Vente du diocèse d’Aix : la charité bien ordonnée de trois promoteurs

Actualité
le 30 Oct 2018
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Un trio de constructeurs – dont Eiffage – va « aider » le diocèse d’Aix à acquérir et aménager le domaine de La Baume-lès-Aix, au sud de la ville. En contrepartie, il se rémunérera en réalisant une importante opération immobilière sur l’emprise foncière de l’actuel siège diocésain, en centre-ville.

Photo : Coralie Bonnefoy.
Photo : Coralie Bonnefoy.

Photo : Coralie Bonnefoy.

“Cela ne va rien nous coûter.”  Mgr Christophe Dufour, l’archevêque du diocèse d’Aix et Arles, l’a promis en juin 2017. Le déménagement de l’archevêché, de la maison diocésaine, du séminaire, et de la direction de l’enseignement catholique du cœur de ville aixois vers l’immense parc et les somptueux bâtiments du XVIIe siècle de La Baume-lès-Aix, qu’occupaient jusqu’alors les Jésuites de la Compagnie de Jésus, doit tenir de “l’opération blanche”.

Presque dix-huit mois après son annonce, le dossier avance. À pas précautionneux. Car le diocèse, discret sur les sommes engagées, doit autofinancer son installation à La Baume au sud de la ville, et les travaux inhérents, par la vente de son très beau patrimoine à Aix, niché à quelques encablures de la place Bellegarde. “La vente du 7 cours de la Trinité n’est pas encore totalement acquise”, glisse prudemment, Daniel Favreau, l’économe diocésain. Avant d’ajouter que “le dossier est en cours d’instruction”.

Une manière élégante de dire que les négociations vont bon train. Le diocèse a retenu un groupement tripartite constitué du mastodonte de la construction Eiffage ; du groupe immobilier, filiale de la Caisse des dépôts et consignations Icade ; et de Viamco filiale privée de l’aménageur local la Semepa – Société d’Économie Mixte d’Équipement du Pays d’Aix. Ce trio doit se porter acquéreur du patrimoine foncier diocésain du centre-ville ; achat qui, concomitamment, vient financer l’acquisition et l’aménagement du site de La Baume (également réalisé par Eiffage). Le montage financier est complexe. “S’il y a un delta trop important entre l’offre des promoteurs et les coûts du rachat et des travaux à La Baume ce sera au diocèse de voir si l’opération est possible, ou non “, pose le chargé de communication du diocèse, Tanguy Lafforgue.

Montant non dévoilé

L’affaire est pourtant plus avancée que les services diocésains ne veulent bien le dire. Car, posées entre le cours de la Trinité et le boulevard Zola, les deux belles parcelles (d’environ 1200m² et 12000m² selon le cadastre), tiennent évidemment du pain béni. L’archevêché ne souhaite pas, pour l’heure, communiquer le montant de ces différentes transactions. Alexandre Gallese, troisième adjoint de Maryse Joissains, en charge de l’urbanisme, confesse les ignorer et sourit :  “Si les voies du Seigneur sont impénétrables, celles des questions financières de l’église le sont également.”

Ces deux parcelles sont essentiellement classées en zone UI. Dite  “d’intensification incitative et apaisée” dans le Plan Local d’Urbanisme, elle vise à “favoriser le renouvellement urbain (…) tout en conservant des espaces de respiration en cœur d’îlot.” Même s’il convient de “distinguer la surface au sol et la surface constructible définie par la mairie et les règles d’urbanisme” comme le recommande l’économe Daniel Favreau. On peine à imaginer qu’elles n’aiguisent pas quelques appétits.

Alexandre Gallese, adjoint à la mairie d’Aix en charge de l’urbanisme, l’admet sans détour : “La Ville, qui soutient le transfert du diocèse vers La Baume, et les promoteurs travaillent à élaborer un projet d’urbanisation.” Il évoque une “opération classique” de construction d’habitations qui “comprendra une part de logement social” (comme le veut la loi puisqu’avec un taux de logements sociaux autour de 19%, la commune doit encore faire des efforts pour atteindre les 25% requis). “Il s’agit bien sûr d’une opération purement privée mais sur un site sensible comme celui-ci, par son ampleur et son positionnement, la mairie ne peut pas ne pas avoir un regard”, enchaîne l’adjoint qui se félicite au passage de la présence dans le montage de Viamco, annexe privée de la Semepa : “Il est important qu’à travers elle, la Ville et son bras armé la Semepa, ne soient pas loin.”

Bâtiments patrimoniaux réhabilités

L’élu confirme qu’un permis de construire a d’ores et déjà été déposé pour une extension du bâti – “avec l’accord des architectes des bâtiments de France” – à La Baume-lès-Aix. Il n’en va pas encore de même pour les deux parcelles du centre-ville. “Mais ça va se faire, c’est sûr !”, affirme Alexandre Gallese. La construction devra néanmoins se plier à plusieurs impératifs. Car le siège actuel du diocèse est bordé par un bel espace boisé classé. Et son séminaire qui forme de futurs prêtres depuis plus d’un siècle, comporte plusieurs éléments listés par le PLU au titre du “Patrimoine bâti identifié” : la chapelle, le jardin d’agrément, le jardin botanique, l’oratoire et le bassin. “Nous conserverons les sites les plus patrimoniaux. L’immeuble dans lequel vit l’archevêque aujourd’hui, par exemple, sera réhabilité”, affirme l’élu. “D’autres parties, moins nobles, seront démolies.”

Au final, l’adjoint à l’urbanisme, estime “qu’entre 12 000 et 15 000 m² de surfaces de planchers en R+2 (sur trois niveaux, ndlr)” pourront en être retirées. Avec un mètre carré aixois qui tourne autour de 4500€ dans ce quartier, la commercialisation devrait ramener une somme rondelette. L’opération ne coûtera peut-être rien au diocèse, mais elle pourrait rapporter gros aux promoteurs.

Commentaires

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  1. Zumbi Zumbi

    Le domaine de La Baume continuera-t-il à être ce lieu si discrètement indispensable à la société civile du pays d’Aix, du département, de la région ? Combien de rencontres, de séminaires, journées de formation, assemblées générales, conférences depuis des décennies pour toutes sortes de groupes, associations, ONG, syndicats, collectifs dans ces lieux accueillants et pratiques ! Tout cela va-t-il disparaître, catholiques ou pas,

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    • Zumbi Zumbi

      (bug) et le lieu sera-t-il dévolu au seul usage de l’administration du clergé ? Au moment où François prêche le refus du cléricalisme ce serait dommage, et une perte énorme pour la vie sociale et culturelle de la région. Espérons que je sois excessivement pessimiste…

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  2. uneetoilefilante uneetoilefilante

    De ce que l’on m’a rapporté, il y a une trentaine d’années, le Conseil Regional a subventionné tres largement l’aménagement de la Baume pour en faire un Centre Culturel Régional.
    Si oui, quid de l’argent du contribuable dans cette transaction ?

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