Visa al Paraiso : retour sur Marseille la résistante

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par Lagachon
le 10 Avr 2011
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Visa al Paraiso : retour sur Marseille la résistante
Visa al Paraiso : retour sur Marseille la résistante

Visa al Paraiso : retour sur Marseille la résistante

L’association Solidarité Provence-Amérique du Sud (Aspas) a projeté, dans le cadre des Rencontres du cinéma Sud-américain, « Visa al Paraiso » (Visa pour le paradis) à la Friche Belle de Mai, un documentaire de Lillian Liberman sur l’action à Marseille du consul du Mexique en France de 1939 à 1944 : Gilberto Bosques.

Cet homme qui fut en poste ici de 1940 à 1942 sauva des milliers de Républicains espagnols, mais aussi Juifs, Libanais ou communistes. Tous condamnés à une mort certaine en Europe, il leur permit de rejoindre le Mexique en délivrant passeports et visas à tour de bras. Agissant au nom de la morale, d’une certaine idée de la diplomatie, et surtout avec le soutient total du gouvernement qu’il représentait, il négocia d’abord avec Vichy le sort de réfugiés espagnols, avant de venir au secours d’autres persécutés par la collaboration.

L’action de Gilberto Bosques, largement méconnue du grand public, est le reflet d’un Marseille solidaire et résistant dès le début des années 40. Pour en savoir plus, nous avons rencontré Robert Mencherini, ancien professeur de l’Université de Provence et chercheur à la MMSH (Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme), qui vient de terminer un ouvrage sur cette grande période de l’histoire marseillaise.

Marseille, dernière porte de sortie

David Rousset a écrit à propos de cette période que la France et l’Europe n’offraient «que deux portes de sortie : Marseille et Auschwitz». En effet, au fur et à mesure que les nazis avancent sur le continent, et que Franco gagne la guerre civile espagnole, les zones libres accueillent de plus en plus de réfugiés, et en première ligne le dernier grand port « libre » : Marseille.

Pour l’historien, impossible d’avoir des chiffres exacts car les recensements de l’époque ne sont pas d’une grande aide concernant des réfugiés illégaux. On sait cependant que la population de la ville et du département augmentent de manière significative. « Marseille est alors une ville surpeuplée, tout type de réfugiés y affluent : des opposants au Reich venant d’Allemagne ou d’Autriche, des Républicains espagnols s’étant échappés des camps, des intellectuels et surréalistes parisiens, des diplomates délocalisés en zone libre, des militaires polonais ou tchèques… dont beaucoup attendent de prendre un bateau pour quitter l’Europe.

Le Port fonctionne bien jusqu’en novembre 1942, mais ce n’est pas facile de partir pour autant : M. Mencherini explique « il faut un passeport, un visa de sortie de France, un visa d’entrée pour le pays de destination, les billets de bateau, et parfois même un visa de transit ainsi qu’une caution ! » C’est là que des hommes tels que Bosques vont jouer un rôle important : en délivrant faux passeports et visas. Mais ils ne sont pas les seuls à se mobiliser.

Ville résistante et solidaire

On assiste à un véritable élan d’entraide dans ces années difficiles. Le consul Bosques n’est pas un cas isolé dans le corps diplomatique, « le consul de Tchécoslovaquie délivre un nombre impressionnant de faux-passeports aux apatrides ». Mais il y a aussi de nombreuses organisations, souvent religieuses : protestantes (les Quackers, les unitariens, la YMCA), juives (l’OSE), ou catholiques (les Capucins, le couvent de la rue Edmond Rostand)…

Pour M. Mencherini, cet afflux de réfugiés, naturellement anti-nazi et anti fasciste, crée à Marseille un terreau favorable à la contestation, Marseille est ainsi « la première capitale de la Résistance ». « Ville de gauche, ouvrière, cosmopolite et violente, Marseille a beau accueillir le Maréchal avec ferveur, les documents (écoutes, rapports de police…) prouvent que les habitants ne sont pas du tout d’accord avec la politique de collaboration ». Il souligne que Jean Moulin est provençal, qu’il vient souvent à Marseille au début de la guerre, y rencontre Henri Frenay, bien avant de se baser en 1942 à Lyon pour pouvoir être plus au centre de la France.

On voit ainsi naître à Marseille dès le début de la guerre une mobilisation en résistance, en désobéissance au régime de Vichy. De tous ceux y ayant participé, Gilberto Bosques semble avoir été le plus actif, et c’est à ce titre que l’association ASPAS mène actuellement une pétition pour qu’une rue ou une place de Marseille porte son nom, et la mémoire de son action.

Après avoir été présenté en avant première européenne à Marseille, le film documentaire « Visa al Paraiso » va participer à de nombreux festivals et reviendra le 25 novembre à l’Hôtel de Région (renseignements association ASPAS).

Le livre « Résistance et Occupation (1940 – 1944) » est édité par les Editions Syllepse, sort fin avril mais est disponible dès maintenant en souscription au prix de 20€.

Rencontre et interview de la réalisatrice du film documentaire sur Le Grand Journal,  quotidien des francophones du Mexique

En savoir plus sur Robert Mencherini

En savoir plus sur l’association l’ASPAS

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Commentaires

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  1. jean-louis.m. jean-louis.m.

    Il faudrait exhumer le beau film “Transit” de René Allio, qui retrace, au moins en partie, ces faits-là, même s’ils sont romancés.

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  2. anne-marie l. anne-marie l.

    Rapide ajout d’adhérente de l’ASPAS:
    Le documentaire a obtenu le “Prix du public” ( votes et notes des spectateurs sur tous les films en “compétition” ). En 2011 le public marseillais a réagi fortement , fort ému ( les deux filles du Consul qui intervient dans le documentaire -centenaire-et avait filmé lui-même des images de Marseille étaient présentes et ont insisté sur les contacts permanents de leur père avec les “patriotes” résistant en bien des réseaux), ne pouvant s’empêcher aussi de faire des relations entre ces années de guerre et notre actualité.
    Le film et le livre “Transit” ont été évoqués , bien entendu. Mais à voir, revoir aussi : “L’opération Sultan” et…”Le chagrin et la pitié”…
    La réalisatrice du documentaire dans son interview explique ses difficultés à distribuer le film en France par les difficultés qu’ont les Français(e)s à assumer cette période et en particulier le sort des républicains espagnols croyant pouvoir trouver en France un refuge et enfermés dans des camps sinistres ( évoqués en images et mots dans le documentaire).
    Ne ratez pas prochaine projection, avec débats…( voir le site ASPAS!)
    aml

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