Violences à la marche de la colère, manifestants et policiers se rejettent la faute

Actualité
le 16 Nov 2018
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8000 marseillais ont manifesté mercredi soir contre la politique de la ville de Marseille en matière d'habitat indigne. Une marche entachée par de violents affrontements à l'arrivée devant l'hôtel de ville. Le collectif organisateur dénonce une réaction disproportionnée des policiers, qui évoque eux "200 individus" agressifs.

Mercredi soir, les CRS déployés devant l
Mercredi soir, les CRS déployés devant l'hôtel de ville.

Mercredi soir, les CRS déployés devant l'hôtel de ville.

Fierté et déception. C’est dans cet état d’esprit que les organisateurs de la marche de la colère faisaient le bilan devant la presse. Fierté d’avoir réussi à réunir 8000 personnes autour de la question cruciale du mal-logement. Déception de la voir se finir dans des affrontements avec la police. “La seule chose que l’on regrette c’est de ne pas avoir pu faire notre minute de silence et les prises de paroles prévues”, souligne ainsi Kevin Vacher, un des organisateurs. Ils en appellent au préfet dans une volonté d’apaisement.

S’ils se déclarent “contre toutes les violences”, les organisateurs estiment que la réaction des forces de l’ordre face au cortège a été disproportionnée. “Quelques pétards ça ne méritait pas une véritable guérilla avec des gens chassés jusque dans la rue d’Aubagne, a déclaré Fathi Bouaroua, ex-délégué régional de la Fondation Abbé Pierre et membre du collectif. Il n’y avait pas de black blocks, ce n’était pas une manif de casseurs, mais de 8000 personnes venues de tout Marseille. Il y a eu un moment d’excitation et on a été très très vite gazés. La provocation vient de la police.” 

“Un groupe de 200 personnes” agressives selon la police

Un point de vue loin d’être partagé par les policiers. “En 30 secondes, la situation a dégénéré, convient-on du côté de la direction départementale de la sûreté publique, mais la suite du constat diffère : Un groupe que l’on estime à 200 personnes a renversé les barrières, tiré des projectiles. Les forces de l’ordre ont repris position dans le périmètre et ont cristallisé les violences pendant 15 minutes. Ce qui a permis aux manifestants qui souhaitaient partir de le faire. Quand la situation est devenue intenable, à ce moment là nous avons tiré 4 grenades lacrymogènes.” 

Deux points interpellent dans la version policière : le chiffre de “200” individus violents tout d’abord. Au début de la manifestation, Marsactu a pu constater la présence d’individus cagoulés, principalement regroupés derrière une grande banderole noire en référence à l’aménagement de La Plaine, dont le nombre ne semblait pas excéder une quarantaine. Ils “craquent” des fumigènes dès le passage sur la Canebière. Situés quelques dizaines de mètres derrière la tête du cortège, c’est à leur arrivée devant l’hôtel de ville que des pétards sont lancés et que des barrières sont secouées.

Quelques minutes après 19h, une foule calme devant les barrières. Moins de dix minutes plus tard la foule était dispersée. (Image LC)

Il est près de 19h10, les CRS, jusqu’ici postés sous le porche du bâtiment se déploient derrière les barrières qui le protègent. Selon les horaires des photos prises sur place, moins de 10 minutes s’écoulent entre les premiers pétards, la sortie des CRS et la première charge, à grand renfort de grenades lacrymogènes. Devant et derrière les individus agressifs, des centaines de manifestants pacifiques se retrouvent pris dans les fumées irritantes. La queue de cortège, encore à l’entrée du Vieux-Port, n’aura que des échos lointains de ces affrontements.

Si de nombreux manifestants repartent chez eux à ce moment-là, plusieurs centaines restent néanmoins sur place, dans le calme. Après 20h30, des sapins sont brûlés par des manifestants, sous le regard de pompiers prêts à intervenir en cas de problème. La foule est définitivement dispersée. “Les CRS ont opéré une charge avec sommation qui a permis de laisser passer les pompiers”, indique-t-on côté sécurité publique. Des centaines de personnes courent Quai Rive-neuve. Certains manifestants se dispersent entre Noailles et la Plaine, où des affrontements avec les policiers se poursuivront dans la soirée, selon plusieurs témoignages.

