Mediapart.
Photo : Louise Fessard
Zineb Redouane, une femme de 80 ans, blessée samedi dans son appartement par des éléments d’une grenade lacrymogène tirée lors d’incidents sur la Canebière après les manifestations à Marseille, est morte dimanche 2 décembre au bloc opératoire de l’hôpital de la Conception.
Selon sa voisine Nadjia Takouche, Zineb Redouane, qui était consciente dimanche matin avant son opération, lui a affirmé avoir été visée par deux policiers avec une arme alors qu’elle fermait sa fenêtre au quatrième étage du 12, rue des Feuillants. Adjacente à la Canebière, cette rue est à l’entrée du quartier de Noailles (1er arrondissement).
“J’ai été à l’hôpital Conception le dimanche matin lui porter des affaires, avec une proche à elle”, explique Nadjia, qui a été entendue lundi par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Elle avait eu dix points de suture au-dessus de la lèvre jusque sur la joue côté droit et avait la mâchoire cassée. Elle avait aussi un gros hématome sur la poitrine. Mais elle était consciente et parlait. Elle disait : “Mais comment ils peuvent tirer au quatrième étage ? Les policiers m’ont bien visée. Ils ont tiré avec un pistolet, puis ils sont montés dans la voiture et sont partis. Peut-être qu’ils pensaient que j’avais le téléphone portable pour filmer.” “
“Elle était défigurée, comme si on l’avait tapée, dit Fatiha, une amie de Nadjia, également présente à La Conception dimanche. Elle parlait un peu. Elle a dit qu’elle allait déposer plainte, que les policiers l’avaient visée sur son visage.”
Transportée à l’hôpital de La Timone, puis à l’hôpital de la Conception, la vieille dame y a été opérée, mais est décédée “d’un choc opératoire”, a déclaré à l’AFP le procureur de la République à Marseille, Xavier Tarabeux, qui n’a pas retourné nos appels. “On a retrouvé chez elle des plots de grenades”, a ajouté le procureur. Mais “à ce stade, on ne peut pas établir de lien de cause à effet entre la blessure et le décès”. L’octogénaire a été victime d’“un arrêt cardiaque sur la table d’opération”, a précisé Xavier Tarabeux à Reuters, dans la soirée, ajoutant que l’autopsie avait révélé que le “choc facial n’était pas la cause du décès”.
L’enquête judiciaire a été confiée par le procureur à l’IGPN, la police des polices, qui a entendu plusieurs voisins lundi.
L’avocat marseillais Salim Moussa, contacté par une proche de Zineb, explique à Mediapart que la vieille dame “s’apprêtait à fermer les volets, quand elle a reçu une bombe lacrymo au visage”. “Il existe un doute sur une possible faute médicale, avec une dose importante d’analgésiques qui a pu causer sa mort”, ajoute-t-il.
Nadjia Takouche © LF
Nadjia Takouche, sa voisine du troisième étage, revenait juste du Vieux-Port où elle avait été gazée avec son fils, sa belle-fille et leurs enfants, alors qu’ils étaient sortis “pour se promener”. “On allait prendre un banc en face de la mairie, il y avait la CGT mais c’était calme, et là une grenade lacrymo est tombée à côté de nous.” Ses deux petits-enfants, un bébé de deux mois en kangourou et la petite fille de deux ans, ont selon elle été hospitalisés à La Timone.
“J’avais fait un malaise sur le Vieux-Port, affirme-t-elle. Depuis 17 h 30, il y avait des tirs de lacrymo, les casseurs remontaient par la Canebière. Zineb m’a ramené une bouteille de lait et m’a dit de prendre deux verres de lait, puis elle est remontée fermer sa fenêtre. Elle m’a dit : “Repose-toi, je redescends prendre le café avec toi.” Elle a commencé à frapper des pieds et à crier à l’aide : “Nadjia, Nadjia.” J’ai ouvert sa porte, elle m’a dit : “Viens, je suis attaquée par deux policiers en face du C&A.” Elle était devant la porte de la salle de bains, trempée de sang.”
C’est le voisin du deuxième, Khadda, un ouvrier de 43 ans, qui a appelé le 17 “vers 18 heures”. Seul avec son fils, il a préféré ne pas monter par peur d’effrayer le petit à la vue du sang.
“Une ambulance a accompagné Zineb à La Timone, explique Nadjia Takouche. Il y avait trop de fumée, c’était noir dans sa chambre. Il y avait aussi un policier municipal, qui a appelé les pompiers pour enlever la fumée. Zineb lui a donné les clefs de chez elle. Je suis rentrée chez moi car j’avais la gorge esquintée. Les pompiers sont montés avec un tuyau. Ensuite Zineb a été transférée à la Conception à 4 heures du matin dimanche pour être opérée de la mâchoire.”
