Villa Valmer : le promoteur et la Ville poursuivent leur bras de fer devant la justice

Actualité
le 17 Nov 2021
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Ce mardi le promoteur du projet d'hôtel de luxe à la Villa Valmer demandait devant la justice la reprise en urgence des travaux. Pour lui, la bâtisse risque sinon d'être endommagée. Propriétaire des lieux, la Ville lui demande d'abord de régulariser l'infraction commise au printemps dernier.

La Villa Valmer a été cédée par la Ville au promoteur via un bail emphytéotique de 60 ans.
La Villa Valmer a été cédée par la Ville au promoteur via un bail emphytéotique de 60 ans.

La Villa Valmer a été cédée par la Ville au promoteur via un bail emphytéotique de 60 ans.

“S’il pleut pendant 15 jours, il n’y aura plus de Villa Valmer.” L’image est sûrement un peu exagérée, mais l’argument est là. La société Villa Valmer, détentrice d’un bail qui comprend notamment la bâtisse du 19e siècle, traîne la Ville devant la justice. Ce mardi, elle a demandé au tribunal administratif de Marseille de pouvoir reprendre les travaux interrompus en avril 2021. Autrement dit de suspendre l’application de l’arrêté de la mairie.

Propriétaire du lieu, la collectivité a découvert au printemps une infraction au permis de construire. Le promoteur avait entrepris la démolition d’une annexe de la villa sans les autorisations nécessaires. Aujourd’hui, ce dernier défend devant la justice que cette démolition était nécessaire.

“Tout est ouvert”

“Le 6 avril, les travaux de terrassement ont débuté, et nous avons découvert des cuves souterraines. Le 12 avril, se tenait une réunion de chantier lors de laquelle a été établi que l’annexe risquait de s’effondrer. Les travaux ont donc été entrepris le lendemain en concertation avec un bureau d’étude, un architecte et les entreprises”, retrace Olivier Grimaldi, conseil de la société Villa Valmer, à la barre. Il ajoute : “Ce n’est pas un bâtiment classé, c’est une annexe, c’est rien.”

Photo : Violette Artaud

Face à lui, l’avocat de la mairie, François-Charles Bernard n’a pas de mal à rappeler qu’il s’agit tout de même d’une infraction. Une infraction qu’a d’ailleurs reconnu le requérant dans l’un de ses mémoires, rappelle le défenseur. Mais l’avocat du promoteur en est déjà à l’étape suivante.

Pour lui, il a urgence – il a déposé sa requête dans le cadre d’une procédure de référé – à reprendre les travaux, qui, comme l’indique la Ville, ne sont pas indivisibles. Olivier Grimaldi commence ainsi par rappeler les intempéries qu’a connues la région il y a peu avant de décrire : “Tout est ouvert, éventré de tous les côtés. Comment remettre en cause les conditions de l’urgence ?”. Des fenêtres manquantes, des portes qu’il suffit de pousser… Marsactu a pu constater ceci cet été en se rendant sur place. L’avocat poursuit : “Sans compter les risques d’intrusion sur le site.”

Détournement de pouvoir ?

Le contre-argument de la Ville porte lui sur l’intention du promoteur. “S’il y a urgence, pourquoi alors avoir attendu six mois pour saisir la justice ?”, répond François-Charles Bernard. Le tribunal devra trancher cette question “dans les plus brefs délais”, promet la présidente Isabelle Hogedez sans préciser la date du délibéré. Mais déjà, à travers les arguments pour convaincre le tribunal qu’il existe un doute sur la légalité de la décision, le débat sur le fond commence à poindre. Pour le requérant, l’arrêté d’interruption des travaux relève d’un détournement de pouvoir de la part de Benoît Payan.

“Benoît Payan, l’élu d’opposition, considérait la privatisation de ce lieu comme la vente d’un bijou de famille, qui en priverait les Marseillais et les Marseillaises. Il avait d’ailleurs fait un recours contentieux, avant de se désister quand il a été élu“, entame Olivier Grimaldi qui rappelle l’obligation de faire respecter les permis obtenus sous l’ancienne majorité. Par la suite, des discussions ont alors eu lieu entre le promoteur, Michèle Rubirola (qui était encore maire de Marseille) et Mathilde Chaboche, adjointe à l’urbanisme pour inclure un avenant au contrat. Celui-ci devait ajouter au projet d’hôtel de luxe un “projet culturel”, indique l’avocat de la société Villa Valmer.

Bras de fer autour du permis modificatif

Pensant avoir trouvé un accord, le promoteur a déchanté quand, le 13 avril, il a vu débarquer le maire en personne, Benoît Payan, et son adjointe pour dresser un procès-verbal, puis prendre un arrêté d’interruption des travaux. “Le 15 juin se tenait une conférence de presse où l’on informait de la mise en demeure de la SAS et le risque de perte du bail, durcit le ton Olivier Grimaldi. La société s’est alors dit qu’ils cherchaient la résiliation.” Le 20 juillet, le promoteur déposait un permis modificatif qui prévoyait la reconstruction à l’identique de l’annexe. Un “concept hasardeux”, estimait auprès de Made in Marseille l’adjointe à l’urbanisme Mathilde Chaboche. Contactée, celle-ci n’a pas souhaité répondre à nos questions. Quoi qu’il en soit la demande de permis a été refusée. L’avocat menace donc : “Le projet [culturel] voulu par Michèle Rubirola n’est plus valable. Nous allons nous arcbouter sur le bail initial de 2018.”

De marbre, l’avocat de la Ville tente de son côté de rationaliser le débat. “Ils essayent de colorer le dossier de politique, mais il faut en revenir aux faits. Le promoteur a reçu une mise en demeure de se conformer à ses obligations. Qu’ils se régularisent et l’arrêté d’interruption des travaux cessera. […] On n’a pas dit qu’on voulait résilier, mais s’ils ne se conforment pas, on résiliera pour faute.” Là encore, nos questions sur le contenu de la demande de régularisation n’ont pas abouti.

Cette procédure en urgence devant le tribunal administratif n’est ainsi qu’un avant-goût de la bataille juridique autour du contrat qui lie les deux parties. “Nous avons un bail ultra solide, un permis de construire propre. Il existe des clauses dans le cas de résiliation”, a encore défendu l’avocat du promoteur. Pendant que le tribunal délibère, chacun peaufine ses arguments juridiques. Notamment pour savoir combien risque de coûter une rupture du bail prévu pour durer 60 ans.

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