Uniforme scolaire : Sabrina Agresti-Roubache bricole en solo une expérimentation à Marseille

Sabrina Agresti-Roubache en 2022 lors de la campagne des législatives. (Photo : Emilio Guzman)

À force de vouloir foncer, Sabrina Agresti-Roubache pourrait se prendre un mur. Selon nos informations la secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté et de la Ville cherche à mettre en place en solo une expérimentation de “tenue scolaire unique” dans les écoles publiques marseillaises. Une mesure chère à son amie Brigitte Macron, que la députée de Marseille a défendue fin août sur LCI, “pour réduire les inégalités et enlever une charge mentale à tous les parents”.

Selon les informations de Marsactu, celle qui a été élue députée des quartiers Est en 2022 a missionné à la rentrée Véra Tur, son ancienne institutrice du Parc Bellevue, rue Félix-Pyat (3e arrondissement), pour mobiliser sur le terrain. Le 5 octobre, cette retraitée, décorée de la Légion d’honneur comme elle aime à le rappeler, se fend d’un courriel aux directrices et directeurs des 2e et 3e arrondissements de Marseille : “Je me permets de vous contacter au sujet d’une expérimentation proposée par […] Sabrina Roubache que j’ai eue en classe il y a bien longtemps. […] Elle m’a proposé de rechercher dans le quartier des écoles qui souhaiteraient expérimenter une tenue scolaire entièrement gratuite qu’elle ferait fabriquer dans une entreprise marseillaise de réinsertion”. Précisions utiles : “Tenue offerte pour tous les élèves de l’école : trois t-shirts + trois sweatshirts + trois pantalons. Couleur et logo au choix de l’école”.

T-shirts, sweats et pantalons gratuits

Véra Tur est aussi passée par le syndicat des directeurs d’école pour élargir sa prospection, selon ses dires, à toutes les écoles des quartiers de la politique de la ville de Marseille. “Comme je l’ai expliqué dans mon courrier, je ne suis pas « macroniste ». Je me suis même impliquée dans le Printemps marseillais. Mais je vois la misère dans mon secteur, alors je me dis que si les familles peuvent avoir des pantalons et des t-shirts gratuits, pourquoi pas”, se justifie la retraitée auprès de Marsactu. 

Contactée, la secrétaire d’État a laissé son cabinet répondre à nos questions. “Je ne dis pas qu’elles n’en n’ont pas parlé, mais il n’y aucune mission pour le ministère de la Ville. Parce que ça n’est pas son sujet, mais celui du ministère de l’Éducation nationale”, botte en touche un conseiller. Du côté du ministère de l’Éducation nationale, on n’a pas plus d’informations sur le projet “de Mme Roubache”. “Elle doit répertorier les écoles d’accord pour une expérimentation, à l’image d’autres élus, députés, sénateurs, qui souhaitent en accompagner sur leur territoire”, tente une attachée de presse. Avant de rappeler le cadre fixé par le ministre de l’Éducation nationale, qui doit communiquer sur le sujet à la mi-novembre : “Pour l’instant, les candidatures des collectivités sont encore à l’étude, pour un lancement en début d’année. Par contre, l’expérimentation est prévue pour être réalisée à l’échelle d’une commune et non dans une ou deux écoles. Elle doit aussi se faire avec l’accord de la commune et du rectorat”.

Selon nos informations, ni la Ville de Marseille ni la direction des services départementaux de l’éducation nationale n’ont pour l’instant été mis dans la confidence par la secrétaire d’État à la Citoyenneté et à la Ville. “La DSDEN n’est pas impliquée, ni au courant de l’initiative”, insiste auprès de Marsactu le cabinet du recteur. Recteur vers qui nous a préalablement redirigés Pierre Huguet, adjoint de Benoît Payan, le maire DVG de Marseille. Interrogé sur le sujet à la rentrée, ce dernier avait botté en touche, préférant se moquer des polémiques sur l’abaya et l’uniforme à la rentrée en les comparant à une “fashion week”.  

“J’en ai marre de me faire engueuler”

En tout cas, la récolte de Véra Tur est pour l’instant plus que modeste : selon elle, seuls quatre directrices ou directeurs d’écoles des quartiers Nord, dont elle refuse de donner les noms et les arrondissements, auraient accepté le projet d’expérimentation. “Ils pensent aussi que ça peut soulager des familles. Mais Sabrina Roubache en espérait plus et ne comprend pas les réactions”, note son ancienne instit. Elle-même commence à interroger son engagement : “Mme Roubache m’a demandé de continuer, mais j’en ai marre de me faire engueuler de tous les bords !”

La réaction du Snuipp, le principal syndicat du premier degré, est effectivement épidermique. La mise en place d’une mesure dans laquelle il ne croit pas, mais aussi l’utilisation d’adresses mails professionnelles dans une démarche politique, rien ne passe. Un communiqué sur le sujet est en préparation. “Dans le fond comme dans la forme, c’est du grand n’importe-quoi, s’agace Mickaël Bregliano, enseignant à l’école Nationale et délégué syndical dans les 2e et 3e arrondissements. Il n’y a aucune transparence, on veut faire croire que des vêtements vont régler les problèmes de mixité ou d’inégalités sociales, alors que ça n’est pas vrai !” Et d’interroger : “Pourquoi la proposition n’est pas faite dans les écoles des quartiers Sud ou des secteurs plus aisés, comme les 7e ou 8e arrondissements ?”

Malgré le peu d’enthousiasme local, l’ex-députée de Marseille n’a visiblement pas baissé les bras. Véra Tur assure avoir encore échangé avec elle sur le sujet le lundi 16 octobre, à l’occasion d’un rendez-vous parisien sur le soutien de la secrétaire d’État à des associations de son quartier d’origine. “Le projet se poursuit, même s’il pourrait ne démarrer qu’à Pâques plutôt qu’en janvier. Elle compte aussi appeler la Ville de Marseille”, rapporte l’ancienne directrice d’école. Il n’est jamais trop tard.