Nadjia Takouche n’a pas vu la grenade lacrymogène dans l’appartement, mais Zineb la lui a ensuite décrite à l’hôpital de la Conception, le dimanche matin, alors qu’elle attendait d’être opérée à la mâchoire en début d’après-midi. “Elle a dit que la lacrymo était comme une grande bouteille plastique.” Selon elle, les enquêteurs de l’IGPN sont venus lundi matin dans l’immeuble et n’ont pas retrouvé la grenade lacrymogène. “Peut-être les pompiers ou le policier municipal l’ont prise samedi”, dit-elle. Elle pleure : “La pauvre, elle n’a rien fait.”
Au premier étage, Adla, 58 ans, dont les fenêtres donnent de l’autre côté, n’a rien vu de la scène. “On entendait les bombardements dehors comme le 14 Juillet, j’ai entendu les cris”, décrit-elle. Elle est alors montée au troisième et a découvert sa vieille voisine en sang assise sur le palier. “Elle a perdu peut-être deux litres de sang, il y avait trop de fumée, elle ne pouvait pas rester chez elle.”
Pour la troisième fois après le drame de la rue d’Aubagne, une marche a réuni samedi à Marseille des milliers de personnes contre l’habitat indigne à Marseille, aux cris de “Gaudin assassin” et demandant “la réquisition des logements vides” (lire le reportage de Marsactu). À son passage sur la Canebière, quelques centaines de « gilets jaunes » ont applaudi le cortège. La manifestation a aussi eu le soutien du cortège de la CGT, qui défilait parallèlement dans la rue piétonne Saint-Ferréol. “Nous avons fait une manifestation historique, encore plus nombreuse que les précédentes, réunissant des jeunes de quartier, des militants d’extrême gauche, des syndicalistes et des gilets jaunes”, nous expliquait dans la matinée Kevin Vacher, du collectif Noailles en colère et militant insoumis, avant que l’on apprenne la mort de la vieille dame.
Dispersée par la police sur le Vieux-Port, la manifestation a ensuite dégénéré en émeute jusque dans la soirée avec des barricades et une voiture de police incendiée. Sur la Canebière il y avait, selon une source policière, des CRS et des policiers de la sécurité publique. “La situation était très tendue, c’était bouillant, on a pris des pavés”, explique cette source. 26 interpellations ont eu lieu à Marseille.
Une autre source policière marseillaise indique que les lance-grenades sont désormais conçus avec un coude pour éviter les tirs tendus et ne peuvent tirer qu’en parabole. “Normalement ça sert à défendre contre des assaillants, pas à tirer sur un immeuble et comme ça part en parabole, ça semble compliqué d’atteindre un quatrième étage”, dit cette source, sceptique sur l’origine du projectile qui a blessé la vieille dame.
“C’était la panique chez les policiers, ils ont tiré des lacrymos partout, décrit Mohammed Elkurti, employé de l’épicerie “Day to day” au rez-de-chaussée du 12, rue des Feuillants. Les policiers tiraient en l’air avec le lance-grenades. C’était vers 19 heures. La dame du quatrième étage voulait fermer la fenêtre, tellement elle a eu peur. Je l’ai entendue crier. Nous, on a mis le transpalette devant l’entrée pour protéger le magasin.”
Les employés de la pharmacie voisine ont également fermé les portes vers 19 heures. “On a vu de la fumée blanche, nous avons soigné les gens qui étaient entrés se protéger, explique une employée. Les manifestants étaient plus haut sur la Canebière, les rues étaient désertes avec des CRS.”
Veuve, Zineb, 80 ans, vivait seule dans son appartement au 4e étage, ses cinq enfants vivant en Algérie et en Égypte. Ses voisins et les commerçants interrogés la décrivent comme une femme “gentille” et “charmante”. “C’était une dame instruite, qui avait eu deux hôtels et un salon de coiffure à Paris et a été ruinée, décrit Nadjia. Elle avait perdu un fils à 28 ans et son mari.”
Opérée à plusieurs reprises au cœur, la vieille dame portait un stimulateur cardiaque et était diabétique, selon nos informations. “Elle allait bien, nuance une autre voisine, Adla, 58 ans. Elle allait manger au snack presque tous les midis. Elle était allée la veille au Centre Bourse et là elle voulait aller à la préfecture pour faire renouveler ses papiers.”
Louise Fessard
Commentaires
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C’est terrible !!! Paix à son âme, et courage à sa famille. J’espère que la justice fera son travail !!!