“Une incroyable réussite que personne ne peut nier”

Côté policiers, pas question d’avoir une lecture politique de ces opérations musclées : “nous ne faisons pas de politique et nous avons réagi de manière très professionnelle. La police a répondu à une agression, ce n’est pas à nous qu’il faut le reprocher”. Les deux camps se renvoient désormais la balle de “qui a provoqué en premier”. Ils avaient pourtant préparé le parcours ensemble mercredi matin. On avait demandé à ce que les CRS ne soient pas trop visibles pour ne pas créer de tensions et discuté du parcours et de son encadrement”, précise Fathi Bouaroua. Un constat partagé par le représentant de la sécurité publique qui ajoute même que c’est pour cette raison que les forces de l’ordre étaient postées derrière l’hôtel de ville.

Le collectif refuse en tout cas de retenir les violences comme principal symbole de la marche de la colère et y voit avant tout ” “une manifestation exceptionnelle, une incroyable réussite que personne ne peut nier”. Pour poursuivre la mobilisation, une “grande marche de la dignité” est annoncée pour les semaines à venir, rassemblant des collectifs de quartiers de toute la ville.

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Commentaires

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  1. ST ST

    J’hallucine, on ne devait pas être à la même manifestation.
    “Les CRS ont opéré une charge avec sommation qui a permis de laisser passer les pompiers”, je ne crois pas non, les sapins avaient brûlés depuis quelque temps déjà. J’étais à côté quand un CRS a mis une écharpe tricolore quelques secondes avant de lancer la charge ou plutôt les charges pour nous disperser. Je n’ai vu aucune action agressive de la part des manifestants à ce moment là qui justifie ce comportement, c’était calme. J’ai plutôt vu des crs matraquer toutes les personnes qui se trouvaient sur leur passage comme des journalistes. Et qu’est-ce qui justifie que ces même CRS ou encore la BAC pourchassent et molestent des manifestants ou simples passants jusque dans les rues bien loin de la mairie ?
    Vous êtiez où Marsactu à ce moment là ? Pas sur place apparemment.

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    • LaPlaine _ LaPlaine _

      Sûrement les mêmes manifestants pacifistes qui ont ensuite défoncé les grilles du chantier de la Plaine lancés des fumigènes sur les vigiles et leur chiens, mis le feu aux poubelles et semé la violence sur la place une bonne partie de la soirée. Ces gens-là, alcoolisés venaient bien du Vieux-port par la la rue Thiers, agressant même verbalement des badauds immobiles. Désinformation.

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  2. Julien Julien

    J’étais derrière où c’était calme et on a vu tomber une salve de lacrymos… Manque de maîtrise, volonté délibérée de “terminer” la manif ? Organisation en tous cas perfectible. Nous ne savions pas qu’une prise de parole était prévue… Beaucoup de militants, pas assez d’habitants dans le cortège. Ca sera difficile de poursuivre… Et d’où des slogans très politiques : “Gaudin démission” Gaudin assassin”… “Non ce n’est pas la pluie !” aurait été plus digne, neutre, tout en affichant la honte et la colère que peuvent ressentir les Marseillais.

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    • LaPlaine _ LaPlaine _

      Le mouvement populaire a été récupéré par des activistes, notamment de La Plaine, on les a vu à l’œuvre après…

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    • Julien Julien

      Et le recyclage est à la mode décidemment. Évidemment c’est fort dommage, mais ces zozos auraient pu être facilement dilués si quelques uns des 990 000 autres habitants de cette ville avaient pris 1 h de leur temps pour venir montrer leur colère… Là aussi j’ai honte pour cette ville ! S’il arrive à passer à travers le système judiciaire, Gaudin peut ronfler tranquille jusqu’à la fin de son mandat…

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    • LaPlaine _ LaPlaine _

      C’est le grand drame de cette ville sans réaction populaire autre que les organisations activistes. Une jungle urbaine entre indifférence, “aquoibonisme” et activités groupusculaires. C’est bien pour cela que Marseille n’attire pas d’entreprises et de classes moyennes supérieures, elles n’ont aucune envie de vivre cette pétaudière au quotidien et ceux qui tentent l’expérience repartent bien vite. Nous sommes à mille lieux d’une collectivité moderne qui avance (ou même qui essaye d’avancer) collectivement.

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