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ne rêvez pas les auteurs du tir sont certainement des policiers.
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La qualité des sources policières…
Pour réaliser un tir tendu avec un lanceur cougar, il suffit de le retourner (c’est écrit dans le mode d’emploi du constructeur) https://twitter.com/taranisnews/status/777132071684870149
Et des lacrymos, ils en ont balancé sur les façades mais aussi sur les toits du quai de Rive-Neuve par exemple.
La gars raconte vraiment n’importe quoi.
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Complètement d’accord avec vous, Tarama.
Du coup, j’en reviens toujours à la même remarque (concernant l’article): pourquoi citer des sources si celles-ci ne sont pas fiables? Cela revient à donner du crédit aux fake news!
Je m’explique: personnellement, j’ai tendance à faire confiance aux autorités (et au journalistes de Marsactu), donc en lisant les explications de la “source policière”, je me suis mis à douter de la véracité des faits racontés. C’est en me rendant sur le Vieux-port samedi après-midi pour découvrir de mes propres yeux que les grenades lacrymogènes tirées par la police montaient facilement jusqu’au 4e étage — et qu’elles étaient tirées sans aucun discernement.
Donc pour résumer, bravo et merci pour cette enquête de voisinage très instructive. Mais pourquoi diable discréditer votre travail en y mêlant les mensonges de votre “source policière” ?
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Désolé, j’aurais dû me relire avant. La même chose en français:
Complètement d’accord avec vous, Tarama.
Du coup, j’en reviens toujours à la même remarque (concernant l’article): pourquoi citer des sources si elles ne sont pas fiables? Cela revient à donner du crédit aux fake news!
Je m’explique : personnellement, j’ai tendance à faire confiance aux autorités (et aux journalistes de Marsactu), donc en lisant les explications de la “source policière”, je me suis mis à douter de la véracité des faits racontés. C’est en me rendant sur le Vieux-port samedi après-midi que j’ai pu découvrir de mes propres yeux que les grenades lacrymogènes tirées par la police montaient facilement jusqu’au 4e étage — et qu’elles étaient tirées sans aucun discernement.
Donc pour résumer: bravo, Louise Fessard, et merci pour cette enquête de voisinage très instructive. Mais pourquoi diable discréditer votre travail en y mêlant les mensonges de votre “source policière” ?
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Dans la Provence du 4 décembre on peut lire :
– “A ce stade, on ne peut établir de lien de cause à effet entre la blessure et le décès ” a noter dans un premier temps le procureur qui a saisi l’IGPN… Hier soir le parquet a toutefois affirmé que l’autopsie réalisée dans la journée montre que “le choc facial n’est pas la cause du décès”- voulant imputer la cause de ce décès à un choc opératoire
Dans Libération en date du 4 décembre on lit également une déclaration de M. Jean-Marie Allemand, secrétaire régional du syndicat de policier Alliance qui déclare entre autre : “Que ce soit l’éclat qui l’a mené à l’hôpital, cela ne semble pas faire de doutes. Mais est-ce que sa mort n’est pas due à un problème opératoire, du fait de son grand âge ?”.
On constate ainsi une convergence total entre Police au Justice qui ne sont plus ici au service de la République (res-publica, chose publique ce qui appartient à tous) mais au service de Macron et des riches et richissimes.
Par ailleurs, la mort de Rémi Fraisse était-elle due à son grand âge ?
Il est urgent que l’usage des gaz lacrymogène et de toute arme létale soit interdit si l’on veut revenir dans un régime républicain.
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Quant on songe combien il est difficile en général de faire admettre la possibilité d’une erreur médicale on ne peut que relever l’empressement du Procureur qui, sans plus d’examen valide l’hypothèse d’une erreur médicale comme cause du décès de cette dame. Quels sophismes pour dédouaner la Police de la responsabilité de cette bavure révélatrice.
Et sans exprimer le moindre regret devant la mort de cette vieille dame du fait d’une action de la Police censée protéger la population. Comment garder son calme devant autant de cynisme et de servilité?
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“L’octogénaire a été victime d’“un arrêt cardiaque sur la table d’opération”, a précisé Xavier Tarabeux à Reuters”
Comme si la mort n’était pas TOUJOURS un arrêt cardiaque qui est plutôt la conséquence et le signe du décès. Que de contorsions pour essayer d’effacer l’acte policier qui est la cause IMMEDIATE de la présence de cette dame sur la table d’opération.
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Si elle n’avait pas reçue une grenade lacrymogène en plein dans la figure il n’aurait pas été necessaire de l’hospitaliser ! Au fait où en est l’enquête de l’IGPN ?
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